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En Tunisie : « On ira très loin pour défendre nos droits

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    En Tunisie : « On ira très loin pour défendre nos droits »

    la région de Sidi Bouzid contre le chômage, le mouvement des étudiants gagne Tunis pour exprimer un ras-le-bol plus large.


    Mohamed Bouazizi s'est immolé, Houcine Neji s'est jeté sur un pylône électrique et Lotsi Guadri a plongé dans un puits. En l'espace de dix jours, ces trois jeunes Tunisiens ont tenté de se donner la mort, épuisés par leur difficulté à vivre dans un pays où les débouchés professionnels se font rares.
    Depuis le 17 décembre, les Tunisiens sont nombreux à descendre dans la rue pour manifester leur désarroi face au chômage qui les touche de plein fouet. Engagé par les jeunes diplômés de la région centrale de Sidi Bouzid, le mouvement a gagné Tunis le 25 décembre, où la répression policière s'est également intensifiée. (Voir une vidéo publiée sur Facebook, et datée du 27 décembre)



    Joint par téléphone mardi, un militant du mouvement d'opposition Byrsa, présent à Tunis, a affirmé que des personnes ont été arrêtées dans différents quartiers de la capitale. Des commerces ont été saccagés. A Sidi Bouzid, un civil a été tué par balle le 24 décembre après que la police a ouvert le feu.
    Les manifestations sont très tendues, comme ici à Feriana, ville située près de l'Algérie. (Voir la vidéo)




    « Les étudiants n'ont aucun débouché professionnel »


    Professeur de civilisation américaine et sociologue à l'université de Caen, Taoufik Djebali n'est pas surpris par la mobilisation croissante de la population. Cet enseignant tunisien, qui retourne chaque année dans son pays en tant que professeur invité, estime :

    « C'était complétement prévisible. Les étudiants ont conscience qu'ils n'ont aucun débouché professionnel en Tunisie.

    A chaque fois que je rentre en France, je reçois une multitude de demandes d'inscription de troisième cycle. »

    En Tunisie, être diplômé n'est pas synonyme d'ascension sociale. Selon une étude réalisée par Carnegie Moyen Orient, les jeunes diplômés sont plus affectés par le chômage que la moyenne des Tunisiens : alors qu'il concerne 13,3% de la population, 21,1% des jeunes ayant obtenu une qualification sont sans emploi. Une situation que Taoufik Djebali s'explique facilement :

    « Avant l'arrivé au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali en 1987, le nombre de diplômés était très limité. Le Président a réformé le système universitaire : il est maintenant très facile d'obtenir un diplôme. »

    Selon lui, la démocratisation n'est pas une mauvaise idée, mais rien n'a été fait pour garantir à ces étudiants un emploi à la fin de leurs études. Résultat : alors que la Tunisie est saluée pour son développement économique, les jeunes sont très touchés par le chômage.
    Pour Meziane – le prénom a été modifié –, étudiant à l'université Manouba de Tunis, ce malaise n'est pas nouveau :

    « Déjà en 2009, il est souvent arrivé que des étudiants protestent dans la faculté contre le manque de perspectives professionnelles. »

    « Plus de liberté d'expression, moins de corruption »


    Selim Ben Hassen a créé le « mouvement citoyen » Byrsa il y a un an. Ses membres participent aux manifestations. Pour lui, la tension n'est pas prête de redescendre :

    « Les étudiants sont encore en vacances, mais lundi ils reprennent les cours. Je pense que les universités peuvent se soulever. [Le gouvernement a annoncé mercredi en milieu de journée que la rentrée estudiantine est reportée] »

    Selon le chef de ce mouvement, les manifestations révèlent un malaise beaucoup plus profond. Jour après jour, les slogans scandés par les manifestants évoluent :

    « Depuis vendredi, ils ont pris une teneur politique : ils demandent plus de liberté d'expression, moins de corruption, alors qu'avant il s'agissait juste de dénoncer le haut taux de chômage. »

    D'autres bannières appellent le Président à ne pas se représenter en 2014, alors qu'il en a l'intention.
    Interrogé par Rue89, Yanis – le prénom a été modifié –, étudiant à la faculté de droit de Tunis, confirme :

    « Je manifeste parce qu'il y a une injustice : on n'a pas de quoi manger pendant que d'autres ont une vie de luxe. Ces gens-là [au pouvoir] nous obligent à nous taire et mettent en prison ceux qui veulent contester leur pouvoir.

