L'attaque d'une île sud-coréenne par Pyongyang intervient à un moment significatif. Les explications de Christian Makarian, directeur adjoint de la rédaction de L'Express.
Derrière le grave incident qui a opposé les deux Corée sur l'île de Yeonpyeong, la première agression territoriale depuis 1953 (la précédente, en mars 2010 était navale et avait fait 46 victimes), surgit une fois encore le spectre du régime apocalyptique de Pyongyang.
Le moment choisi pour cette attaque semble particulièrement significatif. D'abord, parce qu'il se situe quelques jours après le G20 de Séoul qui, indépendamment de ses résultats insignifiants sur l'économie mondiale, marque un beau succès pour la Corée du sud, confirme les performances économiques de ce pays et son intégration très réussie dans le système international (rappelons que Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU est également sud-coréen). Frapper un grand coup est un moyen pour Pyongyang de rappeler à Séoul son existence à travers sa capacité de nuisance hautement effective.
Ensuite, l'agression est intervenue deux jours après la révélation par un universitaire américain, Siegfried Hecker, d'une usine "incroyablement moderne" de centrifugeuses destinées à produire de l'uranium enrichi en Corée du nord. Annonce qui coïncide avec la visite de l'envoyé spécial américain pour la Corée du nord, Stephen Bosworth, à Pékin qui assume pleinement son statut d'allié indéfectible de Pyongyang.
Provoquer la reprise des discussions sur le nucléaire
Le choc voulu à Yeonpyeong vise à provoquer par la force une reprise des discussions sur le nucléaire nord-coréen, alors même que Pyongyang a claqué la porte des négociations l'an dernier, en 2009, pour gagner du temps et poursuivre son programme de centrifugeuses. Ici surgit une divergence fondamentale au sein du groupe des 6 (Corée du nord, Corée du sud, Chine, Russie, Japon, Etats-Unis): la Chine et la Corée du nord veulent reprendre les négociations tout de suite, sans préalable, alors que Washington et Séoul exigent au préalable des signes de bonne volonté tangibles et un arrêt total des programmes à risque militaire.
Pour preuve du caractère intentionnel et tactique de l'agression nord-coréenne, Pékin a estimé que la reprise des pourparlers était "impérative", ce qui montre bien le sens de la manoeuvre conjointe sino-nord-coréenne. Dans des systèmes totalitaires comme ceux de Pékin et de Pyongyang, la croyance dans les vieilles règles du bloc communiste est encore très forte; notamment la certitude qu'il faut arriver à la table des négociations en position de force, c'est à dire après avoir ouvertement montré sa puissance par une démonstration militaire.
Un régime fragile sans dynastie linéaire
Enfin, et surtout, ce fait de guerre s'est produit dans une phase très critique pour le régime nord-coréen qui, de toute évidence, est prêt à tout pour assurer sa sauvegarde. Il y a quelques semaines à peine, à la fin du mois de septembre, Kim Jong-il, que l'on dit sérieusement malade (plus encore que sur le plan psychologique), présentait son digne héritier, Kim Jong-un, né en 1983 ou 1984 (sa biographie reste floue), et l'emmenait à Pékin en guise d'intronisation. Le gamin, aussitôt fait général, incarne la sinistre continuité Kim Il-sung (mort en 1994), Kim Jong-il, Kim Jong-un, ce qui montre combien le régime est fragile sans dynastie linéaire.
Les problèmes intérieurs, dont on n'a malheureusement qu'une très faible connaissance en raison de la fermeture totale du pays, ne font que croître: après la famine, il est probable que la situation économique et sociale est désastreuse, que la détresse ainsi la démotivation de la population ne cessent d'augmenter, que l'embargo international pèse fortement sur les ressources nationales.
Il est évident que, comme pour l'Iran d'Ahmadinejad, la caste au pouvoir entend se "sanctuariser": en se dotant de l'arme nucléaire, les apparatchiks espèrent devenir indétrônables en inspirant une frayeur planétaire. La comparaison avec l'Iran s'impose d'autant plus que, selon les meilleurs experts, la Corée du nord n'a pas pu effectuer toute seule son chemin nucléaire: il est évident qu'elle a disposé d'une aide significative venue de l'extérieur - et on pense immanquablement à l'Iran. Qui se ressemble, s'assemble...
