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Interview sur les compagnies aériennes

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    L’interview choc Jean-Louis Baroux
    Publié le 22 octobre 2010 par Joël Ricci dans Actualité, Perspective, Rebond -

    Jean-Louis Baroux est l’auteur de « Compagnies aériennes- La faillite du modèle »,aux éditions de l’Archipel, un livre très critique envers les compagnies traditionnelles.

    Il livre ici son avis sur l’avenir du transport aérien, en s’appuyant sur des exemples américains, sur Ryanair, les grèves des aiguilleurs du ciel…

    Air Journal / Dans votre livre, vous dénoncez sans mâcher vos mots le fonctionnement des compagnies aériennes qui les amènent à perdre de l’argent. Alors, pourquoi certaines compagnies aériennes comme Air France perdent-elles de l’argent alors que d’autres compagnies en gagnent ?


    J.-L. B. / Tous leurs maux proviennent du fait qu’elles ont perdu leurs relations avec le client. Surtout, elles ont déconnecté leurs prix de vente de leur prix de revient et leur prix de revient de leurs prix de vente. On trouve par exemple des prix de vente Paris-New York aller-retour à 355 euros, mais ce prix reste inférieur au réel coût de revient.

    Air journal / Vous avez un exemple ?


    J.-L. B. / Prenons le cas des surcharges carburant qui est un exemple parfait de ces dérives, la surcharge carburant étant intégrée au prix de revient mais pas dans le prix de vente. Pour reprendre l’histoire, les compagnies ont cru se protéger des fluctuations excessives du carburant en prenant une couverture auprès des assurances. Chaque fois que le prix du pétrole montait, elles ont appliqué des surcharges carburant alors qu’elles s’approvisionnaient à un prix protégé. Les sommes prélevées ont ainsi représenté la totalité du résultat d’Air France en 2007-2008. Jusqu’à 2007, ces surcharges carburant représentaient le plus juteux des produits dérivés des compagnies.
    Tout allait bien pour ces compagnies tant que le prix du baril montait, mais le jour où ce prix a dégringolé, alors même que l’anticipation était toujours à la hausse, elles ont été prises au piège en payant beaucoup plus cher le carburant que son prix réel et sans pouvoir appliquer une surcharge carburant au passager, car celui-ci ne l’aurait pas comprise. A vouloir jouer au casino, elles se sont brûlé les ailes.

    A. J. / Est-ce la seule raison ? Par exemple, l’arrivée des low cost n’a-t-elle pas changé la donne ?

    J.-L. B. / Certainement. En outre, à leur arrivée, personne n’y a cru. Elles ont même été traitées par les grandes compagnies avec le plus hautain mépris, avec la paupière à demi-fermée. Elles considéraient les passagers de low cost comme un public uniquement composé de sacs à dos, c’est-à-dire sans pouvoir d’achat. Mais ces directeurs ne voyageaient jamais sur ces vols, ils ne pouvaient donc pas voir que la clientèle était la même que leur compagnie. Et cette clientèle low cost n’a cessé de gonfler. Quand les compagnies aériennes s’en sont rendus compte, il était trop tard. Elles ont donc du se résoudre à faire des économies dans le coût afin d’avoir des prix qui s’alignaient.

    A. J. / Avec quelles conséquences ?

    J.-L. B. / Au lieu de réaliser des économies sur leurs structures internes en réduisant le nombre de salariés, notamment au niveau des innombrables secrétaires, assistants et postes de direction, elles ont baisser leur qualité de service. Chez Air France, un simple rideau sépare désormais les classes de service, les sièges étant identiques, et la séparation entre les sièges rigoureusement similaire. Les portions repas sont devenus faméliques. Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin. A la fin, vous nourrirez les clients avec des pilules. Cela coûtera moins cher et cela permettra de réaliser des économies de carburant car on allègera le poids de l’appareil. (sic)

    A. J. / Pierre-Henri Gougeon, patron d’Air France reproche à Emirates, la principale compagnie des Emirats Arabes Unis de percevoir « quelque 3 milliards d’euros d’avantages divers et variés », ce qui lui permet de devenir très concurrentiel sur le marché aérien. Quand pensez-vous ?

    J-L. B / C’est une vieille lune qu’Air France promène. Comme si elle n’avait jamais eu d’aides et d’avantages dans le passé de la part de l’Etat. Mais ce qu’il faut aussi voir, c’est que le produit proposé par Emirates et les compagnies du Golfe sont bien supérieurs à celui d’Air France et même de l’ensemble des compagnies européennes. Et les passagers préféreront toujours aller là où il existe le meilleur produit ou les meilleurs services.


