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Afrique du Nord: Un printemps en hiver

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  • Afrique du Nord: Un printemps en hiver

    Quand une dictature se rouille de l'intérieur, il suffit d'une étincelle pour qu'elle s'effrite. On dit qu'un maillon faible a cédé, et de ce fait il est plus fort que toute la chaîne. Ainsi le régime d'un ancien flic et d'une ancienne coiffeuse est tombé sur le fil des évidences, un fil tenu par un peuple qui ne pouvait plus supporter les humiliations, le mépris, le vol et la misère. Un peuple qui, dès 1988, avait manifesté sa colère et avait été réprimé sauvagement.

    Voir un chef d'Etat, gras et épais, cheveux teints et regard satisfait, fuir comme un voleur, mendier un lieu d'asile, essuyer quelques refus, apprendre que cet homme qui a semé la terreur chez un peuple bon et patient est dans la détresse d'un Bokassa ou d'un Duvalier, tout cela prouve qu'il ne méritait pas d'avoir été un chef d'Etat et que, tout au plus, il aurait pu poursuivre sa carrière de fonctionnaire médiocre dans une ambassade lointaine. Le Tribunal pénal international devrait se dépêcher de l'inculper et espérer l'arrêter et le juger. Sinon, c'est trop facile : on réprime, on torture, on vole puis on part en exil doré à Djedda.

    A présent, ce que feront les Tunisiens de ce printemps en plein hiver est une affaire qui les regarde. Cependant l'exemple tunisien fascine et inquiète. Il suscite l'admiration et des interrogations. Des régimes arabes tremblent en silence ; des dirigeants se passent et se repassent le film des événements : "Et si ça arrivait chez moi ?" Des insomnies sont à prévoir et des comptes à l'étranger à bien fournir (ils viennent d'apprendre qu'il faut éviter les banques françaises).

    Il est des sociétés dans le monde arabe où tous les ingrédients sont réunis pour que tout explose. Trois Etats entrent dans cette configuration.

    La Libye d'abord, parce qu'on ne sait rien de ce qui s'y passe. Un homme, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat (1969), cultive son culte de manière si grotesque qu'il échappe à toutes les prévisions. Le pays vit sous un linceul de silence et de résignation. Rien ne filtre. Pour la Tunisie, c'est un voisin dangereux et pervers. Il faudra s'en méfier. Quand le "raïs" se déplace à l'étranger, il impose à ses hôtes son folklore et son arrogance. Il a la maladie du pétrole. D'où, après l'illégitimité, l'impunité. Et certains Occidentaux se mettent presque à genoux dans l'espoir de lui faire signer de gros contrats. En vain.

    L'Algérie. Un pays et un peuple magnifiques. Des potentialités exceptionnelles. Une jeunesse nombreuse et vive. Des richesses immenses en gaz et en pétrole. Mais un système militaire qui tient le pays depuis l'indépendance et qui ne lâche rien. Quand l'armée installe un civil à la présidence de la République, il est là pour exécuter ses ordres. Sinon, son élimination est possible, comme ce fut le cas de Mohamed Boudiaf, qui avait cru pouvoir gouverner selon ses propres principes et valeurs. Il fut assassiné le 29 juin 1992.

    L'écrivain algérien Rachid Mimouni (1945-1995) avait publié un roman, La Malédiction (Stock, 1993). Il parlait de son pays. On peut hélas ! inclure une grande partie du monde arabe dans cette malédiction qui dure depuis si longtemps. Des régimes issus de coups d'Etat, des présidents qui se font "élire" à des scores frisant les 99 %, un mépris profond pour le citoyen, les richesses du pays accaparées par des individus qui tirent les ficelles dans l'ombre - ainsi la manne pétrolière et gazière de l'Algérie ne profite pas au peuple, qui reste pauvre et sans espoir de changement.

    L'autre pays, c'est l'Egypte. Là, la pauvreté, la corruption et le culte de la personnalité ont fini par installer la rouille dans tous les rouages de l'Etat. Au moment où Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu à Sidi Bouzid (cet acte sacrificiel ne fait pas partie des traditions du monde musulman, c'est dire combien le désespoir est immense !), la police égyptienne faisait du Kafka sans le savoir.

    Il s'appelait Sayyid Bilal, il avait 31 ans, musulman pratiquant. Il vivait à Alexandrie tranquillement avec sa femme, qui était enceinte. Le mercredi 5 janvier, il reçut un coup de téléphone du ministère de l'intérieur : "Venez nous voir ce soir à 10 heures ; apportez une couverture avec vous, vous en aurez peut-être besoin." A l'heure dite, il se présenta, ne sachant pas la raison de cette curieuse "invitation", mais, en bon citoyen, il ne posa pas trop de questions.

    Vingt-quatre heures plus tard, le même agent de police appelle sa famille et leur dit : "Venez chercher le corps de Bilal : il est mort." Stupeur. Le corps porte de nombreuses traces de torture. Les parents reconnaissent à peine leur fils, ils ont juste le temps de prendre des photos. La famille porte plainte. On lui ordonne de la retirer sous peine de se retrouver tous dans les locaux de cette police si délicate. En outre, ordre est donné pour que le corps soit enterré le jeudi soir et non le lendemain, jour de la grande prière. La presse relate cette affaire. La police veut que ce cas soit porté à la connaissance du plus grand nombre. Le message est clair : voici ce qui vous attend si vous choisissez le camp de l'opposition. Le fait d'avoir choisi un citoyen sans histoires est une façon vicieuse de marquer le message.

    On dirait que Dieu a maudit ces pays, il les aurait abandonnés à des guignols bruts et cruels jusqu'au jour où le feu de la justice surgit de la rue, comme un printemps en plein hiver. Ce printemps sera complet le jour où le monde arabe sera débarrassé de ces momies aux cheveux gominés qui sèment la détresse et le malheur parmi leur peuple.

