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Faut-il supprimer l’institution du Chef du Gouvernement en Algérie?

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  • Faut-il supprimer l’institution du Chef du Gouvernement en Algérie?

    Dans le cadre de la réforme constitutionnelle, faut il supprimer l'institution du chef du gouvernement en Algérie?

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    Le Président de la République est élu au suffrage universel, direct et secret et, à ce titre, il exerce la souveraineté populaire pour la réalisation d’un certain nombre d’objectifs politiques économiques et sociaux.

    Seulement, en créant l’institution du Chef du Gouvernement, et en lui déterminant des compétences propres, distinctes de celles du Président de la République, les Constitutions de 1989 et de 1996 ont institué un véritable partage de compétence entre les deux organes, créant par là une large déconcentration du pouvoir et, par voie de conséquence, un affaiblissement des prérogatives du Président de la République.

    En effet, une fois élu, le Président de la République découvre que ses prérogatives pour la réalisation de ses objectifs sont en réalité limitées. L’analyse de la répartition constitutionnelle des attributions entre le Président de la République et le Chef du Gouvernement révèle en effet cette contradiction.

    Certes, la Constitution continue de faire du Président de la République la clé de voûte du système en lui attribuant d’importantes prérogatives, mais ces prérogatives sont interprétées par de nombreux commentateurs de manière exagérée, une interprétation qui tient plutôt d’une dénaturation de la Constitution résultant d’un rapport de force de fait que d’une habilitation constitutionnelle proprement dite. En effet, les prérogatives du Président restent, constitutionnellement parlant, limitées, ce qui va amener ce dernier à les élargir au détriment de son Chef du Gouvernement, d’où l’incertitude qui pèse sur l’avenir de cette institution.

    Les prérogatives du Chef du Gouvernement constituent une limite aux prérogatives présidentielles


    -Le programme politique à appliquer, une compétence exclusive du Chef du Gouvernement


    A la lecture de l’ensemble des dispositions constitutionnelles régissant les attributions du Président de la République, notamment les articles 77, il apparaît clairement que la Constitution n’habilite pas ce dernier à se doter d’un programme propre que le Gouvernement se chargerait par la suite de mettre en application. Le constituant remet plutôt cette fonction au Chef du Gouvernement. Ainsi, en a-t-il été décidé par l’article 79: «Le Chef du Gouvernement arrête son programme qu’il présente au Conseil des ministres». Le programme est donc arrêté par le Chef du Gouvernement avant même d’être présenté au Conseil des ministres présidé par le Président de la République. Cette présentation constitue pour ce dernier un simple moyen d’information du contenu du programme que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. La paternité du programme est encore une fois soulignée par l’article 80 en disposant que le «Chef du Gouvernement soumet son programme à l’approbation de l’Assemblée populaire nationale»; ou encore l’alinéa 2 du même article qui confirme l’artisan unique du programme: «le Chef du Gouvernement peut adapter son programme à la lumière de ces débats».

    -La fonction normative réduite du Président de la République

    La fonction normative est répartie entre les trois institutions que sont Le Parlement, le Président de la République et le Chef du Gouvernement. Cependant, le domaine réservé au Président est, contrairement à ce que l’on pourrait croire, assez réduit si l’on s’en tient strictement aux dispositions de la loi fondamentale.

