La population mondiale sera passée de 6 à 7 milliards en douze ans. Mais sa croissance ralentit
Sept milliards… A en croire les démographes, l’humanité passera dans le courant de l’année le cap des sept milliards de personnes. Pour donner la mesure de ce chiffre, la revue National Geographic affirme sur son site Internet qu’il faut 200 ans pour compter à haute voix jusqu’à sept milliards. Autant dire qu’une vie d’homme, et même deux, n’y suffirait pas.
L’événement est d’autant plus marquant que l’humanité a passé de six à sept milliards en un temps record. Alors que notre espèce, l’Homo sapiens, a attendu de 100 000 à 200 000 ans pour gagner (autour de 1800) son premier milliard, il ne lui a fallu que douze ans pour obtenir ce septième milliard-là. Autre indice de cette folle accélération: entre le dernier âge glaciaire et la Renaissance, la population mondiale aurait doublé en moyenne tous les seize à dix-sept siècles. Or, elle est passée de 2,3 à 7 milliards de 1941 à 2011. Ce qui signifie que – expérience unique dans l’histoire humaine – un homme âgé aujourd’hui de 70 ans a connu… son triplement.
L’essentiel est ailleurs pourtant. Il réside dans la confirmation d’une décélération de la croissance démographique humaine. «Ce septième milliard a été gagné, comme le sixième, en douze ans, explique Gilles Pison, directeur de recherche à l’INED. Les années 1999 à 2011 ont connu par conséquent une augmentation d’un sixième «seulement» de la population mondiale contre une augmentation d’un cinquième pour les années 1987 à 1999.»
L’explosion actuelle de la population mondiale comme la stabilisation qui se dessine sur le long terme corroborent la théorie dite de la «transition démographique» émise en 1929 par l’Américain Warren Thompson. D’abord boudée parce que trop étrangère à l’air du temps, cette thèse a été adoptée par l’Organisation des Nations unies aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale avant d’être confirmée année après année sur le terrain.
Selon Warren Thompson, la modernité bouleverse l’équation démographique. Enrichissement, progrès techniques et évolution des mœurs entraînent le passage d’un état de mortalité et de natalité élevées à un état de mortalité et de natalité basses. Ce mouvement n’est pas uniforme cependant: le taux de mortalité fléchit avant le taux de fécondité, d’où une explosion de la population au cours d’une période transitoire.
La transition démographique est pratiquement achevée aujourd’hui dans les pays industrialisés. L’espérance de vie y a augmenté de 35 ans au début du XIXe siècle à 77 ans aujourd’hui. Et le taux de fécondité est passé de 5 ou 6 enfants à moins de 2,1 enfants par femme, ce qui représente le nombre nécessaire au renouvellement naturel (sans immigration) d’une population.
Si le schéma général est partout semblable, son déroulement diffère dans les détails. Ainsi, rappelle Gilles Pison, la France a vu son taux de fécondité baisser en même temps que son taux de mortalité, ce qui a eu pour effet une faible augmentation de sa population au cours du XIXe siècle. La Grande-Bretagne a connu en revanche une baisse plus tardive du taux de fécondité, d’où un excédent important des naissances sur les décès pendant tout le XIXe siècle et une hausse spectaculaire de sa population depuis le début de la révolution industrielle. Alors qu’elle comptait trois fois moins d’habitants que la France en 1800, elle en possède autant désormais.
Les pays en développement connaissent actuellement la même transition démographique que les pays industrialisés mais sur un rythme beaucoup plus rapide. Ayant bénéficié d’un seul coup des progrès médicaux réalisés durant une longue période par le monde développé, ils ont vu leur taux de mortalité chuter à une vitesse sans précédent. En un peu plus d’un demi-siècle, l’espérance de vie est passée de 38 à 64 ans en Inde et de 41 à 73 ans en Chine.
De manière plus surprenante, le taux de fécondité des pays en développement se retrouve également en baisse rapide. Les obstacles culturels censés retarder durablement le mouvement ont beaucoup moins bien résisté que prévu aux politiques de dénatalité et aux aspirations nouvelles des individus (désir des femmes de ne plus se limiter au rôle de mère, souhait des couples de donner une instruction solide à chacun de leurs enfants, etc.). Résultat: si le taux de fécondité reste très élevé en Afrique subsaharienne, dans certains pays du Moyen-Orient et dans le nord du sous-continent Indien, il s’est réduit de manière drastique en Extrême-Orient, en Afrique du Nord et en Amérique latine. Parmi les exemples les plus remarquables figurent la Chine, où les femmes ont quatre fois moins d’enfants qu’en 1965, et l’Iran, où elles en ont trois fois moins qu’au début des années 1980.
La décélération de la croissance mondiale possède des bases trop solides pour ne pas se poursuivre. Les démographes prévoient ainsi que la population mondiale gagnera son huitième milliard en treize ans (comme le cinquième) et son neuvième milliard en plus de vingt ans, avant de se stabiliser d’ici au milieu du siècle. Après, différents scénarios redeviennent possibles mais l’explosion démographique qu’aura connue l’humanité de 1800 à 2100 devrait rester à jamais unique: la population mondiale aura de la peine à décupler une deuxième fois…
PAR ETIENNE DUBUIS
LeTemps ch
Sept milliards… A en croire les démographes, l’humanité passera dans le courant de l’année le cap des sept milliards de personnes. Pour donner la mesure de ce chiffre, la revue National Geographic affirme sur son site Internet qu’il faut 200 ans pour compter à haute voix jusqu’à sept milliards. Autant dire qu’une vie d’homme, et même deux, n’y suffirait pas.
