Grands Transferts Hydraulique / Big Hydraulic Transfers
Entretien avec Ahmed Fouad Chraïbi, DG de NOVEC
«700 M de m3 d'eau vont être transférés du Nord vers le Sud»
Le Maroc fait face au défi de la généralisation de l'eau potable dans le monde rural et dans les périphéries urbaines.
Des centaines d'experts se sont donné rendez-vous à Stockholm cette semaine où se tient le rendez-vous annuel des questions liées à l'eau les plus urgentes de la planète. Les sujets de discussion de cette année s'articulent autour du thème de l'édition de 2010 « L'enjeu de la qualité de l'eau : prévention, usage raisonné et économie de la ressource».
Un autre congrès, Le Congrès mondial de l'eau 2010, se tiendra à Montréal, au Canada, du 19 au 24 septembre. Plus de 4.500 professionnels de l'eau issus du monde entier sont attendus afin de participer, d'échanger des idées et de débattre des questions clés sous-jacentes aux sciences et aux pratiques hydrologiques.
Au centre des discussions la 4e édition du Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau lors de la session « Distribution et partage de l'eau dans les systèmes nationaux et transfrontaliers ». On a souvent parlé de la guerre du pétrole, et il n'est pas exclu que l'on parle demain de la guerre de l'eau, cette ressource essentielle à la vie qui n'est pas disponible pour 1/6 de la population mondiale. 884 millions de personnes n'ont pas accès à de l'eau potable et salubre et plus de 2,6 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'assainissement de base.
Ce sont les pays du sud et particulièrement la population africaine qui pâtiront le plus de la rareté de cette ressource et des problèmes d'assainissement mais aussi des maladies transmises par l'eau comme le choléra, la typhoïde et la diarrhée, la malaria et la bilharziose qui font chaque année des millions de victimes. Mais beaucoup de pays ont leur sud et au Maroc de plus en plus de population souffre de la rareté de l'eau.
Le Maroc est déjà classé comme étant un pays à « stress hydrique » qui s'accentue sous les effets de la pression démographique, de l'urbanisation galopante. Tout cela crée un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande en eau posant aux pouvoirs publics le problème d'une régulation du système. Depuis deux décennies déjà, le Maroc a défini ses priorités, la rationalisation de la consommation de l'eau et la protection de cette ressource vitale. Il a fait des efforts considérables dans le domaine de la mobilisation de l'eau notamment grâce aux barrages.
Dans les milieux urbains, il dispose d'une desserte d'eau, de compétences et d'expertises dans le domaine de l'eau, d'une loi-cadre sur l'eau qui privilégie une approche participative et la décentralisation de la gestion intégrée de l'eau ainsi que l'instauration du principe pollueur payeur et préleveur payeur. Mais la pression démographique est telle que la surface irriguée a été multipliée par six en quatre décennies entraînant une pression sur la demande en eau d'irrigation qui utilise 90% de nos ressources en eau.
D'où le projet grandiose de transférer quelque 700 millions de m3 d'eau du Nord au Sud, projet piloté par le Secrétariat de l'eau et de l'environnement et confié à Novec, filiale du groupe CDG dirigé par Ahmed Fouad Chraibi.
-------------------------------------------------------------
Ahmed Fouad Chraibi est diplômé de l'Ecole Ponts et chaussées. Cet expert a travaillé en continu depuis trois décennies à Ingema. Il dirige aujourd'hui le premier bureau des ingénieurs de la région et de l‘Afrique, NOVEC, filiale de la CDG. Entretien.
LE MATIN : Un mot de présentation de Novec ?
Ahmed Fouad Chraïbi : C'est le fruit de la fusion entre deux grands bureaux, les plus anciens du Maroc, SCET étant le premier bureau créé en 1958 et Ingema créé en 1973. Novec aujourd'hui c'est 501 collaborateurs. La fusion a été une réussite, nous avons passé un audit d'appréciation du climat social à date du fin juin qui le confirme aujourd'hui, nous sommes le bureau le plus important de la région et à l'échelle internationale nous sommes parmi les 100 premiers par le chiffre d'affaires qui a atteint cette année 290 millions de DH. Au cours de ces 5 dernières années, nous avons multiplié par 3 ce CA. Nos champs de compétence sont très larges allant de l'aménagement urbain, au bâtiment, à l'agriculture et au développement rural, routes, autoroutes, ouvrages d'art, environnement, transport, barrages, assainissement et eau potable. Nous travaillons actuellement sur la maîtrise d'œuvre le projet Tanger Med II. C'est la première fois qu'un investissement de cette envergure est confié à un bureau d'études marocain. Nous travaillons également sur le projet de transfert de l'eau du Nord vers le Sud du Maroc. C'est un projet structurant qui permettra de réguler l'excédent du Nord et le déficit du Sud. Nous allons amener l'eau qui va des bassins de la Méditerranée, le Loukkos et Sbou vers Oum Rabii. 700 millions de m3 seront acheminés du Nord vers le Sud. Ce sera le deuxième projet du genre que nous menons. Le premier projet a été réalisé en 1990.
