Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La Grèce en guerre contre les fraudeurs

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La Grèce en guerre contre les fraudeurs

    Alors qu'Athènes conduit un sévère plan d'austérité, l'amélioration de la collecte des impôts et la lutte contre l'évasion fiscale sont devenues la priorité n°1. Mais pas facile de mettre fin à une culture de l'impunité.

    "Nous sommes les commandos du fisc." Ioannis Kapeleris est, depuis janvier 2010, le patron de la Brigade de lutte contre le crime fiscal (SDOE). Un service jusqu'alors somnolent que ce jeune grand-père - 50 ans tout juste - s'emploie à réveiller. En dix mois, il a remplacé 400 des 1300 fonctionnaires qui le composaient, instauré de nouvelles méthodes de travail et fait rentrer 3,6 millions d'euros dans les caisses de l'Etat. Soit plus du double qu'en 2009. Son PC: un vaste bureau aux larges baies vitrées, au cinquième étage d'un immeuble moderne, sur la route du Pirée. Sa cible préférée: les professions libérales.

    Au printemps dernier, il n'a pas hésité à communiquer à la presse une liste de 150 médecins du quartier huppé de Kolonaki avec leurs initiales, et le montant figurant sur leurs déclarations de revenus. Pour confondre les fraudeurs, ses services traquent tout particulièrement les signes extérieurs de richesse: résidences secondaires, piscines, grosses cylindrées, bateaux de plaisance... Ils épluchent aussi les comptes en banque. D'une pile de dossiers posée sur sa table de travail, entre ses six téléphones et le cendrier qui déborde, Kapeleris extirpe une fiche, puis une autre. Celui-ci, qui n'avoue que 130 000 euros de revenus annuels, 1,2 million d'euros sur son compte en banque; celui-là détient 6 millions, pour un revenu déclaré de 200 000 euros.

    De nombreuses transactions commerciales se font sans factures (ici, l'entrepôt des produits confisqués, à Athènes).

    La brigade traite principalement les dossiers qui lui sont transmis par les centres des impôts. Mais elle peut aussi déclencher ses propres enquêtes. Cet été, deux équipes se sont relayées sur Internet pour répertorier les villas de luxe - 23 000 - dont les loyers n'avaient jamais été déclarés. La comptabilité de plusieurs boîtes de nuit a été épluchée. Et 70 établissements ont écopé d'une mesure de fermeture temporaire.

    Dernière initiative de ce haut fonctionnaire de choc: le contrôle des bateaux. Toutes les embarcations de plus de 10 mètres, quel que soit leur pavillon, qu'elles soient déclarées comme bateaux de plaisance ou pas, devraient recevoir la visite d'un inspecteur de la SDOE dans les prochains mois. Il s'agit de débusquer les propriétaires grecs qui se cachent derrière les pavillons étrangers. Et surtout les plaisanciers qui se font passer pour des professionnels (marins-pêcheurs et skippers) afin de profiter des multiples avantages de ce statut.

    800 bateaux "professionnels" seraient des yachts luxueux

    C'est Theodoros Floratos, un ancien douanier moustachu, qui est responsable de ce programme. Il estime que la moitié des bateaux de plaisance sont en infraction. Et que "800 des 1 400 bateaux professionnels" sont en réalité des yachts luxueux. Manque à gagner pour l'Etat: entre 500 000 et 15 millions d'euros par embarcation!

    "Notre objectif est bien sûr de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, mais aussi de faire passer un message. Nous voulons montrer à l'opinion que tout le monde devra payer, pas seulement les salariés et les retraités. C'est à ce prix que nous gagnerons la bataille de la crédibilité", souligne Ioannis Kapeleris.

    L'évasion fiscale, véritable sport national

    Encore faudrait-il que les résultats soient au rendez-vous. Car les opérations coups de poing de la SDOE sont un peu l'arbre qui cache la forêt. Si la Grèce a réussi à réduire son déficit, ces derniers mois, c'est surtout, grâce aux coupes claires dans les dépenses d'investissement, les salaires et les retraites des fonctionnaires.

    Lorsque le Fonds monétaire international (FMI) et l'Union européenne lui ont octroyé un prêt, au printemps dernier, alors que le pays était au bord de la banqueroute, Athènes s'était engagé à augmenter ses recettes publiques de 13,7% avant la fin de l'année. La hausse, en réalité, ne devrait pas dépasser 4%. La récession, qui frappe durement le pays, explique en partie que l'argent ne rentre pas. Mais pas seulement. L'évasion fiscale, véritable sport national, représenterait 30 % du produit intérieur brut, les arriérés d'impôts impayés pendant les dix dernières années, quelque 35 milliards d'euros.

    Moins de 5000 Grecs, sur une population de 11 millions d'habitants, déclarent des revenus annuels supérieurs à 100 000 euros! "La crédibilité du programme grec repose essentiellement sur la réduction de la fraude fiscale et la collecte des impôts", peut-on lire dans le rapport publié en septembre par le FMI. Une délégation de l'organisation et de l'Union européenne séjourne d'ailleurs à Athènes afin d'examiner les comptes avant que ne soit débloquée, en décembre, la troisième tranche de l'emprunt consenti en mai dernier.

    Mais comment faire, avec une administration fiscale aux méthodes vétustes et largement gangrenée par la corruption? Le système des fakelaki (enveloppes) reste ici très répandu. "Il faut d'urgence réorganiser le service de collecte des impôts", souligne l'économiste Dimitri Vayanos, professeur à la London School of Economics.

    Source : L'Express
Chargement...
X