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Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

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  • Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

    Brise marine


    La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
    Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
    D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
    O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
    Sur le vide papier que la blancheur défend
    Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
    Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
    Lève l'ancre pour une exotique nature !
    Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
    Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
    Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
    Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
    Perdus, sans mâts, sans mâts ni fertiles îlots...
    Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

    Stéphane MALLARMÉ, Vers et prose (1893)

    -
    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
    -

  • #2
    Merci Loubia,

    A Chateaubriand de répondre par:

    Des vastes mers tableau philosophique,
    Tu plais au cœur de chagrins agité :

    Quand de ton sein, par les vents tourmenté,

    Quand des écueils et des grèves antiques

    Sortent des bruits, des voix mélancoliques,

    L'âme attendrie en ses rêves se perd,

    Et, s'égarant de penser en penser

    Comme les flots de murmure en murmure,

    Elle se mêle à toute la nature :

    Avec les vents, dans le fond des déserts,

    Elle gémit le long des bois sauvages,

    Sur l'Océan vole avec les orages,

    Gronde en la foudre et tonne dans les mers.

    Mais quand le jour sur les vagues tremblantes

    S'en va mourir ; quand, souriant encore,

    Le vieux soleil glace de pourpre et d'or
    Le vert changeant des mers étincelantes,
    Dans des lointains fuyants et veloutés
    En enfonçant ma pensée et ma vue,
    J'aime à créer des mondes enchantés,

    Baignés des eaux d'une mer inconnue.

    L'ardent désir, des obstacles vainqueur,

    Trouve, embellit des rives bocagères,

    Des lieux de paix, des îles de bonheur,

    Où, transporté par les douces chimères,

    Je m'abandonne aux songes de mon cœur.

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    • #3
      Puisque nous avons pris la mer...

      Il est très long, désolé !


      Le cimetière marin

      Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
      Entre les pins palpite, entre les tombes;
      Midi le juste y compose de feux
      La mer, la mer, toujours recommencée
      O récompense après une pensée
      Qu'un long regard sur le calme des dieux!

      Quel pur travail de fins éclairs consume
      Maint diamant d'imperceptible écume,
      Et quelle paix semble se concevoir!
      Quand sur l'abîme un soleil se repose,
      Ouvrages purs d'une éternelle cause,
      Le temps scintille et le songe est savoir.

      Stable trésor, temple simple à Minerve,
      Masse de calme, et visible réserve,
      Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi
      Tant de sommeil sous une voile de flamme,
      O mon silence! . . . Édifice dans l'âme,
      Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit!

      Temple du Temps, qu'un seul soupir résume,
      À ce point pur je monte et m'accoutume,
      Tout entouré de mon regard marin;
      Et comme aux dieux mon offrande suprême,
      La scintillation sereine sème
      Sur l'altitude un dédain souverain.

      Comme le fruit se fond en jouissance,
      Comme en délice il change son absence
      Dans une bouche où sa forme se meurt,
      Je hume ici ma future fumée,
      Et le ciel chante à l'âme consumée
      Le changement des rives en rumeur.

      Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
      Après tant d'orgueil, après tant d'étrange
      Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
      Je m'abandonne à ce brillant espace,
      Sur les maisons des morts mon ombre passe
      Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir.

      L'âme exposée aux torches du solstice,
      Je te soutiens, admirable justice
      De la lumière aux armes sans pitié!
      Je te tends pure à ta place première,
      Regarde-toi! . . . Mais rendre la lumière
      Suppose d'ombre une morne moitié.

      O pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
      Auprès d'un coeur, aux sources du poème,
      Entre le vide et l'événement pur,
      J'attends l'écho de ma grandeur interne,
      Amère, sombre, et sonore citerne,
      Sonnant dans l'âme un creux toujours futur!

      Sais-tu, fausse captive des feuillages,
      Golfe mangeur de ces maigres grillages,
      Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
      Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
      Quel front l'attire à cette terre osseuse?
      Une étincelle y pense à mes absents.

      Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
      Fragment terrestre offert à la lumière,
      Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
      Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
      Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres;
      La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!

      Chienne splendide, écarte l'idolâtre!
      Quand solitaire au sourire de pâtre,
      Je pais longtemps, moutons mystérieux,
      Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
      Éloignes-en les prudentes colombes,
      Les songes vains, les anges curieux!

      Ici venu, l'avenir est paresse.
      L'insecte net gratte la sécheresse;
      Tout est brûlé, défait, reçu dans l'air
      A je ne sais quelle sévère essence . . .
      La vie est vaste, étant ivre d'absence,
      Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.

      Les morts cachés sont bien dans cette terre
      Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
      Midi là-haut, Midi sans mouvement
      En soi se pense et convient à soi-même
      Tête complète et parfait diadème,
      Je suis en toi le secret changement.