    Quand Ben Ali est venu en 1987, il a dit qu'il voulait mettre fin à la présidence à vie… Ça fait vingt-trois ans qu'il est là et il veut continuer.
    Cette fois, on ne se taira pas. On ira très loin pour défendre nos droits. »

    Depuis sa première victoire en 1987, Ben Ali a modifié la Constitution à plusieurs reprises, de manière à se maintenir à la tête du pays.
    En 1998, il a fait passer un amendement autorisant les candidats à effectuer un troisième mandat. En 2002, un autre leur permet de briguer un mandat jusqu'à l'âge de 75 ans. Le Président prépare déjà sa réélection pour 2014.
    « Les richesses du pays, monopolisées par la famille de Ben Ali »

    Jour après jour, la composition des cortèges se diversifie. Taoufik Djebali informe que des avocats ont manifesté à Tunis et à Sidi Bouzid pour soutenir les chômeurs.
    Premier problème selon le professeur : les fortes disparités économiques entre les différentes régions du pays, qui auraient pu être évitées :

    « Depuis l'indépendance, les régions littorales ont reçu beaucoup plus d'investissements que celles de l'intérieur du pays.

    Pour développer le tourisme, mais également car les deux présidents tunisiens, Bourguiba et Ben Ali, viennent de Monastir et de Sousse, en bord de mer. Ces régions ont été largement plus aidées que les autres. »

    Selim Ben Hassen est plus direct :

    « Les richesses du pays sont monopolisées par la famille du Président. Si vous souhaitez ouvrir la moindre petite boutique, il faut arroser d'argent le pouvoir pour qu'il vous laisse tranquille. Les Tunisiens en ont ras-le-bol. »

    Le gendre de Ben Ali, Sakhr Materi, cristallise les frustrations des Tunisiens : propriétaire de la banque islamique Zitouna et de plusieurs concessions automobiles, il a également racheté le groupe de presse Dar Essabah, qui publie les deux principaux journaux du pays. En 2010, il a aussi acquis 25% du capitale de l'opérateur téléphonique Tunisiana.
    Bientôt « le chaos » faute d'encadrement ?


    Mais selon Taoufik Djebali, ces manifestations ne menacent pas le régime, installé au pouvoir depuis trop longtemps pour faire des concessions.
    Le Président est sorti de son silence le 28 décembre pour s'exprimer publiquement à ce sujet, entourant ses déclarations d'une grande mise en scène, se rendant au chevet du jeune supplicié de Sidi Bouzid et recevant la mère de ce dernier.
    Si Ben Ali assure que tout sera fait pour juguler le chômage, il n'est pas indulgent pour autant avec les manifestants. Il promet que « la loi sera appliquée durement » contre cette « minorité
    d'extrémistes et d'agitateurs à la solde d'autrui et contre les
    intérêts de leur pays [ayant] recours à la violence et aux troubles dans la
    rue comme moyen d'expression. »
    Taoufik Djebali redoute le durcissement de la mobilisation :

    « Cela risque d'être le chaos car le mouvement n'est encadré par personne vu qu'il n'existe aucune véritable opposition politique en Tunisie. »

    Le professeur a peur que cette contestation, qui arrive en plein vide politique, ne soit récupérée par les fondamentalistes. Al Jazeera a en effet diffusé le 28 décembre la réaction de Rached El Ghannouchi, chef historique du mouvement islamiste tunisien réfugié à Londres.

    Rue89

  • #2
    Lorsque la Tunisie devient une propriété privée, accaparée par la famille Benali and Co alors il faut s'attendre à ce que les laissés pour compte fassent à leur tour la démonstration de force afin que l'État améliore leur triste sort étant donné que l'économie tunisienne est la plus performante de la région de l'Afrique du nord.

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