    Air Journal / Quel est l’avenir des compagnies européennes en Europe ?


    Jean-Louis Baroux / L’avenir du transport aérien est assuré avec 5 % de croissance par an mais les compagnies européennes ne sont pas toutes en bonne santé. Beaucoup de compagnies ont déposé le bilan dans un passé plus ou moins proche Swiss, Alitalia ou TWA, JAL ou Mexicana dans le monde. En Europe, on se refuse à le voir. Si elles veulent survivre, et puisque je ne pense pas qu’elles pourront baisser leurs prix, il faudra qu’elles relèvent la qualité de leurs services.

    A. J. / Et qu’en est-il aux Etats-Unis ?

    J-L. B. / Les compagnies américaines ont pris de plein fouet l’arrivée des low cost. Sur leurs 10 premières compagnies traditionnelles, 8 sont passées par le chapitre 11 de la loi sur les faillites, ce qui leur a permis de continuer tout en s’efforçant de se restructurer. Elles ont dû se résoudre à baisser drastiquement leur coût de main d’œuvre, de l’ordre de 30 %. Aujourd’hui, les grandes compagnies américaines ont un prix siège/mile qui est inférieur à celui de la low cost Southwest Airlines.
    En revanche, la qualité des services est déplorable chez ces transporteurs américains. Ainsi, le service fourni par la low cost Southwest Airlines est largement aussi compétitif que celui de United Airlines ou Continental Airlines. Et paradoxalement, certains produits vendus à bord des low cost que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, sont de meilleure qualité, tout simplement parce s’ils ne sont pas bons, ils ne seront pas vendus.

    A. J. / Certaines low cost comme Norwegian en 2011 veulent se lancer dans les vols long-courriers. Croyez-vous que cela est viable ?


    J-L. B. / Oui certainement. Il y a aussi Air Asia qui devrait opérer des vols vers Paris ou XL Airways qui n’est pas loin d’être une low cost. Mais il y a des limites, car une low cost a besoin de faire de la publicité pour se faire connaître. Et ces investissements sont considérables.

    A. J. / Pour revenir à l’actualité et aux récentes grèves des aiguilleurs du ciel, quelle est votre opinion sur le sujet ?

    J-L. B. / Je suis affligé par leur réaction. Les Américains ont eu à faire face à des situations similaires. Le président Reagan a tranché dans le vif. Le 3 août 1981, le principal syndicat de contrôleurs américains, PATCO, déclenche la grève. Celle-ci est jugée illégale et Ronald Reagan donne 48 heures aux grévistes pour reprendre le travail, faute de quoi ils seraient exclus de la fonction publique, en clair, licenciés. Deux jours plus tard, seuls 10 % des contrôleurs avaient repris le travail. Ronald Reagan a immédiatement licencié les 11 359 grévistes restants, prenant le risque d’une désorganisation presque totale du transport aérien, ce qui n’a pas manqué de se produire. Pendant près de six mois, le trafic a été considérablement diminué, les cadres et les militaires ont pris le relais des contrôleurs licenciés pendant que l’on formait de nouveaux contrôleurs à vitesse accélérée. Depuis les choses sont rentrées dans l’ordre et … on n’a plus jamais entendu parler de grève aux Etats-Unis. (passage du livre avec l’autorisation de l’auteur : n.d.l.r.)

    A. J. / Que pensez-vous de Michael O’Leary et de son idée de faire voyager les gens debout ?

    J-L. B. / Je pense que Michael O’Leary est un gestionnaire hors pair et surtout, il faut qu’il continue. Les passagers debout avec des conditions de sécurité suffisantes, ce n’était pas si idiot que cela, et du coup, des fabricants se sont mis eux aussi à sortir des sièges semi-debout avec le niveau de sécurité requis.

    A. J. / Avec votre livre, vous tapez du pied dans la ruche de beaucoup de compagnies aériennes. N’avez-vous pas eu de remarques désobligeantes de la part de leurs dirigeants ?

    J-L. B. / Non, je suppose qu’ils n’ont pas lu mon livre. (rires) . Plus sérieusement, cela fait quarante ans que je suis dans le milieu du transport aérien. J’ai créé en 1991 le Cannes Airlines Forum et je préside aujourd’hui APG Global, un réseau mondial de compagnies aériennes. Nous sommes présents dans 150 pays. Cela me donne donc une certaine légitimité de parler du transport aérien. Et puis tout ce que je dis, c’est du pur bon sens.


    source site air journal
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