Jamal Derrar est le meurtrier de Sohane, quel genre d'individu peut jeter de l'essence et en asperger une adolescente? Que se passe t'il dans sa tête et que se passait il avant? Ses parents le decrivent comme un fils idéal mais ce n'est pas le cas de ses professeurs qui le décrivent comme pervers et méchant et son indiférence son manque de repentir ne peut pas laisser indiférent quand on pense aux souffrances de Sohane.
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Il garde la tête baissée. A la première minute de ce face-à-face qui va durer une semaine devant la cour d'assises de Créteil, Jamal Derrar ne regarde pas le père de Sohane Benziane. Il détourne les yeux des trois soeurs et du frère de cette jeune fille qui n'avait pas encore 18 ans, et qu'il a brûlée vive après l'avoir aspergée d'essence, le 4 octobre 2002, dans la cité Balzac de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Pendant de longues minutes, le jeune homme, âgé de 22 ans, reste les yeux fixés sur ses chaussures. A quelques mètres, les trois soeurs de Sohane essuient quelques larmes dans un mouchoir blanc. Elles revoient pour la première fois depuis la reconstitution des faits, le 25 mars 2003, celui que la justice poursuit pour "acte de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Dans le box, figure également Tony Rocca, 23 ans, ami de Jamal Derrar, renvoyé devant les assises pour "complicité".
Qui est vraiment "Nono", comme tout le monde, parents et amis, le surnommait cité Balzac ? La cour a consacré, vendredi 31 mars, sa première journée d'audience à l'examen de la personnalité de Jamal Derrar. Et il n'a rien d'un garçon simple, comme le montre la lecture par la présidente Janine Drai de témoignages écrits.
"IL NARGUAIT, IL TITILLAIT"
A en croire ses parents, c'est "un fils idéal". "Un garçon toujours de bonne humeur, dit son père. Il fait rire dès qu'il est là." Il est "intelligent, généreux, sensible", ajoute sa mère. Pour Youssef, un copain, "il était gentil, serviable, il aime les enfants". Amina, une autre amie, aujourd'hui en classe de mathématiques supérieures : "Il engueulait les petits qui n'allaient pas à l'école. Il respecte beaucoup les femmes." Et lorsque l'avocat général, Jean-Paul Content, demande un peu solennellement à Jamal Derrar : "Y a-t-il à votre avis des raisons valables de frapper les femmes ?", l'accusé répond aussitôt : "Non. Aucune." Question suivante : "Qu'est-ce que vous pensez des garçons qui frappent les filles ?" Réponse tout aussi spontanée : "Ce sont des lâches."
Pour découvrir un autre Nono, il faut se tourner vers l'école et le parcours scolaire chaotique de l'accusé, définitivement exclu de son dernier établissement le 8 février 2002. Jamal est "un élève insolent, provocateur, nuisible pour la classe", estime un professeur, qui poursuit : "Il est toujours enclin à se croire supérieur aux autres par son insolence et son esprit." "Il narguait, il titillait verbalement", insiste une autre enseignante.
65 jours d'absence, 18 retards sont comptabilisés pendant son séjour au lycée Camille-Claudel, où il a entamé un BEP d'action force de vente. Il veut être "représentant", mais les résultats ne suivent pas. "Il est le seul sur 45 élèves à avoir eu une note négative à son devoir d'histoire", indique un autre témoin. Ou encore : "Avec finesse, il pouvait être extrêmement pervers et méchant."
"Je reconnais un manque de respect vis-à-vis des professeurs", déclare Jamal Derrar à la cour. Mais il s'étonne : "Je ne sais pas pourquoi ils se sont acharnés ainsi sur moi." Il dissimule son exclusion à ses parents ; travaille au noir sur les marchés, alors que ceux-ci le croient à l'école. Avec l'argent, il s'offre de beaux vêtements, parce qu'"il aime briller".
