«Si…les juges n’arrivent pas à une certitude, leur devoir absolu est de l’acquitter…Le doute doit toujours entraîner l’acquittement», René Floriot, «Les erreurs judiciaires.» (1)
Cette règle universelle, s’elle avait été appliquée pendant la révolution algérienne, elle aurait épargné la vie d’un grand patriote, Abane Ramdane. Qui fut alors ce grand homme ? Bien qu’il ait été absent lors du déclenchement de la guerre d’Algérie, le 1er novembre 1954, et ce afin qu’il purge une peine de prison de cinq ans pour ses activités politiques nationalistes, il n’en reste pas moins qu’il rejoignit les rangs de la révolution dés sa sortie de prison, intervenue le 18 janvier 1955. En effet, loin d’être un handicap, cette absence plaça celui-ci en homme neuf susceptible de rassembler l’ensemble des forces vives de la nation. Car à la même époque, les luttes fratricides, suite à la scission du PPA-MTLD, rendirent les acteurs, de l’une ou de l’autre courant, suspects et incapables de rassembler sous leur bannière. Or, pour Abane, il ne pouvait y avoir que deux antagonistes. Selon Khalfa Mameri, «Pour lui [Abane] il y a d’un coté la France avec son énorme puissance et, de l’autre, non pas les Algériens avec leurs contradictions, leurs luttes intestines et fratricides mais l’Algérie et son peuple, lourdement handicapés et affaiblis par rapport à l’ennemi extérieur.» (2) Plus explicite fut le témoignage de l’un des dirigeants centralistes, Abderrahmane Kiouane. Pour ce dernier, Abane ne cherchait nullement à vexer ou à gêner son interlocuteur à propos de la scission du seul parti nationaliste prônant ouvertement l’indépendance nationale. Bien plus que ça, Abane essaya de faire des nouveaux venus au FLN des dirigeants à part entière. Erreur tactique ou naïveté de la part d’Abane, ces nouvelles adhésions ne furent pas accueillies avec joie par des éléments professant l’hostilité à l’égard de ces modérés. Pour Khalfa Mameri, «Cette hostilité s’est transformée chez certains en oppositions larvée et feutrée lorsque les leaders des formations modérées ont été placées ou ont acquis d’eux-mêmes des postes de responsabilités au sein des rouages de la révolution. Qu’on leur ouvre les portes de la révolution, c’était déjà énorme. Qu’ils deviennent des chefs au même titre, voire même au dessus de ceux qui ont eu le redoutable honneur d’allumer le feu de la libération, c’était déjà trahir en quelque sorte cette même révolution.» (3) A ce titre, la détermination d’Abane de faire de la révolution algérienne l’œuvre de tout le peuple ne fut jamais appréciée. Son intransigeance à faire valoir des valeurs universelles le conduisit indubitablement vers la mort. Mais avant cela, il a consolidé le socle de la révolution. Jusqu’à sa déchéance, il resta digne et courageux. Hélas! Le dernier mot revient toujours aux plus forts et non pas aux plus justes.
I) Un engagement sans faille en faveur de l’indépendance.
Abane Ramdane, pour des raisons qui ne dépendaient pas de lui, ne fit pas partie de ce que l’histoire retient comme «les allumeurs de la flamme». Mais s’il était en liberté à ce moment-là, il ferait indubitablement partie du groupe ayant déclenché l’action armée. Car, dés son jeune âge, il avait adhéré au parti du peuple algérien luttant pour l’indépendance nationale. D’ailleurs, dés qu’il sortit de prison, il ne tarda pas nouer le contact avec les dirigeants du FLN. Bien qu’il ait été en liberté provisoire, Abane n’hésita pas à rencontrer, à Azouza, son village natal, l’adjoint du colonel de la zone III, le colonel Ouamrane. Ce dernier le convainquit d’assumer un rôle de haut responsable en zone IV, l’Algérois. Et dans quelques jours, il rejoignit Alger. Selon Khalfa Mameri, «A Alger nous retrouvons la trace de Abane Ramdane auprès d’un autre militant du PPA: Rebbah Lakhdar dont chacun se plait à souligner le rôle si efficace qu’il va jouer en tissant comme une araignée besogneuse le tissu compliqué et impénétrable des relations de celui qui deviendra tout à la fois son chef, son ami et son pensionnaire.» (4)
