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Pourquoi les relations entre la France et le Maghreb sont si compliquées

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  • Pourquoi les relations entre la France et le Maghreb sont si compliquées

    Paris est attaché à la stabilité politique, sur l'autre rive de la Méditerranée, et au maintien de ses intérêts économiques. D'où sa prudence et ses silences, sous lesquels affleure parfois l'embarras, à propos des dossiers tunisiens ou algériens.

    La France "déplore les violences et appelle à l'apaisement". Interrogé le 10 janvier sur la flambée de colère en Tunisie, le porte-parole du Quai d'Orsay n'en dira pas plus. A l'égard des pays du Maghreb, la diplomatie française reste d'une grande prudence et, lorsque les droits de l'homme y sont en cause, d'une extrême discrétion. Les intérêts économiques expliquent pour une large part cette réserve, mais d'autres facteurs entrent en jeu.
    Des risques de débordement en France?
    Deux jours plus tôt, le 8 janvier, un colloque sur les relations entre les deux rives de la Méditerranée se tient au ministère de l'Economie, à Paris. Le seul à évoquer les troubles au Maghreb est un homme d'affaires tunisien, Tarak Ben Ammar : "Imaginez un ou deux Ahmadinejad [président de l'Iran] arrivant au pouvoir en Algérie, en Tunisie ou au Maroc [...] C'est entre 5 et 10 millions de personnes qui quitteraient l'Afrique du Nord, en bateau, à la nage, sur des radeaux, pour venir en Corse, en Sardaigne, en Sicile, sur la Côte d'Azur..."

    De fait, le moindre risque de déstabilisation dans la région effraie la France, qui redoute, par contrecoup, des tensions dans la communauté maghrébine de l'Hexagone, voire un débordement migratoire. Alger et Tunis l'ont compris, et ne se privent pas d'agiter l'épouvantail islamiste...
    Le mélange d'Etat policier et de clientélisme fait du président Ben Ali, aux yeux des Français, un rempart contre le péril vert.

    Voilà des années que le mélange d'Etat policier et de clientélisme social qui caractérise le régime tunisien fait du président Zine el-Abidine Ben Ali, aux yeux des Français, un rempart contre le péril vert.
    Jacques Chirac n'a jamais cru à la démocratie au sud de la Méditerranée, et il n'en faisait pas mystère. A son tour, Nicolas Sarkozy s'est félicité, en avril 2008, lors de son arrivée dans la capitale tunisienne, d'un "espace des libertés qui progresse". Il était accompagné, entre autres, de Rama Yade, alors secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, qui avait prévu de se rendre au siège de l'Association tunisienne des femmes démocrates, l'une des rares organisations indépendantes du pays. Mais il a suffi que les autorités fassent savoir qu'elles n'appréciaient pas cette audace pour que Rama Yade soit priée de rester dans sa chambre d'hôtel.

    Avec l'Algérie, la relation est plus compliquée, marquée par l'histoire et la culpabilité. La guerre d'Algérie est longtemps restée en France un tabou. Les élites françaises, de droite comme de gauche, ont semblé compenser une mauvaise conscience en soutenant sans réserve le régime "révolutionnaire, socialiste et non aligné" instauré par Houari Boumediene, quitte à fermer les yeux sur sa nature répressive.
    C'est cet aveuglement sur la réalité sociale, économique et culturelle du pays qui explique la surprise, en France, provoquée par la révolte de la jeunesse en Algérie, en octobre 1988 (500 morts). Les autorités, à Alger, sont passées maîtres dans l'art d'utiliser la culpabilité française.
    Les attentats à Paris ont tétanisé les autorités françaises
    A ce contexte s'ajoute, à partir du milieu des années 1990, la crainte des dirigeants français de devoir affronter les représailles des terroristes, ou des services algériens.

    Les attentats à Paris en 1995 et en 1996, attribués aux islamistes du GIA, ont tétanisé les autorités. "La parole de la France est contrainte", admettait Lionel Jospin, quand il était Premier ministre, dans une interview au Monde.
    Paris a beaucoup oeuvré pour que la "sale guerre" des années 1990 en Algérie ne soit jamais l'objet d'une enquête internationale.

    Paris a beaucoup oeuvré pour que la "sale guerre" des années 1990, et la série de massacres qui l'a accompagnée, ne soit jamais l'objet d'une enquête internationale. La France a même dissuadé les Nations unies d'envoyer des rapporteurs pour travailler sur la question des disparus. Lors de l'assassinat des sept moines de Tibéhirine, en 1996, le Quai d'Orsay et le ministère de la Défense taisent leur agacement et leurs soupçons, attestés par les documents déclassifiés depuis lors.
    Il y a quelques exceptions à cette mansuétude. François Mitterrand fut l'un des rares à critiquer, en 1991, l'interruption du processus électoral après la victoire au premier tour du Front islamique du salut.
    Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, avait lâché, au lendemain du détournement d'un avion d'Air France, en décembre 1995 : "Le seul parti que nous soutenons, c'est la démocratie. Ce discours s'adresse aussi bien aux fanatiques religieux qu'aux partisans du tout répressif"...
    Ensuite, pourtant, c'est la ligne de soutien au "tout sécuritaire" algérien, prônée par Charles Pasqua, qui l'emporte. D'autant plus facilement que la coopération entre les services de renseignement des deux pays est très étroite.

    Avec le Maroc, des relations au beau fixe
    Depuis l'accession au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, crises et réconciliations alternent, mais la France se garde de toute critique de fond à l'égard de l'un de ses principaux partenaires commerciaux.
    L'Algérie était en 2009 le deuxième client du port de Marseille, après la Chine, pour le trafic de conteneurs. Au commerce officiel s'ajoute la masse monétaire qui circule hors des circuits bancaires, évaluée à près de 7 milliards d'euros. Et puis, le lobby financier proalgérien est efficace.
    Le Maroc, quant à lui, fait l'unanimité ou presque. Le royaume est devenu "politiquement correct" au début des années 1990, lorsque le régime de Hassan II s'est enfin libéralisé. Les efforts de modernisation entrepris depuis le début du règne de Mohammed VI ont créé de nouvelles opportunités pour les entreprises françaises.

    Après un couac au début de la présidence Sarkozy - le chef de l'Etat prétendait faire un saut de quelques heures au retour d'une visite en Algérie, amenant le roi à faire savoir qu'il ne serait pas disponible - les relations entre les deux pays sont au beau fixe.
    Là encore, cependant, la discrétion est de mise. En dépit de la nationalité française de l'intéressé, il aura fallu plusieurs mois avant que le Quai d'Orsay évoque avec ses interlocuteurs marocains les aspects humanitaires de la détention de Kaddour Terhzaz, un colonel de l'armée marocaine à la retraite.

    Au-delà de la diplomatie, le royaume est de loin le pays que les élites politiques et économiques françaises connaissent le mieux. Beaucoup mieux, sans doute, que l'Allemagne... La preuve ? Quatre candidats potentiels à la prochaine élection présidentielle - Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal, Jean-Louis Borloo - y ont passé les fêtes de fin d'année.

    Par Dominique Lagarde avec José Garçon, publié le 13/01/2011


    Face au trois dirigeants maghrébins, Zine el-Abidine Ben Ali, Abdelaziz Bouteflika, et le roi Mohammed VI, la France ne sait plus sur quel pied danser.
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