Focus C'est quoi un pays riche ?
Le monde est fait de pays plus ou moins riches et d’autres plus ou moins pauvres. A un moment donné de l’Histoire de chacun, tout s’est joué. Les uns sont partis pour dominer, les autres pour subir. Pour comprendre ce qu’on entend par pays riche, nous allons commencer par chez nous. L’Algérie est un pays riche, tout le monde le dit, à commencer par le gouvernement, et n’arrête pas de le rappeler. La preuve est que la Banque Centrale dispose de 150 milliards de dollars de réserves de change.
Les responsables aiment à le répéter à toutes les occasions où ils peuvent plastronner devant les partenaires étrangers. Il faut dire que les réserves de change ont pour fonction de rassurer les marchés et de montrer la solidité financière du pays. Mais avec ça la population est pauvre. Donc pour que la population devienne riche, comme son pays est riche, il faut lui distribuer ces réserves. C’est en tout cas ce que suggère la presse nationale et celle qui, dans le monde, produit des analyses savantes à longueur de rubriques économiques. Il est suggéré et non pas dit explicitement, car de toute évidence le calcul a été vite fait, comme je l’ai fait, pour délirer comme tout le monde.
J’ai été déçu et vous allez savoir pourquoi. Selon l’Office National des Statistiques, nous sommes 36,3 millions d’habitants depuis le 1er janvier 2011 ou un peu plus nombreux avec les derniers-nés. En répartissant la cagnotte à parts égales entre les Algériens, selon le principe de l’égalité de tous vis-à-vis du patrimoine national, nous obtenons 4132 dollars par personne. Et, comme les Algériens préfèrent l’euro, j’ai converti la somme en monnaie européenne, ce qui a donné, pour une base de 116.216.006.918 euros, 3201 euros par habitant.
Soit environ, selon le cours fluctuant du square Port Saïd, un peu plus ou un peu moins de 368 000 DA. Soit, pour être plus précis, deux ans de salaire minimum garanti. Ou encore, cela représente, selon les autorités, 36 mois d’importations de biens et services. En fait, il nous apparaît tout de suite que la plupart de ceux qui pointent du doigt cette manne n’ont pas cette intention. Mais là n’est pas le sujet. On peut donc conclure que l’Algérie n’est pas si riche qu’on nous le dit et ce n’est certainement pas ces 150 milliards de dollars, acquis grâce au pétrole, qui la font riche.
Cette somme ferait riches plutôt quelques individus, si on réduisait les bénéficiaires à ces quelques-uns. Ainsi, le pouvoir en est heureux parce qu’il se trouve dans une situation d’aisance financière sans commune mesure avec celle de la fin des années 80, où l’Etat se trouvait pratiquement en cessation de paiement. Les autres, qui en parlent insidieusement, ont trouvé un nouveau chiffre magique en remplacement de ces fameux «26 milliards» de détournements, qui ont fleuri en 1988, sauf que cette fois-ci le reproche est à l’inverse du précédent.
Il porte sur la «contradiction» entre la somme (non décomposée comme plus haut) et la persistance de la pauvreté parmi la population. Quand on réalise l’approche par le PIB (produit intérieur brut), et grâce au classement-pays, l’Algérie ne pèse pas lourd avec ses 140 milliards 848 millions de dollars, face à l’Allemagne avec ses 3352 milliards 742 millions de dollars ou vis-à-vis de la France avec ses 2675 milliards 915 millions de dollars ou même en comparaison avec l‘Espagne qui réalise 1464 milliards 40 millions de dollars. Si maintenant nous examinons la structure de ce PIB, la position s’aggrave. Pour la part de la production industrielle, notre pays n’affiche que de 5 à 6%, alors que pour l’Allemagne et la France cette part est de 31% et de 24%.
Ces deux pays sont reconnus comme riches et n’ont pas besoin de le dire. C’est comme ça et ça se voit. Leur population n’est pas pauvre, du moins théoriquement, parce qu’il y a des très riches et des pas trop pauvres par rapport au reste du monde. Elle a du travail, elle s’habille bien, s’amuse bien et ne cherche pas, toujours théoriquement, à quitter le pays sur des esquifs. Ces pays sont bien organisés, tout marche à l’heure, le bus, le métro, le train et les avions et le service public fonctionne à merveille. II y a des jardins publics et de l’herbe partout, les trottoirs sont propres et il n’y a de boue nulle part où on regarde, où on met les pieds. Il y a des cinémas, des dancings et des théâtres. Il y a des cafés avec de belles terrasses et des garçons propres et avenants.
