Il est redevenu ce qu’il était il y a vingt ans, un opposant virulent, mais peut-on encore le croire après une si longue parenthèse ? Le docteur Saïd Saadi, fondateur et secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la
démocratie (RCD), a hissé le drapeau noir, au sens propre. Les permanences de son parti ont remplacé l’emblème algérien par une bannière noire, en signe de «deuil national», le deuil de la démocratie. Première nouvelle : elle aurait donc existé la démocratie ?
Saadi reçoit au siège du RCD, une grande villa dans le beau quartier d’El-Biar, un brassard noir noué sur le veston. Amaigri et l’air soucieux, le psychiatre est sorti de son silence pour appeler au boycott de l’élection présidentielle de demain. «Ce qui s’est passé le 12 novembre [la limitation à deux mandats présidentiels a été levée par un vote des députés à main levée, ndlr] est un coup d’Etat. Pour changer la Constitution, il faut un référendum. Le Parlement algérien a commis une forfaiture. Et maintenant, nous sommes partis pour une présidence à vie.»
Basculement. Au début de la campagne, le RCD avait décidé de geler ses activités. Mais, face à l’incompréhension de ses militants, abandonnés à eux-mêmes voire, pour certains, séduits par l’opposition plus frontale du Front des forces socialistes (FFS), l’ancien militant berbériste retrouve ses accents des années 80, lorsqu’il voulait s’attaquer au système. «Nous sommes à un point de basculement éthique et politique. D’accord, nous étions dans un régime militaire mais depuis trois ou quatre ans, nous passons à un régime policier.» Une dictature policière sur le modèle tunisien ? «Mais une dictature, c’est structuré, il y a un projet. En Algérie, nous sommes dans une pagaille despotique !» Que vaut la charge sachant que Saïd Saadi avait appelé à voter en 1999 pour l’actuel président Abdelaziz Bouteflika ? «C’était facile de rester à l’écart et de camper dans une posture d’éternel opposant»,se justifie-t-il en faisant allusion à Hocine Aït-Ahmed, le fondateur du FFS, son mentor et son rival. Il ajoute : «Bouteflika m’a dit vouloir réformer l’éducation, la justice, l’Etat. J’ai dit : chiche ! Je ne suis pas entré au gouvernement, j’ai seulement envoyé deux ministres.» Ils sont partis en 2001, à cause de la sanglante répression du soulèvement berbère en Kabylie. A partir de là, le pouvoir a commencé à débaucher des cadres du RCD, dont Khaleda Messaoudi, figure du féminisme algérien.
Douche.Pour autant, Saadi a participé à la présidentielle de 2004. Cette fois-ci, dit-il, il avait fait confiance à l’engagement des militaires, notamment de l’ex-chef d’état-major Mohamed Lamari, de ne pas interférer dans la campagne électorale. Ali Benflis, l’ex-secrétaire général du FLN, y croit aussi. Résultat, Bouteflika passe au premier tour avec 83 % des suffrages. C’est la douche froide. Il explique cet échec par le rôle des services spéciaux. Difficile pour Saïd Saadi de rejeter en bloc l’armée qui l’a soutenue sans faille lors de la sale guerre des années 90 contre les islamistes. Et dont il est devenu l’otage et le jouet, comme d’autres, ce qui a largement entamé sa crédibilité.
L’islamisme, c’est l’autre raison de la rupture entre Bouteflika et Saadi, qui a été un chef de file du camp éradicateur. Outre la concorde civile, puis la réconciliation nationale, qui ont consisté à amnistier les islamistes ayant déposé les armes, sans procès ni inventaire, le président sortant n’a cessé de courtiser les religieux «par cynisme, par mysticisme personnel et pour se constituer la base sociale qu’il n’a pas». Saadi a beau s’être compromis avec le régime, il est lucide sur ses tares, notamment sa capacité à «laisser faire en se disant qu’il contrôle, jusqu’au moment où ça explose. En fait, à part Mohamed Boudiaf [le président assassiné en 1992, six mois après son retour d’exil, ndlr], l’Algérie n’a jamais eu d’homme d’Etat, seulement des hommes de pouvoir.»Cela vaut aussi pour lui.
liberation..fr 08/04/2009
démocratie (RCD), a hissé le drapeau noir, au sens propre. Les permanences de son parti ont remplacé l’emblème algérien par une bannière noire, en signe de «deuil national», le deuil de la démocratie. Première nouvelle : elle aurait donc existé la démocratie ?