      Tu n'as que moi pour contenir tes craintes!
      Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
      Sont le défaut de ton grand diamant! . . .
      Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
      Un peuple vague aux racines des arbres
      A pris déjà ton parti lentement.

      Ils ont fondu dans une absence épaisse,
      L'argile rouge a bu la blanche espèce,
      Le don de vivre a passé dans les fleurs!
      Où sont des morts les phrases familières,
      L'art personnel, les âmes singulières?
      La larve file où se formaient les pleurs.

      Les cris aigus des filles chatouillées,
      Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
      Le sein charmant qui joue avec le feu,
      Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
      Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
      Tout va sous terre et rentre dans le jeu!

      Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
      Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge
      Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici?
      Chanterez-vous quand serez vaporeuse?
      Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse,
      La sainte impatience meurt aussi!

      Maigre immortalité noire et dorée,
      Consolatrice affreusement laurée,
      Qui de la mort fais un sein maternel,
      Le beau mensonge et la pieuse ruse!
      Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
      Ce crâne vide et ce rire éternel!

      Pères profonds, têtes inhabitées,
      Qui sous le poids de tant de pelletées,
      Êtes la terre et confondez nos pas,
      Le vrai rongeur, le ver irréfutable
      N'est point pour vous qui dormez sous la table,
      Il vit de vie, il ne me quitte pas!

      Amour, peut-être, ou de moi-même haine?
      Sa dent secrète est de moi si prochaine
      Que tous les noms lui peuvent convenir!
      Qu'importe! Il voit, il veut, il songe, il touche!
      Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
      À ce vivant je vis d'appartenir!

      Zénon! Cruel Zénon! Zénon d'Êlée!
      M'as-tu percé de cette flèche ailée
      Qui vibre, vole, et qui ne vole pas!
      Le son m'enfante et la flèche me tue!
      Ah! le soleil . . . Quelle ombre de tortue
      Pour l'âme, Achille immobile à grands pas!

      Non, non! . . . Debout! Dans l'ère successive!
      Brisez, mon corps, cette forme pensive!
      Buvez, mon sein, la naissance du vent!
      Une fraîcheur, de la mer exhalée,
      Me rend mon âme . . . O puissance salée!
      Courons à l'onde en rejaillir vivant.

      Oui! grande mer de délires douée,
      Peau de panthère et chlamyde trouée,
      De mille et mille idoles du soleil,
      Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
      Qui te remords l'étincelante queue
      Dans un tumulte au silence pareil

      Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!
      L'air immense ouvre et referme mon livre,
      La vague en poudre ose jaillir des rocs!
      Envolez-vous, pages tout éblouies!
      Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies
      Ce toit tranquille où picoraient des focs!

      Paul Valery




      PS : Tu n'as pas oublié tes origines apparemment (El Bahar) !

      -
      Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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      • #4
        Pour garder le cap, un passage de l'irremplaçable Djaout.

        Poème extrait de la nouvelle Mer Arable (recueil : Tahar Djaout, Les Rets de l’Oiseleur. ENAG Editions, 2002)




        Les vagues se sont tues
        sous l’ire du soleil
        et vainement j’attends
        les hymnes orgiaques

        chanterai-je pour combler
        l’imploration des crabes
        les cantiques aphasiques
        des funérailles stellaires ?

        Je limerai encore
        sur ce miroir de sable
        mon corps rescapé
        des périples-suicides

        et criblerai le ciel
        des dards fulminants
        que m’arrache le dépit
        de béquiller encore
        sur mon squelette véreux

        dans mon crâne évidé
        roule sempiternel
        le relent des méduses

        Tahar Djaout
        -
        Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
        -

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        • #5
          Je t'en prie Loubia. C'est un délice de le lire. Hélas, non. Je regrette même d'avoir changé mon pseudo...

          Je cherche un poème que j'ai lu sur un tableau dans un café à Saint Malo...Il m'a drôlement plu. Dommage que je ne me rappelle plus de son titre ni de son auteur...

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          • #6
            Pour continuer sans s'éloigner ni de la poésie ni de ma terre d'adoption, je poste celui-là:

            Un coucher de soleil, en Bretagne



            Les ajoncs éclatants, parure du granit,

            Dorent l'âpre sommet que le couchant allume.

            Au loin, brillante encore par sa barre d'écume,

            La mer sans fin, commence où la terre finit !



            A mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid

            Se tait. L'homme est rentré sous le chaume qui fume ;

            Seul l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,

            A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.



            Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,

            Des landes, des ravins, montent des voix lointaines

            De pâtres attardés ramenant le bétail.



            L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,

            Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,

            Ferme les branches d'or de son rouge éventail.

            (José M. de Hérédia)

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            • #7
              ... Agréable lecture... Merci à vous deux...

              « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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