ERRANCE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN
Est-ce le début du déclin?
«Nous serons une grande nation qui aura échoué parce que nous avons perdu le contrôle de notre économie et que nous nous sommes trop agrandis.»
Paul Kennedy (historien américain)
Une publication parue récemment dans le journal Asia Times a attiré mon attention. Pour la première fois, l’auteur, un professeur américain d’une université prestigieuse, décrit et avec moult détails, le déclin de l’empire américain. Avant de lui donner, je crois bon de rappeler au lecteur que cet anathème de la décadence, qui frapperait les Etats-Unis, avait été le crédo de tous ceux qui avaient un «compte à régler» avec l’empire américain, nouveau taghout (Goliath) des temps modernes.
Ce fut le cas des régimes arabes qui passèrent et passent leur temps à se lamenter. A ce propos, on raconte que lors d’un raid américain sur Tripoli (Libye) pour mettre au pas El Gueddafi, ce dernier appelle au secours ses «frères» arabes. Réunis en conclave, ces derniers ne purent se mettre d’accord sur la réponse adéquate à faire aux Américains.
Chacun ayant peur des sanctions à venir. On dit que parmi eux, un «dirigeant» proposa une idée singulière, résumée d’une façon lumineuse par cette phrase à l’encontre de Reagan: «Nouaklou ‘alihe Al Rabb», «Nous prenons Dieu à témoin pour l’offense qu’il nous a faite».L’impuissance des Arabes et leurs rodomontades sans lendemain étant une donnée fondamentale des relations internationales actuelles.
Plus sérieusement, le déclin avéré de l’Occident et, partant des Etats-Unis, plonge ses fondements dans l’histoire, Ibn Khaldoun le père de la sociologie, avait décrit magistralement l’apogée puis le déclin des civilisations. Pourtant, le XXe siècle a vu le triomphe en définitive, du capitalisme sur le communisme. L’Occident se retrouva sans adversaire. Il fallait en trouver un. Les idéologues du Pentagone de la fin du siècle dernier réunis autour de Richard Perle, Paul Wolkowitz, élaborèrent le Pnac (Programme for New American Century),Programme pour un nouveau siècle américain. Plus rien ne devrait s’opposer à l’hyperpuissance américaine, il fallait lui donner un nouveau souffle, une cause fédératrice, un Satan de rechange devant remplacer «l’Empire du mal» que représentait l’Urss dans la doxa occidentale. Ce sera l’Islam.
Pour cela, la nécessité pour l’empire de gouverner le monde est indexée sur sa soif des matières premières, notamment les hydrocarbures. L’Empire sera amené à gérer deux guerres en même temps avec des dépenses de l’ordre de 2 milliards de dollars par jour pour le Pentagone dont une grande partie sert à alimenter le complexe militaro-industriel. Plus rien ne doit s’opposer à l’empire. Fukuyama avec «la fin de l’histoire» et Huntington avec «le choc des civilisations» étaient deux alibis puissants légitimant, en définitive, l’inéluctabilité de la bataille contre l’Asie et contre l’Islam.
Ce sera l’Islam
Mérick Freedy Alagbe écrit à ce propos: «Dans l’euphorie ambiante, Francis Fukuyama publie La fin de l’histoire et le dernier homme qui traduit sa vision d’un monde marqué par la prééminence de la démocratie libérale occidentale. Pour lui, l’humanité a atteint le bout de sa fécondité idéologique et le modèle occidental s’impose comme la forme accomplie de gouvernement des humains. En l’absence d’alternative sérieuse, le monde ne pouvait désormais qu’être homogène.
Condescendance ethnocentrique ou angélisme? La fin des idéologies, loin de voir émerger un monde pacifique, avec l’universalisation des valeurs et principes d’organisation politique qu’épouse l’Occident chrétien, ouvre au contraire une nouvelle page de l’histoire, où les prodromes d’un «choc des civilisations» n’ont jamais été aussi prégnants. (...)Elle sera cependant réhabilitée au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001 et l’engagement militaire des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, sous le slogan de «Croisade» contre le terrorisme.»(1)
Quand George Bush montant sur un char en Irak en juin 2003, annonce urbi et orbi que la guerre est finie, les Etats-Unis ne le savaient pas, jamais ils entamaient leur déclin en provoquant la guerre en Irak sous les conseils lancinants des néoconservateurs des lobbys pétroliers et dit-on d’Israël pour qui la guerre avait un double rôle; éliminer un rival dangereux et affaiblir le camp arabe ou ce qu’il en reste, après le Front du refus et après la reddition en rase campagne de Sadate et la vassalisation de Moubarak pour une aumône de 3 petits milliards de dollars par an et l’assurance de faire de son trône une «affaire dynastique» contre la volonté de son peuple.
