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La Tunisie, ses prophétes et ses coquins .

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    La Tunisie, ses prophètes et ses coquins

    Les aveux les plus doux de la semaine sont venus du Premier ministre autoproclamé de Tunisie, Mohamed Ghannouchi. L'homme a gouverné la Tunisie pendant plus de onze ans au nom de Ben Ali, la «splendeur des adorateurs», comme le proclame son prénom à tirets.
    Après toutes ces années de bons et loyaux services, Ghannouchi a commencé par mordre la main de son maître et protecteur, avant de muer et de se débarrasser de sa peau «RCD» (Rassemblement constitutionnel démocratique). Reste à savoir à quel moment et sous quelles incitations, il s'est aussi libéré de sa peur ? Car, comme tous les Tunisiens, Ghannouchi avait peur, c'est ce qu'il vient de nous dire, et c'est avec la peur au ventre qu'il exécutait les ordres de son patron. Le mauvais roi est parti, laissant à son «bon vizir» le soin de mener la barque. C'est un malin, ce Ghannouchi ! Au lieu de comparaître au banc des accusés, c'est lui qui va instruire le procès des barons du système, ses vieux compagnons. On se souvient que Kroutchev, le dirigeant soviétique, avait fait passer son rapport sur la déstalinisation, lui l'exécutant fidèle de Staline, en invoquant la peur. Jusqu'où Ghannouchi va-t-il aller pour se maintenir à son poste et pour calmer l'impatience des Tunisiens et leur soif de changement ? Ceux qui l'ont convaincu ou lui ont fait injonction de garder les rênes du pouvoir ne sont pas prêts à le sacrifier apparemment, alors que la colère gronde sous sa fenêtre. Ghannouchi et ses commanditaires ont pourtant bien manœuvré de façon à faire accepter comme une demi-victoire la demi-défaite du système Ben Ali, ou devrait-on dire destourien. Toujours instruits par l'exemple algérien, les nouveaux dirigeants provisoires, qui comptent bien durer, ont «nationalisé» les biens immobiliers les plus en vue du RCD. C'est à quelques dizaines de locaux près, ce qu'ont fait les responsables algériens issus du FLN, pour faire croire au changement dans la continuité. Dans ce scénario à l'algérienne, où les anciens ministres de Ben Ali conservent tous les postes-clés, il ne manquera que l'étape de la consolidation de la rente, pardon du pouvoir. Bien sûr, économes comme ils sont, les Tunisiens s'épargneront le piteux épisode de la «démission» de Chadli, ou le drame de l'assassinat de Boudiaf. Et dans dix ou vingt ans, avec un chef providentiel surgi d'on ne sait où, la Tunisie offrira l'image d'un pays paisible, à défaut d'être apaisé. Les manifestations des provinciaux seront interdites dans la capitale, pour ne pas troubler la quiétude de ses habitants et risquer de susciter à la longue la sympathie et l'adhésion d'un peuple volatile et imprévisible. Seulement, les Tunisiens ne se sont pas laissé mener en bateau, comme nous l'avons été et comme nous persistons à l'être. Ils continuent à manifester et à réclamer la disparition de tous les symboles, vivants ou inertes, du pouvoir de Ben Ali. Une «caravane de la liberté» sillonne depuis plusieurs jours l'intérieur du pays, pour réclamer un vrai changement. Ses premiers éléments ont commencé à arriver hier à Tunis, sans être bloqués aux portes de la ville. Quant aux Tunisois, ils ne montrent aucun signe de lassitude et continuent, toutes générations confondues, à refusent la confiscation de leur mouvement. Non ! Les Tunisiens ne sont pas des «Algériens» comme les autres et ils se surprennent même à croire à l'impossible, comme le fait si bien l'écrivain dissident Taoufik Ben-Brik. Ce dernier s'est, en effet, porté candidat à la présidence de la Tunisie et il proclame haut et fort sa certitude de recueillir la majorité des suffrages. Il est seulement dommage qu'il veuille mettre d'ores et déjà hors jeu, en contestant son assise populaire, un rival potentiel, Moncef Marzouki, un autre dissident de retour d'exil. Dans une de ces envolées lyriques dont il a le secret, Taoufik Ben-Brik s'est également proclamé «prophète» de la révolution tunisienne, mais sur ce terrainlà, il va avoir du pain sur la planche, parce que la Tunisie peut devenir terre de prophéties, comme son voisin de l'ouest. Déjà la chaîne du Qatar, Al- Jazeera, interdite en Tunisie, s'est retrouvée comme par magie à diffuser en direct quelques petites heures seulement après la fuite des Ben Ali. «Comme elle ne disposait pas de journalistes sur place, elle a fait appel à des orateurs, ironise notre confrère Salim Azzouz, dans les colonnes du quotidien londonien Al-Quds. Même le directeur de son bureau s'exprimait en orateur, à tel point qu'on ne savait plus qui était journaliste et qui ne l'était pas. Nous avons donc eu droit à des discours, au lieu des analyses et des informations que nous étions en droit d'attendre», ajoute notre confrère. Comme il fallait s'y attendre, Karadhaoui, que nous n'avons pas à ménager puisqu'il n'est plus notre beau-frère, a lancé son exorde aux Tunisiens, relayé par la mosquée fraîchement rouverte de Tunis. Le premier prêche, dit libre, a porté sur la nécessité d'appliquer la Charia en Tunisie. Comme vous le voyez, cher Monsieur Ben-Brik, vous allez avoir du pain sur la planche dans votre nouveau rôle de «prophète», où la concurrence s'annonce rude. Les nouveaux prêcheurs pourraient se recruter parmi les membres du clan Ben Ali, dont certains auraient fui vers l'Algérie, nous dit-on, alors que les amis, les copains et les coquins commencent à la rejouer façon «19 mars», ou «14 janvier» pour faire plus tunisien. Sur le plateau de Canal Plus, la semaine dernière, le producteur de cinéma Tarek Ben Ammar est venu faire serment d'allégeance à la révolution. Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, surtout en politique, Monsieur Ben-Ammar a démenti avoir signé en août 2010 une pétition à l'algérienne, soutenant la réélection de Ben Ali en 2014. C'est un ami qui aurait ajouté son nom à son insu, mais à l'époque il ne pouvait pas démentir et retirer sa signature sous peine de perdre les positions acquises en Tunisie. Tarek Ben- Ammar est le propriétaire de la seule et unique chaîne de télévision Nessma TV autorisée en Tunisie, à l'exclusion de toutes les autres. Outre cette télévision qui jouissait sous Ben Ali d'une liberté inhabituelle en ces lieux, Tarek Ben- Ammar possède également dans son pays un grand studio cinématographique, à l'image du gigantisme hollywoodien. Il faut dire, pour sa défense, que le système Ben Ali réduisait les Tunisiens au silence et contraignait certaines élites à accepter le compromis, voire la compromission, pour avoir ne serait-ce que le strict minimum. On peut comprendre alors que le producteur ait sagement attendu la chute du régime, six mois après, pour démentir sa contribution à la pétition. Il ne pouvait courir le risque, en effet, d'indisposer Ben Ali et de voir ses acquis, notamment sa chaîne de télévision, remis en cause. «Comme tous les Tunisiens, il a eu peur», pourrait dire le chef du gouvernement intérimaire, Mohamed Ghannouchi. Il faut bien s'entraider, surtout lorsqu'il s'agit de traverser une révolution sans y laisser des plumes.


    A. H.

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    Le Soir d'Algérie
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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