Cependant, l‘activité politique de l’enfant d’Azouza put être située vers début mars 1955, soit cinq mois après le déclenchement de la guerre d’Algérie. La plupart des militants qu’il rencontra furent ses anciens camarades au sein du PPA-MTLD. Cependant, ce parti qui avait lutté pendant trente ans pour la libération du pays se retrouva bloqué à cause des luttes intestines stériles. Heureusement qu’une partie de ses militants, la branche activiste notamment, engagea avec audace le combat pour le recouvrement de l’indépendance nationale. Cependant, les initiateurs de l’action armée ne furent pas pour autant certains quant à l’aboutissement de leur combat. De son coté, Abane fut réellement coqué de l’improvisation qui avait entouré la préparation du passage à l’action armée. Il fut davantage plus offusqué en apprenant le manque flagrant de moyens et d’armement des maquis. Le colonel Ben Aouda, cité par Khalfa Mameri, relate l’état d’esprit qui prévalut à ce moment-là: «Nous n’avons que très peu de chance de nous en sortir, mais d’autres nous remplaceront. Il faut que nous donnions le départ de la révolution, que l’on sache que notre pays n’est plus amorphe! Les premières actions contre la colonisation ne seront pas grand’ chose, ne vous faites pas d’illusions, mais elles auront une grande importance psychologique. Il faut que les Français se disent: «Ils ont osé!» C’est cela l’important! Il faut allumer la mèche.» (5) En effet, plusieurs historiens confirment que, peu après le 1er novembre 1954, la lutte avait tendance à s’atténuer. Bien que le combat ait continué sans relâche dans les zone I et zone III, cela ne fut possible que grâce à la géographie et à la nature du relief contribuant au maintien des maquis dans l’une ou dans l’autre, argue Khalfa Mameri. En revanche, au moment où Abane prit les hautes responsabilités au sein du FLN, les zones fonctionnèrent au ralenti. Sur les six chefs historiques, écrit encore Khalfa Mameri, qui reçurent un commandement à la veille du déclenchement de la lutte armée; y compris Boudiaf qui devait assurer la coordination entre les zones, mais qui n’a pas pu rejoindre l’Algérie depuis son départ à l’extérieur pour annoncer la Révolution du 1er novembre 1954. (6) Ainsi, le moins que l’on puisse dire c’est que la nouvelle direction avait quand même du pain sur la planche afin de redonner un second souffle à la révolution.
II) La réorganisation de la Révolution.
La première entrée sur la scène politique de Ramdane Abane fut inaugurée le 1er avril 1955. Son appel au peuple algérien restera à jamais indélébile. Ce fut digne de l’appel du 18 juin 1940, prononcé, à partir de Londres, par le général de Gaulle en vue de résister à l’occupation nazie. Que l’on juge alors sa teneur: «Depuis cinq mois, ton armée de libération nationale combat pour que l’Algérie recouvre sa dignité, sa liberté et sa souveraineté…Algériens ! Venez en masse renforcer les rangs du FLN. Sortez de votre réserve et de votre silence. Elargissez chaque jour le champ de votre action. Ainsi, vous vous acquitterez envers votre conscience et votre pays d’une lourde dette.» (7) En effet, bien que qu’il ait été éloigné de la vie politique pendant cinq longues années, Abane n’a rien perdu du sens de l’organisation. Et ce fut dans cette démarche qu’il contacta les responsables des partis nationalistes dits modérés. En tout cas, il eut sa première rencontre avec Ferhat Abbas, président de l’UDMA, le 26 mai 1955. Ce dernier n’hésita pas à apporter l’aide matérielle au front, combien précieuse en ces moments d’indigence. Toutefois, bien qu’ils ne se soient pas revus pendant 8 mois, leur prochaine rencontre aboutit sans ambages à la formule suivante: «Les adhésions doivent se faire à titre individuel et les anciens appareils devront être dissous.» (8)
Les Ouléma, comme les Udmistes, adhérèrent au FLN, sans grands anicroches, à l’issue de leur assemblée générale à Alger, le 7 janvier 1956. Ces adhésions ne furent pas entachées de heurts particuliers dans la mesure où ils ne faisaient pas partie de la même famille politique. En revanche, les centralistes avaient du mal, dans le premier temps, à dissoudre le comité central. Selon Khalfa Mameri: «Au cours de l’une de ces réunions[centralistes] qui se tenaient la plupart du temps chez Bouda au Ruisseau[Hamma] il s’était dégagé, au fil des discussions et des hypothèses , deux tendances: celle défendue par Ben Khedda qui préconisait la dissolution du comité central et celle de Kiouane qui, tout en étant partisan de la lutte armée, estime que par ce principe que le comité central doit être maintenu.» (9) Là aussi, il fallut tout le talent d’Abane, aidé en cela par Ben Khedda, afin que le comité central soit dissous à l’automne de 1955.
