L’opération «Amirouche» du 26 novembre 1959
Un remarquable épisode de la lutte de Libération nationale
le 02.12.10 | 03h00
Dans un article paru les 28 et 29 juillet 2010 dans El Watan à propos des opérations militaires lancées par l’état-major général (E.M.G.) de l’ALN en juillet 1961 pour soutenir les négociateurs algériens présents à Lugrin (Suisse), Sélim Saâdi avait évoqué deux grandes tentatives de franchissement des barrages frontaliers de l’Est décidées par le commandement de l’ALN, celle d’avril 1958 dans la région de Souk Ahras et celle de novembre 1959 à l’extrême nord-est de l’Algérie à laquelle il avait participé. L’ancien commandant de région avais promis de revenir sur le sujet. C’est l’objet du présent article.
Automne 1959, cinq ans après le déclenchement de la lutte de Libération nationale, des milliers de combattants sont massés face à la frontière algérienne. Bon nombre d’entre eux s’apprêtent à franchir les fortifications françaises connues sous les appellations Challe et Maurice. Ils ont pour mission de renforcer en hommes et matériel les Wilayas I, II, III, IV. Cette opération a été ainsi baptisée en mémoire des colonels Amirouche et Haoues qui étaient en route vers la Tunisie, en avril 1959 et qui tombèrent les armes à la main face à l’ennemi.
Mais avant de relater le déroulement de cette opération «Amirouche», il est utile pour la compréhension de la situation qui prévalait à cette époque de faire une brève rétrospective.
I. Rappel des principaux faits qui ont marqué les cinq années de lutte qui viennent de s’écouler
Devant l’impasse où se trouvait le mouvement national (tous partis confondus) dans la recherche de l’émancipation du peuple algérien du joug colonial par la voie démocratique, et après les massacres du 8 Mai 1945 de Sétif et Guelma, une poignée de patriotes, en rupture de ban, décidèrent le déclenchement le 1er Novembre 1954 de la lutte armée. Celle-ci allait prendre de plus en plus d’ampleur et se transformer en moins de deux ans en un embrasement général. Des milliers de patriotes, de toutes classes sociales, rejoignirent le mouvement qui s’implanta rapidement à travers les campagnes et les villes en se prolongeant bientôt sur le territoire français mobilisant la communauté algérienne qui y vivait.
Le Congrès de la Soummam du 20 Août 1956 va donner à cette mobilisation une assise organisationnelle et doctrinale et lui permettre ainsi, malgré les énormes moyens mis en œuvre par l’ennemi, de parvenir au but qu’il s’était fixé grâce aux lourds sacrifices consentis par notre peuple .
Durant les trois premières années de lutte armée, on assista à une montée en puissance du mouvement à travers l’ensemble des wilayates, malgré les énormes moyen mis en œuvre par l’ennemi. L’approvisionnement, notamment en armes et munitions, était assuré surtout à partir de la Tunisie vers laquelle convergeaient l’aide des pays frères et amis.
Surpris par la rapide extension des opérations militaires de l’ALN sur l’ensemble du territoire national, les autorités françaises déversèrent hâtivement des forces de plus en plus nombreuses passant en deux ans, de 80 000 hommes à quelques centaines de milliers d’hommes.
Elles rappelèrent plusieurs classes de réservistes, allongèrent la durée du service militaire pour les contingents (nouvellement appelés), transférèrent le corps expéditionnaire d’Indochine après les accords de Genève, suite à la défaite de Dien Bien Phu, ainsi que les forces dites «de maintien de l’ordre» qui étaient déployées en Tunisie et au Maroc après l’accession de ces deux pays à l’indépendance en 1956.
A cela s’ajoutent les forces mercenaires (dites supplétives) recrutées localement. Pour empêcher l’approvisionnement des combattants de l’intérieur à partir des pays voisins, l’ennemi fit construire le long de la bande frontalière des barrages fortifiés, rappelant étrangement la fameuse ligne Maginot construite dans les années 1930 pour faire face à l’invasion allemande, mais cette fois adaptés à un mouvement de guérilla. Avec la mise en place d’un blocus maritime et aérien, le peuple algérien était désormais placé sous haute surveillance et soumis à une répression implacable.
Avec l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 et pour fournir des gages aux partisans de la manière forte, les opérations militaires s’intensifièrent et prirent une autre tournure au plan stratégique. C’est ainsi que les opérations de ratissage et de contre-guérilla qui étaient entreprises ponctuellement par les forces sectorielles en fonction du renseignement, se transformèrent en opération de grande envergure. Elles allaient se concentrer tour à tour sur telle ou telle wilaya et pouvaient durer plusieurs semaines, grâce à la disponibilité des forces de réserves, n’accordant de ce fait aucun répit à nos combattants dont les forces et les moyens s’épuisèrent de jour en jour. Elles durent leur survie qu’en éclatant en petits groupes difficilement repérables.