    La Constitution élargit le domaine de la loi, c’est-à-dire au Parlement, à une trentaine de matières (art. 122), ce qui nous amène à penser que le Parlement couvre pratiquement tous les secteurs essentiels de la vie, ne laissant en définitive que très peu d’espace au Président de la République. Mais ce dernier ne retrouve la plénitude de la fonction normative que dans les circonstances exceptionnelles (état de siège, état d’urgence ou état d’exception). Par contre, s’agissant du Chef du Gouvernement, la Constitution l’associe étroitement à l’exercice de la fonction législative. Il intervient en amont en usant de son droit d’initiative des lois (art. 99/2), la loi étant votée quasi systématiquement sur initiative du Gouvernement. Le constituant exclut toute intervention directe du Président de la République dans le processus d’élaboration de la loi (excepté la promulgation de la loi et le droit de saisine du Conseil constitutionnel). En aval, le Chef du Gouvernement exerce le pouvoir réglementaire d’exécution des lois. Cependant, si la Constitution écarte le Président de la République du processus d’élaboration de la loi, elle lui permet, sous certaines conditions, de légiférer dans les matières relevant de la loi en usant du procédé de l’ordonnance. La législation par voie d’ordonnances connaît une double limite: la première tient au fait que le Président de la République ne peut légiférer que durant les intersessions du Parlement qui ne peuvent s’étendre au-delà de 4 mois (art. 118 Const.). Par ailleurs, la validité de l’ordonnance ainsi prise est conditionnée par son approbation par chacune des deux chambres du Parlement, ce qui revient à dire que le Président de la République ne dispose pas, dans ce domaine, d’un pouvoir propre qu’il exerce de manière indéterminée et souveraine. Le Parlement, titulaire originel de la fonction législative, n’en est pas pour autant dessaisi et son accord est toujours exigé. Il est certain que ce procédé ne peut être emprunté que si le Président est sûr de disposer au sein du Parlement d’une majorité acquise à sa cause; dans le cas contraire, il peut toujours brandir la menace de dissolution de l’APN. La prolifération des ordonnances au début des années 2000 s’explique, en effet, non pas par l’adhésion volontaire du Parlement à ce procédé normatif, mais plutôt par la menace de dissolution qui pesait sur la première chambre, composée majoritairement d’élus issus du parti du FLN et dont le président venait d’être démis de ses fonctions de Chef du Gouvernement. Une deuxième fournée d’ordonnances arrive en février 2006 dans le cadre de la réconciliation nationale. La raison d’être de ces ordonnances s’explique, non pas par une quelconque menace ou pression, mais par le fait que les matières sur lesquelles elles portent ne peuvent plus faire l’objet de débats à partir du moment où ce débat a été tranché par voie de référendum, lequel référendum mandate le Président de la République, et lui seul, pour mettre en place les dispositions nécessaires à la concrétisation de la charte. Donc, pourquoi solliciter le Parlement pour débattre et se prononcer sur une question déjà tranchée par le «peuple souverain» ?

    Par ailleurs, le Président de la République dispose du pouvoir réglementaire dans les matières se situant en dehors de la sphère législative. Ce pouvoir reste, cependant, très étroit. L’article 125 de la Constitution reconnaît au Président de la République un pouvoir réglementaire autonome, un pouvoir qui reste coincé entre le pouvoir de légiférer du Parlement et le pouvoir réglementaire d’exécution des lois du Chef du Gouvernement. La Constitution balise étroitement le domaine normatif du Président, d’une part par l’exclusion de l’ensemble des matières qui sont du ressort du Parlement (1), d’autre part par le pouvoir réglementaire d’application des lois qu’elle réserve au Chef du Gouvernement (art. 125-2).

    La fonction normative du Président de la République ne s’exerce, en définitive, que dans les domaines qui échappent aussi bien à la compétence du Parlement qu’à celle du Chef du Gouvernement. Mais comme le domaine d’intervention du Parlement, notamment, est très étendu, puisqu’il couvre pratiquement l’ensemble des matières (30 matières sont énoncées par l’article 122 de la Constitution), il ne reste alors que très peu d’espace au pouvoir réglementaire du Président de la République. En effet, mis à part les matières qui lui sont expressément réservées - la Défense nationale et la politique extérieure -, il ressort de la lecture du Journal officiel que son pouvoir réglementaire s’applique à la création et à la suppression d’établissements et autres institutions, aux transferts de crédits de fonctionnement, aux dénominations, aux grâces et aux approbations et ratifications d’accords ou de contrats internationaux.

  • #2
    Faut-il supprimer l’institution du Chef du Gouvernement en Algérie?

    Le rétablissement de la concentration des pouvoirs au profit du Président de la République

    Pour l’ensemble de ces raisons, le Président de la République en exercice ne cesse de dénoncer la Constitution, notamment dans ses dispositions relatives à l’institution du Chef du gouvernement, tout en laissant entendre la nécessité d’une réforme constitutionnelle. Mais faute de pouvoir la réaliser dans l’immédiat pour neutraliser les facteurs qui gênent sa démarche, le Président tente d’instaurer des pratiques dérogeant à l’esprit et à la lettre de la Constitution en vigueur.