Source : L'Express
Derrière le grave incident qui a opposé les deux Corée sur l'île de Yeonpyeong, la première agression territoriale depuis 1953 (la précédente, en mars 2010 était navale et avait fait 46 victimes), surgit une fois encore le spectre du régime apocalyptique de Pyongyang.
Le moment choisi pour cette attaque semble particulièrement significatif. D'abord, parce qu'il se situe quelques jours après le G20 de Séoul qui, indépendamment de ses résultats insignifiants sur l'économie mondiale, marque un beau succès pour la Corée du sud, confirme les performances économiques de ce pays et son intégration très réussie dans le système international (rappelons que Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU est également sud-coréen). Frapper un grand coup est un moyen pour Pyongyang de rappeler à Séoul son existence à travers sa capacité de nuisance hautement effective.
Ensuite, l'agression est intervenue deux jours après la révélation par un universitaire américain, Siegfried Hecker, d'une usine "incroyablement moderne" de centrifugeuses destinées à produire de l'uranium enrichi en Corée du nord. Annonce qui coïncide avec la visite de l'envoyé spécial américain pour la Corée du nord, Stephen Bosworth, à Pékin qui assume pleinement son statut d'allié indéfectible de Pyongyang.
Provoquer la reprise des discussions sur le nucléaire
Le choc voulu à Yeonpyeong vise à provoquer par la force une reprise des discussions sur le nucléaire nord-coréen, alors même que Pyongyang a claqué la porte des négociations l'an dernier, en 2009, pour gagner du temps et poursuivre son programme de centrifugeuses. Ici surgit une divergence fondamentale au sein du groupe des 6 (Corée du nord, Corée du sud, Chine, Russie, Japon, Etats-Unis): la Chine et la Corée du nord veulent reprendre les négociations tout de suite, sans préalable, alors que Washington et Séoul exigent au préalable des signes de bonne volonté tangibles et un arrêt total des programmes à risque militaire.
Pour preuve du caractère intentionnel et tactique de l'agression nord-coréenne, Pékin a estimé que la reprise des pourparlers était "impérative", ce qui montre bien le sens de la manoeuvre conjointe sino-nord-coréenne. Dans des systèmes totalitaires comme ceux de Pékin et de Pyongyang, la croyance dans les vieilles règles du bloc communiste est encore très forte; notamment la certitude qu'il faut arriver à la table des négociations en position de force, c'est à dire après avoir ouvertement montré sa puissance par une démonstration militaire.
Un régime fragile sans dynastie linéaire
Enfin, et surtout, ce fait de guerre s'est produit dans une phase très critique pour le régime nord-coréen qui, de toute évidence, est prêt à tout pour assurer sa sauvegarde. Il y a quelques semaines à peine, à la fin du mois de septembre, Kim Jong-il, que l'on dit sérieusement malade (plus encore que sur le plan psychologique), présentait son digne héritier, Kim Jong-un, né en 1983 ou 1984 (sa biographie reste floue), et l'emmenait à Pékin en guise d'intronisation. Le gamin, aussitôt fait général, incarne la sinistre continuité Kim Il-sung (mort en 1994), Kim Jong-il, Kim Jong-un, ce qui montre combien le régime est fragile sans dynastie linéaire.
Les problèmes intérieurs, dont on n'a malheureusement qu'une très faible connaissance en raison de la fermeture totale du pays, ne font que croître: après la famine, il est probable que la situation économique et sociale est désastreuse, que la détresse ainsi la démotivation de la population ne cessent d'augmenter, que l'embargo international pèse fortement sur les ressources nationales.
Il est évident que, comme pour l'Iran d'Ahmadinejad, la caste au pouvoir entend se "sanctuariser": en se dotant de l'arme nucléaire, les apparatchiks espèrent devenir indétrônables en inspirant une frayeur planétaire. La comparaison avec l'Iran s'impose d'autant plus que, selon les meilleurs experts, la Corée du nord n'a pas pu effectuer toute seule son chemin nucléaire: il est évident qu'elle a disposé d'une aide significative venue de l'extérieur - et on pense immanquablement à l'Iran. Qui se ressemble, s'assemble...
Source : L'Express
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