Pourriez-vous approfondir ce projet d'une importance capitale pour le Maroc ?
Nous sommes partis de trois constats. Trois bassins hydrologiques situés dans le nord du Royaume ont un bilan hydrique « ressources-besoins » positif. Ces bassins qui disposent d'un excédent en eau sont : le bassin de l'oued Laou, le bassin de l'oued Loukkos et le bassin de l'oued Sebou. Les autres bassins du Royaume ont une ressource en eau limitée par rapport aux besoins et d'ici à l'horizon 2030 certains pourraient afficher des déficits aujourd'hui. Le projet de transfert des eaux du nord vers le sud du Maroc concerne, outre les trois bassins excédentaires déjà cités, les bassins déficitaires du Bouregreg, de l'Oum Rabii et du Tensift. Dans ces bassins se trouvent 20 millions d'habitants, soit environ 2 tiers de la population du Maroc. Ce sont aussi ces espaces qui accueillent la majorité des activités économiques du pays. On comprend dès lors la nécessité de ce transfert.
Comme l'ont fait les Libyens ?
Comme on l'a fait en Libye, en Russie, aux Etats-Unis. Ce sont des projets structurants qui ont un impact politique important au niveau de la solidarité des régions. Il y a une stratégie nationale de l'eau et nous avons, à Novec, travaillé sur tous les plans directeurs d'aménagement versants de tout le Maroc. Le transfert de l'eau est aujourd'hui incontournable pour la réussite du plan Maroc Vert dans le sud. C'est un projet de près 30 milliards de DH qui nous permettra en passant par des montagnes grâce à des tunnels de 30 a 40 km de long, des canaux et des stations de pompage qui permettront de mieux alimenter le sud. Le projet est important, il fera appel aux compétences des entreprises nationales et devrait démarrer au début de 2011.
Entretien avec Ahmed Fouad Chraïbi, DG de NOVEC
«700 M de m3 d'eau vont être transférés du Nord vers le Sud»
Le Maroc fait face au défi de la généralisation de l'eau potable dans le monde rural et dans les périphéries urbaines.
Des centaines d'experts se sont donné rendez-vous à Stockholm cette semaine où se tient le rendez-vous annuel des questions liées à l'eau les plus urgentes de la planète. Les sujets de discussion de cette année s'articulent autour du thème de l'édition de 2010 « L'enjeu de la qualité de l'eau : prévention, usage raisonné et économie de la ressource».
Un autre congrès, Le Congrès mondial de l'eau 2010, se tiendra à Montréal, au Canada, du 19 au 24 septembre. Plus de 4.500 professionnels de l'eau issus du monde entier sont attendus afin de participer, d'échanger des idées et de débattre des questions clés sous-jacentes aux sciences et aux pratiques hydrologiques.
Au centre des discussions la 4e édition du Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau lors de la session « Distribution et partage de l'eau dans les systèmes nationaux et transfrontaliers ». On a souvent parlé de la guerre du pétrole, et il n'est pas exclu que l'on parle demain de la guerre de l'eau, cette ressource essentielle à la vie qui n'est pas disponible pour 1/6 de la population mondiale. 884 millions de personnes n'ont pas accès à de l'eau potable et salubre et plus de 2,6 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'assainissement de base.
Ce sont les pays du sud et particulièrement la population africaine qui pâtiront le plus de la rareté de cette ressource et des problèmes d'assainissement mais aussi des maladies transmises par l'eau comme le choléra, la typhoïde et la diarrhée, la malaria et la bilharziose qui font chaque année des millions de victimes. Mais beaucoup de pays ont leur sud et au Maroc de plus en plus de population souffre de la rareté de l'eau.
Le Maroc est déjà classé comme étant un pays à « stress hydrique » qui s'accentue sous les effets de la pression démographique, de l'urbanisation galopante. Tout cela crée un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande en eau posant aux pouvoirs publics le problème d'une régulation du système. Depuis deux décennies déjà, le Maroc a défini ses priorités, la rationalisation de la consommation de l'eau et la protection de cette ressource vitale. Il a fait des efforts considérables dans le domaine de la mobilisation de l'eau notamment grâce aux barrages.
