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L'histoire sans fin du clandestin des clandestins. (A lire !)

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  • L'histoire sans fin du clandestin des clandestins. (A lire !)

    L'histoire sans fin du clandestin des clandestins
    par Kamel Daoud

    Dans «immigration clandestine», il y a clandestine. C'est-à-dire clandestin. A partir de quel périmètre un Algérien est-il considéré comme voyageur clandestin ? Dès qu'il sort des eaux nationales vers les eaux internationales ? Dès qu'il met le pied dans la chaloupe ? A la plage avant de partir ? Dès qu'il vient au monde ou dès qu'il a l'intention ferme et calculée et payée de partir ? C'est dans la salle d'audience où on jugeait des dizaines et des dizaines de harraga, hier à Oran, que le chroniqueur s'est posé la liste de questions. A la barre, ils avaient été en tout près de 119 à avoir été attrapés, menottés, inculpés et jugés. C'est le plus gros chiffre du moment dans l'histoire maritime clandestine du pays. 119 à avoir été interceptés le 1er Mouharam et déjà on peut calculer, par logique des proportions, le nombre de ceux qui ont vraiment réussi à partir et à arriver. Retour au sujet de la chronique : le concept flou de

    «clandestin». Pourquoi ? Parce que durant les procès d'hier, il y avait un inculpé qui était jugé pour tentative d'immigration clandestine pendant que lui jurait qu'il n'était qu'un « clandestin». Comprendre un taxieur clandestin, un clando, un Algérien qui avait été payé par deux candidats clandestins à l'immigration pour les mener à la plage où ils étaient attendus. Clandestin donc, il sera arrêté et inculpé et jugé. Son avocat expliquera donc au juge qu'on ne peut pas accuser «ce clandestin » d'être un clandestin puisque si on veut partir en Espagne, on ne vient pas à la plage avec sa propre voiture. Reste que, du point de vue de l'étymologie et de la loi «du mauvais endroit au mauvais moment», ce clandestin est un clandestin. Sauf que, du point de vue de la logique, la question reste posée et nationalement : à partir de quel moment X, sur le vecteur V, avec le temps T et les chaussures Y, un Algérien peut être inculpé pour immigration clandestine ? «Le pire c'est qu'il n'y pas de loi pour punir la tentative d'immigration mais l'immigration elle-même», expliquera un avocat au chroniqueur dans le hall du tribunal. De quoi étaient coupables ces dizaines de jeunes ? Difficile à préciser du point de vue de la loi. Du point de vue de la loi, il y a eu seulement tentative. Encore que... Car beaucoup ont été appréhendés à la plage, c'est-à-dire au sol, en terre algérienne. D'autres ont été capturés alors qu'ils étaient cachés dans les rochers ou dans les buissons. D'autres ont expliqué au juge qu'ils ne faisaient que passer. Trop près d'une barque et d'une frontière cependant. A partir de quel moment un Algérien est clandestin ? De la naissance, disent les plus critiques.

    Quel est le crime d'un homme qui travaille comme clandestin pour les clandestins ? Existe-t-il un métier plus ténébreux comme celui de passeur des passeurs. Dans ce cas précis, la loi est floue, comme la géographie, comme le délit, comme le crime, comme la punition. Tout est flou aux yeux du régime mais tout est clair aux yeux des clandestins. Le régime ne sait plus quoi faire contre ce phénomène mais le phénomène sait ce qu'il doit faire contre le régime.

    La bonne logique veut cependant que si on condamne le clandestin des clandestins, il faut continuer et remonter plus haut : l'homme qui a réduit le clandestin des clandestins à être un clandestin. Puis, à la fin de la chaîne, l'homme exact qui active dans la clandestinité ou qui a réduit le peuple à être un clandestin chez lui. L'homme qui est à l'origine caché de cet état de l'Etat où tout le monde travaille, vit, vivote ou mange dans une sorte de clandestinité semi-vivable que tous veulent fuir pour vivre au soleil. Le clandestin suprême.
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    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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