Cette destinée manifeste de l’Empire américain plonge ses racines dans l’arrogance de l’Homme blanc européen. Kishore Mahboubani en parle: «Il y a plus de 40 ans écrit-il - j’avais alors entre 20 et 30 ans - un ouvrage de l’important historien britannique Victor Kiernan m’avait fortement impressionné: il s’intitulait The Lords of Humankind, European Attitudes to the Outside World in the Imperial Age.
Il avait été publié en 1969, lorsque la décolonisation européenne touchait à sa fin, à quelques rares exceptions près. Kiernan brossait le portrait de l’arrogance et du fanatisme traversés par un rayon de lumière exceptionnel.
La plupart du temps, cependant, les colonialistes étaient des gens médiocres mais en raison de leur position et, surtout, de leur couleur de peau, ils étaient en mesure de se comporter comme les maîtres de la création. De plus, l’ouvrage de Kiernan me montrait que, même si la politique coloniale européenne touchait à sa fin - les puissances coloniales européennes ne pouvant plus garder leurs colonies - l’attitude colonialiste des Européens subsisterait probablement encore longtemps. En fait, celle-ci reste très vive en ce début du XXIe siècle. Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant: «Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que...», suivent les platitudes habituelles et l’énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n’appliquent jamais.
Le complexe de supériorité subsiste. Le fonctionnaire européen contesterait certainement être un colonialiste atavique. C’est là qu’est le problème. Cette tendance européenne à regarder de haut, à mépriser les cultures et les sociétés non européennes, a des racines profondes dans le psychisme européen.»(2)
En effet, dans la présentation synoptique que S. Huntington nous fournit sur les grandes lignes de fracture entre les différentes civilisations, deux grandes entités distinctes que tout semble opposer, retiennent l’attention: l’Occident, imprégné de culture judéo-chrétienne et le Proche-Orient de tradition islamique. Les autres communautés, bouddhiste, taoïste, shintoïste, hindouiste...ayant subi aussi des risques d’anomie face à la montée en puissance de l’Occident chrétien - à la pointe de la technologie - ont su par moments se résigner à cette hégémonie tout en se préservant de la destruction.
C’est le cas de la Chine, du Japon, et de l’Inde dont le dynamisme économique durant la décennie fait rêver l’Occident. En effet, entre 1999 et 2009, l’économie mondiale a connu de grands bouleversements. Leur point commun: la vitesse à laquelle ils se sont produits. Dans le même temps, un autre facteur marque tout autant: l’accélération du rythme de ces changements. Accélération tout d’abord chinoise. Avec un taux de croissance annuelle de 10%, la Chine double son produit intérieur brut tous les 7 ans et demi. Il avait fallu 58 ans au Royaume-Uni, pour doubler son revenu par tête à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles; 47 ans aux Etats-Unis, entre 1839 et 1886; 34 ans au Japon entre 1885 et 1919. La Chine l’a fait plus de trois fois depuis 1978. En 1999, elle occupait la 7e place mondiale, derrière l’Italie. elle est numéro deux, derrière les Etats-Unis.(3) On dit qu’elle dépassera les Etats-Unis en 2025
S’agissant justement de ces pays asiatiques qui talonnent l’Occident, selon le professeur Kishore Mahbubani doyen de la Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour qui en parle dans son ouvrage: «Pendant des siècles, les Asiatiques ont eu le sentiment d’avoir été exclus de l’histoire mondiale. Aujourd’hui, ils sont prêts à devenir des acteurs à part entière, après avoir intégré les «bonnes pratiques» de l’Occident - l’économie de marché, les sciences et les technologies, la méritocratie, l’Etat de droit, le pragmatisme, la culture de la paix et le développement de l’éducation.»(4)
...