Dans les milieux urbains, il dispose d'une desserte d'eau, de compétences et d'expertises dans le domaine de l'eau, d'une loi-cadre sur l'eau qui privilégie une approche participative et la décentralisation de la gestion intégrée de l'eau ainsi que l'instauration du principe pollueur payeur et préleveur payeur. Mais la pression démographique est telle que la surface irriguée a été multipliée par six en quatre décennies entraînant une pression sur la demande en eau d'irrigation qui utilise 90% de nos ressources en eau.
D'où le projet grandiose de transférer quelque 700 millions de m3 d'eau du Nord au Sud, projet piloté par le Secrétariat de l'eau et de l'environnement et confié à Novec, filiale du groupe CDG dirigé par Ahmed Fouad Chraibi.
-------------------------------------------------------------
Ahmed Fouad Chraibi est diplômé de l'Ecole Ponts et chaussées. Cet expert a travaillé en continu depuis trois décennies à Ingema. Il dirige aujourd'hui le premier bureau des ingénieurs de la région et de l‘Afrique, NOVEC, filiale de la CDG. Entretien.
LE MATIN : Un mot de présentation de Novec ?
Ahmed Fouad Chraïbi : C'est le fruit de la fusion entre deux grands bureaux, les plus anciens du Maroc, SCET étant le premier bureau créé en 1958 et Ingema créé en 1973. Novec aujourd'hui c'est 501 collaborateurs. La fusion a été une réussite, nous avons passé un audit d'appréciation du climat social à date du fin juin qui le confirme aujourd'hui, nous sommes le bureau le plus important de la région et à l'échelle internationale nous sommes parmi les 100 premiers par le chiffre d'affaires qui a atteint cette année 290 millions de DH. Au cours de ces 5 dernières années, nous avons multiplié par 3 ce CA. Nos champs de compétence sont très larges allant de l'aménagement urbain, au bâtiment, à l'agriculture et au développement rural, routes, autoroutes, ouvrages d'art, environnement, transport, barrages, assainissement et eau potable. Nous travaillons actuellement sur la maîtrise d'œuvre le projet Tanger Med II. C'est la première fois qu'un investissement de cette envergure est confié à un bureau d'études marocain. Nous travaillons également sur le projet de transfert de l'eau du Nord vers le Sud du Maroc. C'est un projet structurant qui permettra de réguler l'excédent du Nord et le déficit du Sud. Nous allons amener l'eau qui va des bassins de la Méditerranée, le Loukkos et Sbou vers Oum Rabii. 700 millions de m3 seront acheminés du Nord vers le Sud. Ce sera le deuxième projet du genre que nous menons. Le premier projet a été réalisé en 1990.
Pourriez-vous approfondir ce projet d'une importance capitale pour le Maroc ?
Nous sommes partis de trois constats. Trois bassins hydrologiques situés dans le nord du Royaume ont un bilan hydrique « ressources-besoins » positif. Ces bassins qui disposent d'un excédent en eau sont : le bassin de l'oued Laou, le bassin de l'oued Loukkos et le bassin de l'oued Sebou. Les autres bassins du Royaume ont une ressource en eau limitée par rapport aux besoins et d'ici à l'horizon 2030 certains pourraient afficher des déficits aujourd'hui. Le projet de transfert des eaux du nord vers le sud du Maroc concerne, outre les trois bassins excédentaires déjà cités, les bassins déficitaires du Bouregreg, de l'Oum Rabii et du Tensift. Dans ces bassins se trouvent 20 millions d'habitants, soit environ 2 tiers de la population du Maroc. Ce sont aussi ces espaces qui accueillent la majorité des activités économiques du pays. On comprend dès lors la nécessité de ce transfert.
Comme l'ont fait les Libyens ?
Comme on l'a fait en Libye, en Russie, aux Etats-Unis. Ce sont des projets structurants qui ont un impact politique important au niveau de la solidarité des régions. Il y a une stratégie nationale de l'eau et nous avons, à Novec, travaillé sur tous les plans directeurs d'aménagement versants de tout le Maroc. Le transfert de l'eau est aujourd'hui incontournable pour la réussite du plan Maroc Vert dans le sud. C'est un projet de près 30 milliards de DH qui nous permettra en passant par des montagnes grâce à des tunnels de 30 a 40 km de long, des canaux et des stations de pompage qui permettront de mieux alimenter le sud. Le projet est important, il fera appel aux compétences des entreprises nationales et devrait démarrer au début de 2011.
Commentaire