    - L’élargissement du pouvoir de nomination

    Contrairement à ses prédécesseurs, le Président de la République en exercice adopte une interprétation plus extensive de l’article 78 de la Constitution fixant les emplois à pourvoir par le Président de la République. Cette interprétation s’est traduite par l’abrogation du décret présidentiel de 1989 instituant une répartition équilibrée du pouvoir de nomination aux emplois civils entre le Président de la République et son Chef du Gouvernement (2). A ce texte vient se substituer le décret présidentiel du 27 octobre 1999 qui élargit de manière exagérée les catégories d’emplois à pourvoir par le Président (3). C’est sans doute par ce moyen qu’il s’efforce de récupérer son influence sur les différents centres de décision. Il choisit et nomme les membres du Gouvernement alors que l’article 79 de la Constitution ne lui reconnaît que le pouvoir de nommer les membres du gouvernement choisis par le Chef du Gouvernement. S’agissant du Gouvernement «dirigé» par A. Benbitour, c’est le Président de la République qui a effectué de larges consultations auprès des partis politiques et de la société civile pour le constituer. Il est utile d’observer que pour les trois derniers gouvernements, de Benbitour, de Benflis et de Ouyahia, le décret présidentiel de nomination du Chef du Gouvernement ainsi que celui portant nomination des membres du Gouvernement sont signés le même jour, ce qui donne à penser que le Chef du Gouvernement n’a disposé d’aucun délai pour composer sa propre équipe. Cette démarche n’est pas toujours acceptée par le Chef du Gouvernement. En effet, M. Benbitour, premier Chef du Gouvernement désigné par l’actuel Président de la République, a contesté cette attitude, ce qui l’a poussé à démissionner de son poste et à rendre publiques les raisons de sa démission dans une courte lettre largement diffusée par la presse nationale. Parmi les principales raisons évoquées, figure le choix des membres du Gouvernement: «... en ignorance de l’article 79 de la Constitution, écrit-il, vous avez choisi l’ensemble des membres du Gouvernement, me privant de facto de la plus importante de mes attributions constitutionnelles» (2).

    - L’extension du pouvoir normatif

    Une extension au détriment du Chef du Gouvernement. Le Président de la République élargit, de son propre chef, son pouvoir normatif en intervenant, sous couvert de l’article 125, dans des matières qui ne sont pas de son ressort. Il est tout à fait évident que le Président de la République ne pourra agir de la sorte que si le Chef du Gouvernement adhère à cette démarche en acceptant d’être dessaisi de ses attributions constitutionnelles au profit de l’organe qui l’a choisi.Cette manière de faire est très contestable, dans la mesure où elle tend à modifier les règles constitutionnelles de répartition des compétences par un transfert de compétences du Chef du Gouvernement vers le Président de la République. Or, il faut souligner que les règles de compétences sont d’ordre public; et, à ce titre, elles ne peuvent être modifiées, même en cas de consentement des organes concernés, par le fait même qu’elles ne sont pas établies dans leur intérêt (intérêt subjectif), mais conçues dans l’intérêt de l’ordre public constitutionnel, un intérêt objectif dépassant la sphère étroite de l’organe destinataire. La création de l’institution du Chef du Gouvernement depuis la Constitution de 1989 répondait à un souci de déconcentration du pouvoir pour éviter à la République les dérives éventuelles que peut entraîner l’excès de concentration des pouvoirs entres les mains d’un même organe.

    * Une extension au détriment du pouvoir législatif. Pour étendre ses compétences au-delà de ce que lui accorde la Constitution, le Président de la République use de plusieurs procédés pour empiéter sur le domaine législatif. Il use d’abord de son pouvoir réglementaire tel qu’il est énoncé dans l’article 125-1 de la Constitution en lui donnant une interprétation suffisamment large. On peut citer comme exemple, à ce propos, le décret présidentiel du 24 juillet 2002 portant réglementation des marchés publics. Ce texte régit les contrats administratifs dont le montant dépasse un certain seuil; or les contrats et obligations sont du ressort du Parlement en vertu de l’article 122, paragraphes 1 et 9 de la Constitution.