Et puis, il y a Sohane, la jeune fille de la cité voisine de la Bourgogne. Il affirme qu'elle a été sa "petite amie", "pendant six mois". Personne ne l'a vu avec elle. Il n'a fait la confidence de cette relation à aucun de ses proches. Et la jeune fille avait alors un copain, son "premier amour", Issa, un jeune Sénégalais résidant à Villejuif. "Sohane était une fille discrète, très sérieuse", affirme l'accusé, qui ne lui reproche que "les mauvaises influences de ses copines". Interrogé par Me Francis Szpiner, avocat de la famille Benziane, Jamal Derrar précise qu'il entretenait avec Sohane "une relation platonique". Il avait expliqué un peu plus tôt à la cour qu'il n'avait "jamais eu de relations sexuelles" avec elle, ni avec une autre.
Sohane ? "C'était une jeune fille qui semblait un peu perdue", estime Ginette Dupin, l'enquêtrice qui s'est penchée sur la personnalité de la défunte lors de l'instruction. Elle entretient des relations difficiles avec sa belle-mère, qui préfère ses propres enfants. Elle aime son père, mais il semble sous l'emprise de son épouse. Celle-ci laisse parfois dormir Sohane sur le palier ; elle l'héberge dans une chambre dans laquelle elle coupe l'électricité. La jeune fille connaît, elle aussi, un grave échec scolaire. Elle sèche les cours. Elle veut devenir chanteuse. Elle a une belle voix, mais ne parvient pas à faire de sa passion un métier. En 2002, elle commence une formation d'esthéticienne.
"C'était une grande sentimentale, a dit à Mme Dupin l'une de ses amies, elle lisait des romans d'amour. Elle avait du succès avec les garçons" en raison de sa "beauté naturelle". En août 2002, elle est partie en vacances avec Issa. Personne de la famille n'a fait mention devant l'enquêtrice d'une relation amoureuse entre la jeune fille et Jamal Derrar.
Il lui a été raconté, en revanche, une altercation entre l'accusé et Issa, en juillet 2002, qui aurait provoqué sa rage contre Sohane. Lors de l'étude de la personnalité de Jamal Derrar, l'enquêtrice avait écarté l'hypothèse d'un crime passionnel, relevant l'absence de repentir de celui-ci. "Je n'ai jamais vu une telle indifférence", a-t-elle précisé à la cour. "Depuis la mort de Sohane, avait auparavant déclaré l'accusé, ma vie a marqué un tournant." L'audience reprend, lundi 3 avril, par l'examen des faits.
Par Le monde
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Il garde la tête baissée. A la première minute de ce face-à-face qui va durer une semaine devant la cour d'assises de Créteil, Jamal Derrar ne regarde pas le père de Sohane Benziane. Il détourne les yeux des trois soeurs et du frère de cette jeune fille qui n'avait pas encore 18 ans, et qu'il a brûlée vive après l'avoir aspergée d'essence, le 4 octobre 2002, dans la cité Balzac de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Pendant de longues minutes, le jeune homme, âgé de 22 ans, reste les yeux fixés sur ses chaussures. A quelques mètres, les trois soeurs de Sohane essuient quelques larmes dans un mouchoir blanc. Elles revoient pour la première fois depuis la reconstitution des faits, le 25 mars 2003, celui que la justice poursuit pour "acte de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Dans le box, figure également Tony Rocca, 23 ans, ami de Jamal Derrar, renvoyé devant les assises pour "complicité".
Qui est vraiment "Nono", comme tout le monde, parents et amis, le surnommait cité Balzac ? La cour a consacré, vendredi 31 mars, sa première journée d'audience à l'examen de la personnalité de Jamal Derrar. Et il n'a rien d'un garçon simple, comme le montre la lecture par la présidente Janine Drai de témoignages écrits.
"IL NARGUAIT, IL TITILLAIT"
A en croire ses parents, c'est "un fils idéal". "Un garçon toujours de bonne humeur, dit son père. Il fait rire dès qu'il est là." Il est "intelligent, généreux, sensible", ajoute sa mère. Pour Youssef, un copain, "il était gentil, serviable, il aime les enfants". Amina, une autre amie, aujourd'hui en classe de mathématiques supérieures : "Il engueulait les petits qui n'allaient pas à l'école. Il respecte beaucoup les femmes." Et lorsque l'avocat général, Jean-Paul Content, demande un peu solennellement à Jamal Derrar : "Y a-t-il à votre avis des raisons valables de frapper les femmes ?", l'accusé répond aussitôt : "Non. Aucune." Question suivante : "Qu'est-ce que vous pensez des garçons qui frappent les filles ?" Réponse tout aussi spontanée : "Ce sont des lâches."
