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Législatives: les égyptiens voteront demain

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    Moubarak cherche à museler les Frères musulmans

    Reportage

    Le régime égyptien s’en prend à l’opposition islamiste avant les législatives de dimanche.


    Par CLAUDE GUIBAL Le Caire, de notre correspondante
    Un policier en civil (à droite) bouscule un membre des Frères musulmans, le 3 novembre, à Fayoun. (REUTERS/Goran Tomasevic)
    Devant la mosquée de Mit Halfa, près du Caire, Mohamed el-Beltagi harangue la foule. Dans la rue sans goudron, les villageois écoutent leur député sortant fustiger le Parti national démocratique (PND) au pouvoir en Egypte, l’affairisme, la corruption, la pauvreté. Pour le pays, Mohamed el-Beltagi a une solution : l’islam, «un projet de civilisation utile à la nation entière. Le vrai problème, c’est l’absence d’égalité sociale, les droits bafoués, les richesses volées !»
    Boycott. Dimanche, les Egyptiens vont aux urnes pour des élections législatives. Mohamed el-Beltagi est Frère musulman. Un des 88 islamistes élus lors des législatives de 2005, qui ont vu la confrérie, interdite mais tolérée, réaliser une performance unique en remportant, malgré les irrégularités et les violences dénoncées par les observateurs indépendants, un cinquième des sièges, devenant la première force d’opposition parlementaire. «Une erreur qui ne se reproduira pas», a déclaré le ministre des Affaires parlementaires, Moufid Chehab. Dont acte : la semaine dernière, plus de 200 Frères musulmans ont été arrêtés lors de meetings électoraux violemment dispersés par la police, à Alexandrie et dans le delta du Nil. Amnesty International et les organisations égyptiennes de défense des droits de l’homme ont dénoncé le climat délétère, les «intimidations», la tension.

    Les autorités égyptiennes n’ont pas goûté les critiques, renvoyant dans ses cordes l’administration américaine qui a demandé en vain au Caire d’accepter la venue d’observateurs internationaux. «Nous allons prouver au monde que nous sommes capables de gérer le processus électoral d’une manière intègre», a expliqué le Premier ministre, Ahmed Nazif. Expliquant que «les manifestations ne font pas partie des mécanismes de la campagne électorale», le ministre de l’Intérieur a, lui, rappelé que la police agira «avec toute la fermeté nécessaire»face à quiconque «tenterait de porter atteinte à la stabilité» du processus.

    Campé près d’une canalisation crevant le sol de terre piétinée, un supporteur islamiste dénonce les provocations : à quelques mètres, des gros bras intimident la foule. La situation dégénère en mini-échauffourée. Dimanche, il le prédit, ce sera le même scénario et le bureau de vote sera fermé en attendant le retour au calme. «Ils empêchent ainsi les gens de voter, sans quoi tous voteraient pour nous.» Les Frères, pourtant, sont en recul : les coups de boutoir de l’Etat, qui depuis 2005 a multiplié les arrestations de hauts cadres de la confrérie, ont affaibli sa position. Le gel de ses avoirs financiers a paralysé son action. Ses disputes internes l’ont laissé sur le flanc.
    Entre-temps, la victoire du Hamas aux élections palestiniennes a calmé les velléités de la communauté internationale d’appeler l’intégration des islamistes dans le paysage politique au Proche-Orient. «Un Frère, même intègre, ne sert pas à grand-chose», raille un père de famille. «Pour obtenir quelque chose, des infrastructures, il n’y a que le PND qui a le bras assez long !»

    «En l’absence d’enjeu politique, la dimension clientéliste de cette élection est essentielle
    », convient la politologue Sophie Pommier. Les Egyptiens ne lèvent guère la tête devant les banderoles qui ont envahi les rues. «Depuis la révolution de 1952, il n’y a pas de liberté politique, de liberté de former des ONG, des syndicats professionnels, de liberté d’expression.
    Les gens ne croient pas à la crédibilité des élections»,
    dénonce l’activiste Bahey el-Din Hassan. De longues semaines, l’opposition s’est interrogée. Boycotter ou pas ce scrutin que chacun annonce faussé d’emblée ? Mohamed el-Baradei, l’ancien patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique, prix Nobel de la paix reconverti en poil à gratter du système politique égyptien, avait appelé à ne pas cautionner un processus qu’il juge perverti par les amendements constitutionnels de 2007. Annulant la supervision du vote par les magistrats et restreignant les conditions d’accès à la candidature présidentielle, ils paraissent taillés sur mesure pour faciliter l’accès au pouvoir de Gamal Moubarak, 47 ans, le fils du Raïs, qui préside le politburo du PND. Les Frères musulmans, associés à la croisade d’El-Baradei pour obtenir la révision de la Constitution, n’ont finalement pas suivi son appel.

    Accords secrets.
    «Ceux qui boycottent font savoir qu’on rejette le régime. Mais ce ne sont que des éclaireurs. Il faut aussi quelqu’un à l’intérieur du processus pour monter un dossier et dénoncer la fraude. Si vous restez en dehors, vous ne pouvez pas le faire», plaide Ashraf Balba, membre du Wafd, le parti libéral que la presse indépendante a accusé d’avoir passé des accords secrets avec le PND, en échange de sa participation au processus électoral et d’être assuré de reprendre la tête de l’opposition.

    Ca ne l’a pas empêché de fustiger le PND, qui n’a rendu publique sa liste de candidats qu’il y a deux semaines, conditionnant ainsi le début de la campagne. Ce retard, lié aux négociations internes au parti, met en lumière le principal enjeu de ces élections : redéfinir, au sein du PND, la ligne dominante. Un PND divisé entre vieille et jeune garde, partisans et opposants à Gamal Moubarak. Ceux qui sortiront en position de force donneront le la de la succession d’Hosni Moubarak, à moins d’un an d’une présidentielle rendue incertaine par les rumeurs sur l’état de santé du président égyptien.
    Dernière modification par zmigri, 27 novembre 2010, 11h33.
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