Saadi reçoit au siège du RCD, une grande villa dans le beau quartier d’El-Biar, un brassard noir noué sur le veston. Amaigri et l’air soucieux, le psychiatre est sorti de son silence pour appeler au boycott de l’élection présidentielle de demain. «Ce qui s’est passé le 12 novembre [la limitation à deux mandats présidentiels a été levée par un vote des députés à main levée, ndlr] est un coup d’Etat. Pour changer la Constitution, il faut un référendum. Le Parlement algérien a commis une forfaiture. Et maintenant, nous sommes partis pour une présidence à vie.»
Basculement. Au début de la campagne, le RCD avait décidé de geler ses activités. Mais, face à l’incompréhension de ses militants, abandonnés à eux-mêmes voire, pour certains, séduits par l’opposition plus frontale du Front des forces socialistes (FFS), l’ancien militant berbériste retrouve ses accents des années 80, lorsqu’il voulait s’attaquer au système. «Nous sommes à un point de basculement éthique et politique. D’accord, nous étions dans un régime militaire mais depuis trois ou quatre ans, nous passons à un régime policier.» Une dictature policière sur le modèle tunisien ? «Mais une dictature, c’est structuré, il y a un projet. En Algérie, nous sommes dans une pagaille despotique !» Que vaut la charge sachant que Saïd Saadi avait appelé à voter en 1999 pour l’actuel président Abdelaziz Bouteflika ? «C’était facile de rester à l’écart et de camper dans une posture d’éternel opposant»,se justifie-t-il en faisant allusion à Hocine Aït-Ahmed, le fondateur du FFS, son mentor et son rival. Il ajoute : «Bouteflika m’a dit vouloir réformer l’éducation, la justice, l’Etat. J’ai dit : chiche ! Je ne suis pas entré au gouvernement, j’ai seulement envoyé deux ministres.» Ils sont partis en 2001, à cause de la sanglante répression du soulèvement berbère en Kabylie. A partir de là, le pouvoir a commencé à débaucher des cadres du RCD, dont Khaleda Messaoudi, figure du féminisme algérien.
Douche.Pour autant, Saadi a participé à la présidentielle de 2004. Cette fois-ci, dit-il, il avait fait confiance à l’engagement des militaires, notamment de l’ex-chef d’état-major Mohamed Lamari, de ne pas interférer dans la campagne électorale. Ali Benflis, l’ex-secrétaire général du FLN, y croit aussi. Résultat, Bouteflika passe au premier tour avec 83 % des suffrages. C’est la douche froide. Il explique cet échec par le rôle des services spéciaux. Difficile pour Saïd Saadi de rejeter en bloc l’armée qui l’a soutenue sans faille lors de la sale guerre des années 90 contre les islamistes. Et dont il est devenu l’otage et le jouet, comme d’autres, ce qui a largement entamé sa crédibilité.
L’islamisme, c’est l’autre raison de la rupture entre Bouteflika et Saadi, qui a été un chef de file du camp éradicateur. Outre la concorde civile, puis la réconciliation nationale, qui ont consisté à amnistier les islamistes ayant déposé les armes, sans procès ni inventaire, le président sortant n’a cessé de courtiser les religieux «par cynisme, par mysticisme personnel et pour se constituer la base sociale qu’il n’a pas». Saadi a beau s’être compromis avec le régime, il est lucide sur ses tares, notamment sa capacité à «laisser faire en se disant qu’il contrôle, jusqu’au moment où ça explose. En fait, à part Mohamed Boudiaf [le président assassiné en 1992, six mois après son retour d’exil, ndlr], l’Algérie n’a jamais eu d’homme d’Etat, seulement des hommes de pouvoir.»Cela vaut aussi pour lui.
liberation..fr 08/04/2009
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