Il y a des fleuristes à chaque coin de rue et énormément de librairies avec beaucoup de livres.
Et puis, surtout, personne ne vous regarde et personne ne vous fait de remarques, chacun se mêlant de ce qui le regarde. Quand les gens manifestent ils ne cassent presque jamais ou très peu quand ils sont débordés par quelques malandrins. Les manifestations sont colorées et se font en musique, même pour des choses graves. Il faut reconnaître qu’il faut être riche pour se permettre un tel cadre de vie et une telle organisation.
Mais riche de quoi en particulier et avant tout ? Il y a ce qui relève de l’homme, lui-même, en dernière instance, et ce qui relève des moyens matériels. Ceux qui savent vous diront que tout commence dans la tête des habitants, le reste suivra nécessairement. Cela commence par la culture et revient à la culture, qui détermine les comportements et les rapports au monde et aux autres. Elle comporte le mode de vie et suinte de tous les pores de la vie sociale et individuelle, ensuite et ensuite seulement, viennent les connaissances. Maintenant, nous pouvons déterminer, à partir de cette simple observation, le potentiel de richesse que peut comporte un pays.
De toute évidence, la question de l’accès à la richesse se trouve dans la capacité de vivre sans dégrader l’environnement, d’aimer se retrouver dans la convivialité des espaces publics, d’en prévoir pour pouvoir le faire, de respecter la liberté des différences, pour ne bloquer aucune intelligence, de libérer ainsi les initiatives, enfin, de vivre ensemble sans s’enchaîner les uns aux autres. In fine, on voit que même avec les 150 milliards de dollars et avec ce qu’on forme comme femmes et hommes, rien n’est fait pour prétendre à la richesse ou pire tout est fait pour qu’on ne puisse pas y prétendre.
Par Ahmed Halfaoui
Le monde est fait de pays plus ou moins riches et d’autres plus ou moins pauvres. A un moment donné de l’Histoire de chacun, tout s’est joué. Les uns sont partis pour dominer, les autres pour subir. Pour comprendre ce qu’on entend par pays riche, nous allons commencer par chez nous. L’Algérie est un pays riche, tout le monde le dit, à commencer par le gouvernement, et n’arrête pas de le rappeler. La preuve est que la Banque Centrale dispose de 150 milliards de dollars de réserves de change.
Les responsables aiment à le répéter à toutes les occasions où ils peuvent plastronner devant les partenaires étrangers. Il faut dire que les réserves de change ont pour fonction de rassurer les marchés et de montrer la solidité financière du pays. Mais avec ça la population est pauvre. Donc pour que la population devienne riche, comme son pays est riche, il faut lui distribuer ces réserves. C’est en tout cas ce que suggère la presse nationale et celle qui, dans le monde, produit des analyses savantes à longueur de rubriques économiques. Il est suggéré et non pas dit explicitement, car de toute évidence le calcul a été vite fait, comme je l’ai fait, pour délirer comme tout le monde.
J’ai été déçu et vous allez savoir pourquoi. Selon l’Office National des Statistiques, nous sommes 36,3 millions d’habitants depuis le 1er janvier 2011 ou un peu plus nombreux avec les derniers-nés. En répartissant la cagnotte à parts égales entre les Algériens, selon le principe de l’égalité de tous vis-à-vis du patrimoine national, nous obtenons 4132 dollars par personne. Et, comme les Algériens préfèrent l’euro, j’ai converti la somme en monnaie européenne, ce qui a donné, pour une base de 116.216.006.918 euros, 3201 euros par habitant.
Soit environ, selon le cours fluctuant du square Port Saïd, un peu plus ou un peu moins de 368 000 DA. Soit, pour être plus précis, deux ans de salaire minimum garanti. Ou encore, cela représente, selon les autorités, 36 mois d’importations de biens et services. En fait, il nous apparaît tout de suite que la plupart de ceux qui pointent du doigt cette manne n’ont pas cette intention. Mais là n’est pas le sujet. On peut donc conclure que l’Algérie n’est pas si riche qu’on nous le dit et ce n’est certainement pas ces 150 milliards de dollars, acquis grâce au pétrole, qui la font riche.