Est-ce le début du déclin?
«Nous serons une grande nation qui aura échoué parce que nous avons perdu le contrôle de notre économie et que nous nous sommes trop agrandis.»
Paul Kennedy (historien américain)
Une publication parue récemment dans le journal Asia Times a attiré mon attention. Pour la première fois, l’auteur, un professeur américain d’une université prestigieuse, décrit et avec moult détails, le déclin de l’empire américain. Avant de lui donner, je crois bon de rappeler au lecteur que cet anathème de la décadence, qui frapperait les Etats-Unis, avait été le crédo de tous ceux qui avaient un «compte à régler» avec l’empire américain, nouveau taghout (Goliath) des temps modernes.
Ce fut le cas des régimes arabes qui passèrent et passent leur temps à se lamenter. A ce propos, on raconte que lors d’un raid américain sur Tripoli (Libye) pour mettre au pas El Gueddafi, ce dernier appelle au secours ses «frères» arabes. Réunis en conclave, ces derniers ne purent se mettre d’accord sur la réponse adéquate à faire aux Américains.
Chacun ayant peur des sanctions à venir. On dit que parmi eux, un «dirigeant» proposa une idée singulière, résumée d’une façon lumineuse par cette phrase à l’encontre de Reagan: «Nouaklou ‘alihe Al Rabb», «Nous prenons Dieu à témoin pour l’offense qu’il nous a faite».L’impuissance des Arabes et leurs rodomontades sans lendemain étant une donnée fondamentale des relations internationales actuelles.
Plus sérieusement, le déclin avéré de l’Occident et, partant des Etats-Unis, plonge ses fondements dans l’histoire, Ibn Khaldoun le père de la sociologie, avait décrit magistralement l’apogée puis le déclin des civilisations. Pourtant, le XXe siècle a vu le triomphe en définitive, du capitalisme sur le communisme. L’Occident se retrouva sans adversaire. Il fallait en trouver un. Les idéologues du Pentagone de la fin du siècle dernier réunis autour de Richard Perle, Paul Wolkowitz, élaborèrent le Pnac (Programme for New American Century),Programme pour un nouveau siècle américain. Plus rien ne devrait s’opposer à l’hyperpuissance américaine, il fallait lui donner un nouveau souffle, une cause fédératrice, un Satan de rechange devant remplacer «l’Empire du mal» que représentait l’Urss dans la doxa occidentale. Ce sera l’Islam.
Pour cela, la nécessité pour l’empire de gouverner le monde est indexée sur sa soif des matières premières, notamment les hydrocarbures. L’Empire sera amené à gérer deux guerres en même temps avec des dépenses de l’ordre de 2 milliards de dollars par jour pour le Pentagone dont une grande partie sert à alimenter le complexe militaro-industriel. Plus rien ne doit s’opposer à l’empire. Fukuyama avec «la fin de l’histoire» et Huntington avec «le choc des civilisations» étaient deux alibis puissants légitimant, en définitive, l’inéluctabilité de la bataille contre l’Asie et contre l’Islam.
Ce sera l’Islam
Mérick Freedy Alagbe écrit à ce propos: «Dans l’euphorie ambiante, Francis Fukuyama publie La fin de l’histoire et le dernier homme qui traduit sa vision d’un monde marqué par la prééminence de la démocratie libérale occidentale. Pour lui, l’humanité a atteint le bout de sa fécondité idéologique et le modèle occidental s’impose comme la forme accomplie de gouvernement des humains. En l’absence d’alternative sérieuse, le monde ne pouvait désormais qu’être homogène.
Condescendance ethnocentrique ou angélisme? La fin des idéologies, loin de voir émerger un monde pacifique, avec l’universalisation des valeurs et principes d’organisation politique qu’épouse l’Occident chrétien, ouvre au contraire une nouvelle page de l’histoire, où les prodromes d’un «choc des civilisations» n’ont jamais été aussi prégnants. (...)Elle sera cependant réhabilitée au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001 et l’engagement militaire des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, sous le slogan de «Croisade» contre le terrorisme.»(1)
Quand George Bush montant sur un char en Irak en juin 2003, annonce urbi et orbi que la guerre est finie, les Etats-Unis ne le savaient pas, jamais ils entamaient leur déclin en provoquant la guerre en Irak sous les conseils lancinants des néoconservateurs des lobbys pétroliers et dit-on d’Israël pour qui la guerre avait un double rôle; éliminer un rival dangereux et affaiblir le camp arabe ou ce qu’il en reste, après le Front du refus et après la reddition en rase campagne de Sadate et la vassalisation de Moubarak pour une aumône de 3 petits milliards de dollars par an et l’assurance de faire de son trône une «affaire dynastique» contre la volonté de son peuple.