    Par ailleurs, quand le problème à régir revêt un caractère politique, le Président de la République recourt au référendum. Tel est le cas du référendum du 29 septembre 2005 sur le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale. L’objet de cette charte est de définir les mesures nécessaires à la réconciliation nationale. Après avoir déterminé ces mesures (grâces, prises en charge morales et financières de toutes les victimes, interdictions d’activités politiques pour les responsables d’instrumentalisation de la religion), le texte de la Charte mandate le Président de la République pour prendre toutes les mesures visant à concrétiser son contenu (4). On observe ainsi que c’est le Président de la République qui détermine le contenu du texte de la Charte et le fait approuver par le peuple, ce qui constitue un acte normatif. Le contenu de la Charte étant ainsi arrêté, il demande par la même occasion au peuple de le mandater pour fixer les voies et moyens pour la mise en oeuvre de cette Charte. En usant du procédé de référendum, le Président s’affranchit des contraintes et des limites que lui impose le constituant en s’investissant du pouvoir normatif et du pouvoir d’exécution.

    - Conclusion

    Les développements que connaît le système institutionnel algérien vont dans le sens d’un effacement progressif de l’institution du Chef du Gouvernement, ce qui laisse présager, si la tendance est maintenue, la disparition pure et simple de cette institution du système constitutionnel algérien. Pourtant, les rédacteurs de la Constitution de 1989 puis ceux de 1996 ont eu pour souci principal d’élaborer un partage du pouvoir entre ceux qui ont la charge de gérer les affaires du pays et ceux qui veillent et garantissent le bon fonctionnement des institutions dans le respect de la Constitution. C’est au Chef du Gouvernement que revient la mission de gérer les affaires de l’Etat, tout en étant doublement responsable de son action devant le Parlement et devant le Président de la République, qui peuvent, tous deux, le congédier.

    Quant au Président de la République, la Constitution fait de lui le Chef de l’Etat qui incarne à lui seul l’unité de la Nation et celle de l’Etat à l’intérieur du pays ou à l’étranger. Elle fait également de lui le garant de la Constitution. Et à ce titre, elle l’investit de prérogatives qui s’attachent beaucoup plus à la fonction d’arbitre et de garant du bon fonctionnement des institutions qu’à celle de gestionnaire des affaires de l’Etat au quotidien. C’est pour cela que ses prérogatives sont surtout exceptionnelles: intervenir en cas de crise ou de dérive, dissoudre l’Assemblée populaire nationale, démettre le Chef du Gouvernement, assurer dans sa plénitude la fonction normative en cas de crise. Nous constatons, avec regret, que la tendance va dans le sens d’un effacement de l’institution du Chef du Gouvernement, peut-être dans la perspective de la constitutionnalisation de cet état de fait. La suppression de cette institution suppose l’implication directe et quotidienne du Président de la République dans la gestion des affaires de l’Etat. Cette solution poserait le problème de sa responsabilité et devant qui, de même qu’elle priverait le système institutionnel d’un arbitre et d’un gardien en cas de dépassements ou de crise quand c’est lui-même qui assure la gestion des affaires.

    1) «Les Matières, Autres Que Celles Réservées A La Loi, Relèvent Du Pouvoir Réglementaire Du Président De La République» (Art. 125-1 De La Constitution).

    2) Décret Présidentiel N°89-44 Du 10 Avril 1989 Relatif A La Nomination Aux Emplois Civils Et Militaires, JORA N°15, 1989.

    3) Décret Présidentiel N°99-240 Du 27 Octobre 1999,

    JORA N°76, 1999.

    4) «Le Peuple Algérien Souverain Approuve La Présence Charte Pour La Paix Et La Réconciliation Nationale Et Mandate Le Président De La République Pour Prendre Toutes Les Mesures Visant A En Concrétiser Les Dispositions».


    Par Yellès Chaouche Bachir : Professeur De Droit

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    • #3
      @morjane

      Bonjour,

      Moi je suis plutôt contre la suppréssion de ce potse, non pas que j'y sois vraiment attaché, mais je crois qu'il ne serait pas sage de chambouler comme cela les institutions du pays chaque 10 ou 15 ans, ca don,ne un air assez pas sérieux à mon avis. Il faut certe moodifier et arranger ce qui doit faire mieux fonctionner l'ensemble mais tout en gardant un minimum de stabilité et de continuité institutionelle.
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #4
        par contre on pourrait rajouter un autre ministre :la défense nationale.

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        • #5
          @ferailleur

          Mais le poste existe déja ! D'un point de vue purement institutionel le Ministère de la Défense Nationale (MDN) est une entité parfaitement identifié, sauf que les charges du ministre en question sont assumés par le président. C'est parfaitement légal.

          Pour ce qui est de nommer ou pas un ministre en chaire et en os à cette charge c'est une toute histoire car c'est plus politique que juridique comme problème.
          "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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