(à suivre )
Un remarquable épisode de la lutte de Libération nationale
le 02.12.10 | 03h00
Dans un article paru les 28 et 29 juillet 2010 dans El Watan à propos des opérations militaires lancées par l’état-major général (E.M.G.) de l’ALN en juillet 1961 pour soutenir les négociateurs algériens présents à Lugrin (Suisse), Sélim Saâdi avait évoqué deux grandes tentatives de franchissement des barrages frontaliers de l’Est décidées par le commandement de l’ALN, celle d’avril 1958 dans la région de Souk Ahras et celle de novembre 1959 à l’extrême nord-est de l’Algérie à laquelle il avait participé. L’ancien commandant de région avais promis de revenir sur le sujet. C’est l’objet du présent article.
Automne 1959, cinq ans après le déclenchement de la lutte de Libération nationale, des milliers de combattants sont massés face à la frontière algérienne. Bon nombre d’entre eux s’apprêtent à franchir les fortifications françaises connues sous les appellations Challe et Maurice. Ils ont pour mission de renforcer en hommes et matériel les Wilayas I, II, III, IV. Cette opération a été ainsi baptisée en mémoire des colonels Amirouche et Haoues qui étaient en route vers la Tunisie, en avril 1959 et qui tombèrent les armes à la main face à l’ennemi.
Mais avant de relater le déroulement de cette opération «Amirouche», il est utile pour la compréhension de la situation qui prévalait à cette époque de faire une brève rétrospective.
I. Rappel des principaux faits qui ont marqué les cinq années de lutte qui viennent de s’écouler
Devant l’impasse où se trouvait le mouvement national (tous partis confondus) dans la recherche de l’émancipation du peuple algérien du joug colonial par la voie démocratique, et après les massacres du 8 Mai 1945 de Sétif et Guelma, une poignée de patriotes, en rupture de ban, décidèrent le déclenchement le 1er Novembre 1954 de la lutte armée. Celle-ci allait prendre de plus en plus d’ampleur et se transformer en moins de deux ans en un embrasement général. Des milliers de patriotes, de toutes classes sociales, rejoignirent le mouvement qui s’implanta rapidement à travers les campagnes et les villes en se prolongeant bientôt sur le territoire français mobilisant la communauté algérienne qui y vivait.
Le Congrès de la Soummam du 20 Août 1956 va donner à cette mobilisation une assise organisationnelle et doctrinale et lui permettre ainsi, malgré les énormes moyens mis en œuvre par l’ennemi, de parvenir au but qu’il s’était fixé grâce aux lourds sacrifices consentis par notre peuple .
Durant les trois premières années de lutte armée, on assista à une montée en puissance du mouvement à travers l’ensemble des wilayates, malgré les énormes moyen mis en œuvre par l’ennemi. L’approvisionnement, notamment en armes et munitions, était assuré surtout à partir de la Tunisie vers laquelle convergeaient l’aide des pays frères et amis.
Surpris par la rapide extension des opérations militaires de l’ALN sur l’ensemble du territoire national, les autorités françaises déversèrent hâtivement des forces de plus en plus nombreuses passant en deux ans, de 80 000 hommes à quelques centaines de milliers d’hommes.
Elles rappelèrent plusieurs classes de réservistes, allongèrent la durée du service militaire pour les contingents (nouvellement appelés), transférèrent le corps expéditionnaire d’Indochine après les accords de Genève, suite à la défaite de Dien Bien Phu, ainsi que les forces dites «de maintien de l’ordre» qui étaient déployées en Tunisie et au Maroc après l’accession de ces deux pays à l’indépendance en 1956.
A cela s’ajoutent les forces mercenaires (dites supplétives) recrutées localement. Pour empêcher l’approvisionnement des combattants de l’intérieur à partir des pays voisins, l’ennemi fit construire le long de la bande frontalière des barrages fortifiés, rappelant étrangement la fameuse ligne Maginot construite dans les années 1930 pour faire face à l’invasion allemande, mais cette fois adaptés à un mouvement de guérilla. Avec la mise en place d’un blocus maritime et aérien, le peuple algérien était désormais placé sous haute surveillance et soumis à une répression implacable.
Avec l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 et pour fournir des gages aux partisans de la manière forte, les opérations militaires s’intensifièrent et prirent une autre tournure au plan stratégique. C’est ainsi que les opérations de ratissage et de contre-guérilla qui étaient entreprises ponctuellement par les forces sectorielles en fonction du renseignement, se transformèrent en opération de grande envergure. Elles allaient se concentrer tour à tour sur telle ou telle wilaya et pouvaient durer plusieurs semaines, grâce à la disponibilité des forces de réserves, n’accordant de ce fait aucun répit à nos combattants dont les forces et les moyens s’épuisèrent de jour en jour. Elles durent leur survie qu’en éclatant en petits groupes difficilement repérables.
(à suivre )
Commentaire