Cette destinée manifeste de l’Empire américain plonge ses racines dans l’arrogance de l’Homme blanc européen. Kishore Mahboubani en parle: «Il y a plus de 40 ans écrit-il - j’avais alors entre 20 et 30 ans - un ouvrage de l’important historien britannique Victor Kiernan m’avait fortement impressionné: il s’intitulait The Lords of Humankind, European Attitudes to the Outside World in the Imperial Age.
Il avait été publié en 1969, lorsque la décolonisation européenne touchait à sa fin, à quelques rares exceptions près. Kiernan brossait le portrait de l’arrogance et du fanatisme traversés par un rayon de lumière exceptionnel.
La plupart du temps, cependant, les colonialistes étaient des gens médiocres mais en raison de leur position et, surtout, de leur couleur de peau, ils étaient en mesure de se comporter comme les maîtres de la création. De plus, l’ouvrage de Kiernan me montrait que, même si la politique coloniale européenne touchait à sa fin - les puissances coloniales européennes ne pouvant plus garder leurs colonies - l’attitude colonialiste des Européens subsisterait probablement encore longtemps. En fait, celle-ci reste très vive en ce début du XXIe siècle. Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant: «Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que...», suivent les platitudes habituelles et l’énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n’appliquent jamais.
Le complexe de supériorité subsiste. Le fonctionnaire européen contesterait certainement être un colonialiste atavique. C’est là qu’est le problème. Cette tendance européenne à regarder de haut, à mépriser les cultures et les sociétés non européennes, a des racines profondes dans le psychisme européen.»(2)
En effet, dans la présentation synoptique que S. Huntington nous fournit sur les grandes lignes de fracture entre les différentes civilisations, deux grandes entités distinctes que tout semble opposer, retiennent l’attention: l’Occident, imprégné de culture judéo-chrétienne et le Proche-Orient de tradition islamique. Les autres communautés, bouddhiste, taoïste, shintoïste, hindouiste...ayant subi aussi des risques d’anomie face à la montée en puissance de l’Occident chrétien - à la pointe de la technologie - ont su par moments se résigner à cette hégémonie tout en se préservant de la destruction.
C’est le cas de la Chine, du Japon, et de l’Inde dont le dynamisme économique durant la décennie fait rêver l’Occident. En effet, entre 1999 et 2009, l’économie mondiale a connu de grands bouleversements. Leur point commun: la vitesse à laquelle ils se sont produits. Dans le même temps, un autre facteur marque tout autant: l’accélération du rythme de ces changements. Accélération tout d’abord chinoise. Avec un taux de croissance annuelle de 10%, la Chine double son produit intérieur brut tous les 7 ans et demi. Il avait fallu 58 ans au Royaume-Uni, pour doubler son revenu par tête à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles; 47 ans aux Etats-Unis, entre 1839 et 1886; 34 ans au Japon entre 1885 et 1919. La Chine l’a fait plus de trois fois depuis 1978. En 1999, elle occupait la 7e place mondiale, derrière l’Italie. elle est numéro deux, derrière les Etats-Unis.(3) On dit qu’elle dépassera les Etats-Unis en 2025
S’agissant justement de ces pays asiatiques qui talonnent l’Occident, selon le professeur Kishore Mahbubani doyen de la Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour qui en parle dans son ouvrage: «Pendant des siècles, les Asiatiques ont eu le sentiment d’avoir été exclus de l’histoire mondiale. Aujourd’hui, ils sont prêts à devenir des acteurs à part entière, après avoir intégré les «bonnes pratiques» de l’Occident - l’économie de marché, les sciences et les technologies, la méritocratie, l’Etat de droit, le pragmatisme, la culture de la paix et le développement de l’éducation.»(4)
...
Commentaire