Cette somme ferait riches plutôt quelques individus, si on réduisait les bénéficiaires à ces quelques-uns. Ainsi, le pouvoir en est heureux parce qu’il se trouve dans une situation d’aisance financière sans commune mesure avec celle de la fin des années 80, où l’Etat se trouvait pratiquement en cessation de paiement. Les autres, qui en parlent insidieusement, ont trouvé un nouveau chiffre magique en remplacement de ces fameux «26 milliards» de détournements, qui ont fleuri en 1988, sauf que cette fois-ci le reproche est à l’inverse du précédent.
Il porte sur la «contradiction» entre la somme (non décomposée comme plus haut) et la persistance de la pauvreté parmi la population. Quand on réalise l’approche par le PIB (produit intérieur brut), et grâce au classement-pays, l’Algérie ne pèse pas lourd avec ses 140 milliards 848 millions de dollars, face à l’Allemagne avec ses 3352 milliards 742 millions de dollars ou vis-à-vis de la France avec ses 2675 milliards 915 millions de dollars ou même en comparaison avec l‘Espagne qui réalise 1464 milliards 40 millions de dollars. Si maintenant nous examinons la structure de ce PIB, la position s’aggrave. Pour la part de la production industrielle, notre pays n’affiche que de 5 à 6%, alors que pour l’Allemagne et la France cette part est de 31% et de 24%.
Ces deux pays sont reconnus comme riches et n’ont pas besoin de le dire. C’est comme ça et ça se voit. Leur population n’est pas pauvre, du moins théoriquement, parce qu’il y a des très riches et des pas trop pauvres par rapport au reste du monde. Elle a du travail, elle s’habille bien, s’amuse bien et ne cherche pas, toujours théoriquement, à quitter le pays sur des esquifs. Ces pays sont bien organisés, tout marche à l’heure, le bus, le métro, le train et les avions et le service public fonctionne à merveille. II y a des jardins publics et de l’herbe partout, les trottoirs sont propres et il n’y a de boue nulle part où on regarde, où on met les pieds. Il y a des cinémas, des dancings et des théâtres. Il y a des cafés avec de belles terrasses et des garçons propres et avenants.
Il y a des fleuristes à chaque coin de rue et énormément de librairies avec beaucoup de livres.
Et puis, surtout, personne ne vous regarde et personne ne vous fait de remarques, chacun se mêlant de ce qui le regarde. Quand les gens manifestent ils ne cassent presque jamais ou très peu quand ils sont débordés par quelques malandrins. Les manifestations sont colorées et se font en musique, même pour des choses graves. Il faut reconnaître qu’il faut être riche pour se permettre un tel cadre de vie et une telle organisation.
Mais riche de quoi en particulier et avant tout ? Il y a ce qui relève de l’homme, lui-même, en dernière instance, et ce qui relève des moyens matériels. Ceux qui savent vous diront que tout commence dans la tête des habitants, le reste suivra nécessairement. Cela commence par la culture et revient à la culture, qui détermine les comportements et les rapports au monde et aux autres. Elle comporte le mode de vie et suinte de tous les pores de la vie sociale et individuelle, ensuite et ensuite seulement, viennent les connaissances. Maintenant, nous pouvons déterminer, à partir de cette simple observation, le potentiel de richesse que peut comporte un pays.
De toute évidence, la question de l’accès à la richesse se trouve dans la capacité de vivre sans dégrader l’environnement, d’aimer se retrouver dans la convivialité des espaces publics, d’en prévoir pour pouvoir le faire, de respecter la liberté des différences, pour ne bloquer aucune intelligence, de libérer ainsi les initiatives, enfin, de vivre ensemble sans s’enchaîner les uns aux autres. In fine, on voit que même avec les 150 milliards de dollars et avec ce qu’on forme comme femmes et hommes, rien n’est fait pour prétendre à la richesse ou pire tout est fait pour qu’on ne puisse pas y prétendre.
Par Ahmed Halfaoui
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