Cette règle universelle, s’elle avait été appliquée pendant la révolution algérienne, elle aurait épargné la vie d’un grand patriote, Abane Ramdane. Qui fut alors ce grand homme ? Bien qu’il ait été absent lors du déclenchement de la guerre d’Algérie, le 1er novembre 1954, et ce afin qu’il purge une peine de prison de cinq ans pour ses activités politiques nationalistes, il n’en reste pas moins qu’il rejoignit les rangs de la révolution dés sa sortie de prison, intervenue le 18 janvier 1955. En effet, loin d’être un handicap, cette absence plaça celui-ci en homme neuf susceptible de rassembler l’ensemble des forces vives de la nation. Car à la même époque, les luttes fratricides, suite à la scission du PPA-MTLD, rendirent les acteurs, de l’une ou de l’autre courant, suspects et incapables de rassembler sous leur bannière. Or, pour Abane, il ne pouvait y avoir que deux antagonistes. Selon Khalfa Mameri, «Pour lui [Abane] il y a d’un coté la France avec son énorme puissance et, de l’autre, non pas les Algériens avec leurs contradictions, leurs luttes intestines et fratricides mais l’Algérie et son peuple, lourdement handicapés et affaiblis par rapport à l’ennemi extérieur.» (2) Plus explicite fut le témoignage de l’un des dirigeants centralistes, Abderrahmane Kiouane. Pour ce dernier, Abane ne cherchait nullement à vexer ou à gêner son interlocuteur à propos de la scission du seul parti nationaliste prônant ouvertement l’indépendance nationale. Bien plus que ça, Abane essaya de faire des nouveaux venus au FLN des dirigeants à part entière. Erreur tactique ou naïveté de la part d’Abane, ces nouvelles adhésions ne furent pas accueillies avec joie par des éléments professant l’hostilité à l’égard de ces modérés. Pour Khalfa Mameri, «Cette hostilité s’est transformée chez certains en oppositions larvée et feutrée lorsque les leaders des formations modérées ont été placées ou ont acquis d’eux-mêmes des postes de responsabilités au sein des rouages de la révolution. Qu’on leur ouvre les portes de la révolution, c’était déjà énorme. Qu’ils deviennent des chefs au même titre, voire même au dessus de ceux qui ont eu le redoutable honneur d’allumer le feu de la libération, c’était déjà trahir en quelque sorte cette même révolution.» (3) A ce titre, la détermination d’Abane de faire de la révolution algérienne l’œuvre de tout le peuple ne fut jamais appréciée. Son intransigeance à faire valoir des valeurs universelles le conduisit indubitablement vers la mort. Mais avant cela, il a consolidé le socle de la révolution. Jusqu’à sa déchéance, il resta digne et courageux. Hélas! Le dernier mot revient toujours aux plus forts et non pas aux plus justes.
I) Un engagement sans faille en faveur de l’indépendance.
Abane Ramdane, pour des raisons qui ne dépendaient pas de lui, ne fit pas partie de ce que l’histoire retient comme «les allumeurs de la flamme». Mais s’il était en liberté à ce moment-là, il ferait indubitablement partie du groupe ayant déclenché l’action armée. Car, dés son jeune âge, il avait adhéré au parti du peuple algérien luttant pour l’indépendance nationale. D’ailleurs, dés qu’il sortit de prison, il ne tarda pas nouer le contact avec les dirigeants du FLN. Bien qu’il ait été en liberté provisoire, Abane n’hésita pas à rencontrer, à Azouza, son village natal, l’adjoint du colonel de la zone III, le colonel Ouamrane. Ce dernier le convainquit d’assumer un rôle de haut responsable en zone IV, l’Algérois. Et dans quelques jours, il rejoignit Alger. Selon Khalfa Mameri, «A Alger nous retrouvons la trace de Abane Ramdane auprès d’un autre militant du PPA: Rebbah Lakhdar dont chacun se plait à souligner le rôle si efficace qu’il va jouer en tissant comme une araignée besogneuse le tissu compliqué et impénétrable des relations de celui qui deviendra tout à la fois son chef, son ami et son pensionnaire.» (4)