Pour découvrir un autre Nono, il faut se tourner vers l'école et le parcours scolaire chaotique de l'accusé, définitivement exclu de son dernier établissement le 8 février 2002. Jamal est "un élève insolent, provocateur, nuisible pour la classe", estime un professeur, qui poursuit : "Il est toujours enclin à se croire supérieur aux autres par son insolence et son esprit." "Il narguait, il titillait verbalement", insiste une autre enseignante.
65 jours d'absence, 18 retards sont comptabilisés pendant son séjour au lycée Camille-Claudel, où il a entamé un BEP d'action force de vente. Il veut être "représentant", mais les résultats ne suivent pas. "Il est le seul sur 45 élèves à avoir eu une note négative à son devoir d'histoire", indique un autre témoin. Ou encore : "Avec finesse, il pouvait être extrêmement pervers et méchant."
"Je reconnais un manque de respect vis-à-vis des professeurs", déclare Jamal Derrar à la cour. Mais il s'étonne : "Je ne sais pas pourquoi ils se sont acharnés ainsi sur moi." Il dissimule son exclusion à ses parents ; travaille au noir sur les marchés, alors que ceux-ci le croient à l'école. Avec l'argent, il s'offre de beaux vêtements, parce qu'"il aime briller".
Et puis, il y a Sohane, la jeune fille de la cité voisine de la Bourgogne. Il affirme qu'elle a été sa "petite amie", "pendant six mois". Personne ne l'a vu avec elle. Il n'a fait la confidence de cette relation à aucun de ses proches. Et la jeune fille avait alors un copain, son "premier amour", Issa, un jeune Sénégalais résidant à Villejuif. "Sohane était une fille discrète, très sérieuse", affirme l'accusé, qui ne lui reproche que "les mauvaises influences de ses copines". Interrogé par Me Francis Szpiner, avocat de la famille Benziane, Jamal Derrar précise qu'il entretenait avec Sohane "une relation platonique". Il avait expliqué un peu plus tôt à la cour qu'il n'avait "jamais eu de relations sexuelles" avec elle, ni avec une autre.
Sohane ? "C'était une jeune fille qui semblait un peu perdue", estime Ginette Dupin, l'enquêtrice qui s'est penchée sur la personnalité de la défunte lors de l'instruction. Elle entretient des relations difficiles avec sa belle-mère, qui préfère ses propres enfants. Elle aime son père, mais il semble sous l'emprise de son épouse. Celle-ci laisse parfois dormir Sohane sur le palier ; elle l'héberge dans une chambre dans laquelle elle coupe l'électricité. La jeune fille connaît, elle aussi, un grave échec scolaire. Elle sèche les cours. Elle veut devenir chanteuse. Elle a une belle voix, mais ne parvient pas à faire de sa passion un métier. En 2002, elle commence une formation d'esthéticienne.
"C'était une grande sentimentale, a dit à Mme Dupin l'une de ses amies, elle lisait des romans d'amour. Elle avait du succès avec les garçons" en raison de sa "beauté naturelle". En août 2002, elle est partie en vacances avec Issa. Personne de la famille n'a fait mention devant l'enquêtrice d'une relation amoureuse entre la jeune fille et Jamal Derrar.
Il lui a été raconté, en revanche, une altercation entre l'accusé et Issa, en juillet 2002, qui aurait provoqué sa rage contre Sohane. Lors de l'étude de la personnalité de Jamal Derrar, l'enquêtrice avait écarté l'hypothèse d'un crime passionnel, relevant l'absence de repentir de celui-ci. "Je n'ai jamais vu une telle indifférence", a-t-elle précisé à la cour. "Depuis la mort de Sohane, avait auparavant déclaré l'accusé, ma vie a marqué un tournant." L'audience reprend, lundi 3 avril, par l'examen des faits.
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