L’événement est d’autant plus marquant que l’humanité a passé de six à sept milliards en un temps record. Alors que notre espèce, l’Homo sapiens, a attendu de 100 000 à 200 000 ans pour gagner (autour de 1800) son premier milliard, il ne lui a fallu que douze ans pour obtenir ce septième milliard-là. Autre indice de cette folle accélération: entre le dernier âge glaciaire et la Renaissance, la population mondiale aurait doublé en moyenne tous les seize à dix-sept siècles. Or, elle est passée de 2,3 à 7 milliards de 1941 à 2011. Ce qui signifie que – expérience unique dans l’histoire humaine – un homme âgé aujourd’hui de 70 ans a connu… son triplement.
L’essentiel est ailleurs pourtant. Il réside dans la confirmation d’une décélération de la croissance démographique humaine. «Ce septième milliard a été gagné, comme le sixième, en douze ans, explique Gilles Pison, directeur de recherche à l’INED. Les années 1999 à 2011 ont connu par conséquent une augmentation d’un sixième «seulement» de la population mondiale contre une augmentation d’un cinquième pour les années 1987 à 1999.»
L’explosion actuelle de la population mondiale comme la stabilisation qui se dessine sur le long terme corroborent la théorie dite de la «transition démographique» émise en 1929 par l’Américain Warren Thompson. D’abord boudée parce que trop étrangère à l’air du temps, cette thèse a été adoptée par l’Organisation des Nations unies aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale avant d’être confirmée année après année sur le terrain.
Selon Warren Thompson, la modernité bouleverse l’équation démographique. Enrichissement, progrès techniques et évolution des mœurs entraînent le passage d’un état de mortalité et de natalité élevées à un état de mortalité et de natalité basses. Ce mouvement n’est pas uniforme cependant: le taux de mortalité fléchit avant le taux de fécondité, d’où une explosion de la population au cours d’une période transitoire.
La transition démographique est pratiquement achevée aujourd’hui dans les pays industrialisés. L’espérance de vie y a augmenté de 35 ans au début du XIXe siècle à 77 ans aujourd’hui. Et le taux de fécondité est passé de 5 ou 6 enfants à moins de 2,1 enfants par femme, ce qui représente le nombre nécessaire au renouvellement naturel (sans immigration) d’une population.
Si le schéma général est partout semblable, son déroulement diffère dans les détails. Ainsi, rappelle Gilles Pison, la France a vu son taux de fécondité baisser en même temps que son taux de mortalité, ce qui a eu pour effet une faible augmentation de sa population au cours du XIXe siècle. La Grande-Bretagne a connu en revanche une baisse plus tardive du taux de fécondité, d’où un excédent important des naissances sur les décès pendant tout le XIXe siècle et une hausse spectaculaire de sa population depuis le début de la révolution industrielle. Alors qu’elle comptait trois fois moins d’habitants que la France en 1800, elle en possède autant désormais.
Les pays en développement connaissent actuellement la même transition démographique que les pays industrialisés mais sur un rythme beaucoup plus rapide. Ayant bénéficié d’un seul coup des progrès médicaux réalisés durant une longue période par le monde développé, ils ont vu leur taux de mortalité chuter à une vitesse sans précédent. En un peu plus d’un demi-siècle, l’espérance de vie est passée de 38 à 64 ans en Inde et de 41 à 73 ans en Chine.
De manière plus surprenante, le taux de fécondité des pays en développement se retrouve également en baisse rapide. Les obstacles culturels censés retarder durablement le mouvement ont beaucoup moins bien résisté que prévu aux politiques de dénatalité et aux aspirations nouvelles des individus (désir des femmes de ne plus se limiter au rôle de mère, souhait des couples de donner une instruction solide à chacun de leurs enfants, etc.). Résultat: si le taux de fécondité reste très élevé en Afrique subsaharienne, dans certains pays du Moyen-Orient et dans le nord du sous-continent Indien, il s’est réduit de manière drastique en Extrême-Orient, en Afrique du Nord et en Amérique latine. Parmi les exemples les plus remarquables figurent la Chine, où les femmes ont quatre fois moins d’enfants qu’en 1965, et l’Iran, où elles en ont trois fois moins qu’au début des années 1980.
La décélération de la croissance mondiale possède des bases trop solides pour ne pas se poursuivre. Les démographes prévoient ainsi que la population mondiale gagnera son huitième milliard en treize ans (comme le cinquième) et son neuvième milliard en plus de vingt ans, avant de se stabiliser d’ici au milieu du siècle. Après, différents scénarios redeviennent possibles mais l’explosion démographique qu’aura connue l’humanité de 1800 à 2100 devrait rester à jamais unique: la population mondiale aura de la peine à décupler une deuxième fois…
PAR ETIENNE DUBUIS
LeTemps ch
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