Cependant, l‘activité politique de l’enfant d’Azouza put être située vers début mars 1955, soit cinq mois après le déclenchement de la guerre d’Algérie. La plupart des militants qu’il rencontra furent ses anciens camarades au sein du PPA-MTLD. Cependant, ce parti qui avait lutté pendant trente ans pour la libération du pays se retrouva bloqué à cause des luttes intestines stériles. Heureusement qu’une partie de ses militants, la branche activiste notamment, engagea avec audace le combat pour le recouvrement de l’indépendance nationale. Cependant, les initiateurs de l’action armée ne furent pas pour autant certains quant à l’aboutissement de leur combat. De son coté, Abane fut réellement coqué de l’improvisation qui avait entouré la préparation du passage à l’action armée. Il fut davantage plus offusqué en apprenant le manque flagrant de moyens et d’armement des maquis. Le colonel Ben Aouda, cité par Khalfa Mameri, relate l’état d’esprit qui prévalut à ce moment-là: «Nous n’avons que très peu de chance de nous en sortir, mais d’autres nous remplaceront. Il faut que nous donnions le départ de la révolution, que l’on sache que notre pays n’est plus amorphe! Les premières actions contre la colonisation ne seront pas grand’ chose, ne vous faites pas d’illusions, mais elles auront une grande importance psychologique. Il faut que les Français se disent: «Ils ont osé!» C’est cela l’important! Il faut allumer la mèche.» (5) En effet, plusieurs historiens confirment que, peu après le 1er novembre 1954, la lutte avait tendance à s’atténuer. Bien que le combat ait continué sans relâche dans les zone I et zone III, cela ne fut possible que grâce à la géographie et à la nature du relief contribuant au maintien des maquis dans l’une ou dans l’autre, argue Khalfa Mameri. En revanche, au moment où Abane prit les hautes responsabilités au sein du FLN, les zones fonctionnèrent au ralenti. Sur les six chefs historiques, écrit encore Khalfa Mameri, qui reçurent un commandement à la veille du déclenchement de la lutte armée; y compris Boudiaf qui devait assurer la coordination entre les zones, mais qui n’a pas pu rejoindre l’Algérie depuis son départ à l’extérieur pour annoncer la Révolution du 1er novembre 1954. (6) Ainsi, le moins que l’on puisse dire c’est que la nouvelle direction avait quand même du pain sur la planche afin de redonner un second souffle à la révolution.
II) La réorganisation de la Révolution.
La première entrée sur la scène politique de Ramdane Abane fut inaugurée le 1er avril 1955. Son appel au peuple algérien restera à jamais indélébile. Ce fut digne de l’appel du 18 juin 1940, prononcé, à partir de Londres, par le général de Gaulle en vue de résister à l’occupation nazie. Que l’on juge alors sa teneur: «Depuis cinq mois, ton armée de libération nationale combat pour que l’Algérie recouvre sa dignité, sa liberté et sa souveraineté…Algériens ! Venez en masse renforcer les rangs du FLN. Sortez de votre réserve et de votre silence. Elargissez chaque jour le champ de votre action. Ainsi, vous vous acquitterez envers votre conscience et votre pays d’une lourde dette.» (7) En effet, bien que qu’il ait été éloigné de la vie politique pendant cinq longues années, Abane n’a rien perdu du sens de l’organisation. Et ce fut dans cette démarche qu’il contacta les responsables des partis nationalistes dits modérés. En tout cas, il eut sa première rencontre avec Ferhat Abbas, président de l’UDMA, le 26 mai 1955. Ce dernier n’hésita pas à apporter l’aide matérielle au front, combien précieuse en ces moments d’indigence. Toutefois, bien qu’ils ne se soient pas revus pendant 8 mois, leur prochaine rencontre aboutit sans ambages à la formule suivante: «Les adhésions doivent se faire à titre individuel et les anciens appareils devront être dissous.» (8)
Les Ouléma, comme les Udmistes, adhérèrent au FLN, sans grands anicroches, à l’issue de leur assemblée générale à Alger, le 7 janvier 1956. Ces adhésions ne furent pas entachées de heurts particuliers dans la mesure où ils ne faisaient pas partie de la même famille politique. En revanche, les centralistes avaient du mal, dans le premier temps, à dissoudre le comité central. Selon Khalfa Mameri: «Au cours de l’une de ces réunions[centralistes] qui se tenaient la plupart du temps chez Bouda au Ruisseau[Hamma] il s’était dégagé, au fil des discussions et des hypothèses , deux tendances: celle défendue par Ben Khedda qui préconisait la dissolution du comité central et celle de Kiouane qui, tout en étant partisan de la lutte armée, estime que par ce principe que le comité central doit être maintenu.» (9) Là aussi, il fallut tout le talent d’Abane, aidé en cela par Ben Khedda, afin que le comité central soit dissous à l’automne de 1955.
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