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Attentat d’Alexandrie: «Le pouvoir laisse se développer l’impunité»

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  • Attentat d’Alexandrie: «Le pouvoir laisse se développer l’impunité»

    Tangi Salaün
    Hossam Bahgat souligne le danger du communautarisme. (N.D)

    Directeur de l’Initiative égyptienne pour les droits de l’homme, Hossam Bahgat estime que les préoccupations des coptes ne sont pas assez prises en compte dans un contexte de crise

    Hossam Bahgat est musulman et directeur de l’Initiative égyptienne pour les droits de l’homme, une ONG qui défend les droits des minorités. Après la fusillade meurtrière contre une église il y a un an à Nagaa Hamadi, dans le sud de l’Egypte, il avait mis en garde contre un massacre de plus grande ampleur si l’Etat ne prenait pas enfin le problème au sérieux. Il espère aujourd’hui une prise de conscience de la société égyptienne et propose des pistes de sortie de crise.

    Le Temps: Les coptes ont vivement réagi à l’attentat d’Alexandrie en mettant en cause le gouvernement davantage que les terroristes eux-mêmes. Comprenez-vous leur colère?

    Hossam Bahgat: Cette colère dirigée contre l’Etat traduit un sentiment d’injustice, totalement fondé et ressenti depuis trop longtemps. Si les coptes réagissent aujourd’hui, c’est pour demander que leurs droits et leur dignité soient respectés et parce qu’ils ne veulent plus se sentir aussi vulnérables face à ce genre d’attaque. Le contexte est aussi émotionnellement chargé. Il y a quelques semaines, la police a tué deux coptes qui manifestaient contre l’arrêt de la construction d’une église. On est à quelques jours du premier anniversaire de l’attaque contre l’église de Nagaa Hamadi et les coptes sont furieux qu’aucun verdict n’ait encore été prononcé contre les auteurs présumés de la fusillade. Ils éprouvent aussi de la frustration après les récentes élections législatives qui ont vu seulement trois chrétiens élus (ndlr: sur 508 députés). De manière générale, cela a été une très mauvaise année, marquée par une hausse sans précédent des tensions intercommunautaires.

    – Certains commentateurs égyptiens disent craindre une guerre civile à la libanaise. A-t-on atteint un point de non-retour?

    – Je ne pense pas. La situation peut bien sûr encore se détériorer, mais j’espère que l’attentat d’Alexandrie va faire prendre conscience aux Egyptiens du danger du communautarisme. Dans une certaine mesure, l’Egypte a la chance que les problèmes confessionnels soient un phénomène assez récent (ndlr: il a débuté dans les années 1970, avec la réislamisation du pays impulsée par le président Sadate). La violence reste l’exception, pas la règle et, dans la vie courante, la plupart des musulmans et des coptes vivent bien ensemble. Mais il y a urgence à regarder le problème en face et il faut pour cela un changement d’attitude de la société comme du gouvernement.
    Par où commencer?

    – Par un changement de politique. L’attentat d’Alexandrie est très différent, dans sa nature, des affrontements interconfessionnels habituels et il nécessite une réponse adaptée. Mais ce qui se passe aujourd’hui est aussi le résultat de la mauvaise réaction des autorités après l’attaque de Nagaa Hamadi. L’Etat a insisté pour la présenter comme un acte criminel isolé, il a bâclé l’enquête et le fait que le procès n’a toujours pas abouti a fait passer le message qu’il ne prenait pas les choses au sérieux. Le gouvernement a plus largement laissé se développer un sentiment d’impunité en refusant souvent de traduire en justice les agresseurs et en forçant les victimes à accepter une réconciliation. Cette logique doit changer. Il faut organiser des procès, donner des sanctions exemplaires et dédommager les victimes.

    – Cela suffirait-il à rétablir la confiance?

    – Il faut également adopter des mesures préventives, qui peuvent produire des résultats à moyen terme: bannir les propos haineux des discours politiques et dans les médias, supprimer les discriminations contre les chrétiens dans les programmes scolaires et enseigner les principes de l’égalité
    des citoyens et de la coexistence paci*fique.

    – Certains coptes reprochent aux musulmans égyptiens de manifester plus de compassion à l’égard des Palestiniens qu’à leur égard…

    – Il est certain que la mobilisation de l’opinion publique est l’un de nos plus grands défis. Beaucoup de musulmans souffrent aussi de discriminations, de la corruption, de l’oppression. Ils ont donc du mal à prendre la mesure de ce qui se passe. On les abreuve de discours qui présentent les coptes comme une minorité capricieuse soutenue par l’Occident et l’Eglise comme une institution qui cherche à créer un Etat dans l’Etat. Il nous faut combattre cette approche sectaire. De ce point de vue, les appels lancés ces jours-ci par des musulmans pour participer à la messe de minuit du Noël orthodoxe (ndlr: dans la nuit de jeudi à vendredi), en solidarité avec les coptes, sont un signe encourageant. C’est la première fois que cela se produit et s’ils sont entendus, ce sera un vrai changement.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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