    Tahar Benjelloun
    Article publié dans Le Monde édition du 23.01.11

    __________________________________________________ ___

    Tahar Ben Jelloun est membre de l'académie Goncourt depuis 2008. Il a reçu le prix Goncourt pour La Nuit sacrée (Points Seuil) en 1987. Derniers livres parus : Jean Genet, menteur sublime (Gallimard) et Beckett et Genet, un thé à Tanger (Gallimard).
    Fortuna nimium quem fovet, stultum facit.

  • #2
    La reponse d´un algerien (un peu moins elegante dans le fond, a mon sens), sur les colonnes du meme journal:



    Le Maroc aussi est rongé par la corruption et oxydé de misère
    Un printemps en hiver. C'est le titre que Tahar Ben Jelloun donne à son billet dans Le Monde du 23 janvier. Il nous dit que la révolution tunisienne est un peu comme un printemps qui vient réchauffer l'Afrique du Nord , terre depuis longtemps gelée par quelques dictateurs corrompus alors qu'elle est si riche. Et de tancer, à juste titre les Etats corrompus d'Algérie, de Lybie ou d'Egypte, maillons rouillés d'une chaine fragile. Là, le pouvoir, vermoulu par l'argent, maintenu par l'armée ou ivre de mégalomanie, a asservi son peuple. Un peuple pourtant merveilleux qui ne mérite pas qu'on lui vole tout et en particulier ce qui pourrait l'affranchir. Ce que Tahar Ben Jelloun écrit est beau, bien dit et tellement vrai. Une vérité qui saisit parce qu'elle est rapportée avec les tripes, avec la rage qu'animent le vécu et la douleur de voir souffrir ses frères.

    Manque pourtant à la table des potentats un invité royal. Le quatrième maillon. Tout aussi rouillé que les trois autres. Là-bas, tout à l'ouest sous les embruns de l'Atlantique. Petit il est vrai à côté de son géant de voisin, le royaume chérifien n'en est pas moins rongé par la corruption et oxydé de misère. Son peuple, si merveilleux, pétri d'histoire, pétillant d'intelligence, ne mérite pas plus que d'autres d'être maintenu dans la pauvreté et dans la peur par un système hors d'âge. Sur cette terre de soleil, la pauvreté s'infiltre, l'humiliation brise, alors que l'arbitraire fait taire. Et nous ne voyons rien. Il est vrai que tout est soigneusement caché derrière un voile de parades clinquantes, d'hôtels paradisiaques, de golfs luxuriants, de Riads aux piscines illuminées où s'ébrouent des naïades à faire baver l'Europe. Comment imaginer alors que derrière ce mirage se cache la réalité d'une frustration immense jugulée par la terreur ? Tahar Ben Jelloun connait cette souffrance. Il ne peut ignorer que les dorures ne pourront cacher longtemps la rouille et que là-bas aussi tous les ingrédients sont réunis pour que tout explose un jour. Mais nul n'est prophète en son royaume.

    Karim Boudjema, professeur à l'hôpital Pontchaillou de Rennes

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    • #3
      Un printemps en hiver

      Je dirai aussi un beau printemps arabe, qui peut s'exporter vers le nord en cas de réussite.
      وإن هذه أمتكم أمة واحدة

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      • #4
        C'est beau, ce qu'écrit Tahar Benjelloun. Un peu superficiel mais c'est assez véridique...

        Dommage qu'il ne dit un traitre mot sur son propre pays...

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        • #5
          L'écrivain algérien Rachid Mimouni (1945-1995) avait publié un roman, La Malédiction (Stock, 1993).
          Mohamed choukri avait écrit un roman tout aussi magnifique, "Le pain nu" et que ce même Bendjelloun avait traduit !

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          • #6
            Envoyé par bonsai
            La reponse d´un algerien (un peu moins elegante dans le fond, a mon sens)
            Au contraire, le texte de l'Algérien Karim Boudjema est bien plus "élégant" que celui du Marocain Tahar Ben Jelloun.

            Karim Boudjema admet la réalité de son pays et ne la cache pas, contrairement à l'hypocrite Tahar Ben Jelloun. C'est très facile de parler des problèmes des autres pays comme le fait Tahar Ben Jelloun. Mais le vrai mérite est d'être objectif à propos des problèmes de son propre pays.

            L'hypocrite Tahar Ben Jelloun écrit "Il est des sociétés dans le monde arabe où tous les ingrédients sont réunis pour que tout explose. Trois Etats entrent dans cette configuration" en ignorant la situation réelle du Maroc pour tromper les lecteurs français alors que les statistiques venant du Maroc sont aussi mauvaises voire pires que celles venant de l'Algérie ou de la Tunisie. Et pour cause, le Maroc (114ème) est classé dernier en Afrique du Nord dans le classement IDH 2010 (Egypte (101), Algérie (84), Tunisie (81)). Et le Maroc est aussi dernier en Afrique du Nord en terme de taux d'alphabétisation.

            Et en terme de corruption, liberté d'expression...etc, le Maroc est tout sauf un modèle. Il est aussi mauvais que les autres pays de l'Afrique du Nord.

            La monarchie marocaine semble moins menacée que les autres régimes d'Afrique du Nord car elle a réussi à imposer un statut quasi divin à force de propagande et de répression, et exploite à fond la question du Sahara Occidental pour nourrir le nationalisme des Marocains et leur faire oublier leur problèmes quotidiens pendant que la famille royale dépense pas moins d'un million de dollars par jour pour entretenir son mode de vie luxueux.

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            • #7
              Publié il y a 3 semaines dans "Bouillon de culture", et passé inaperçu.
              http://www.algerie-dz.com/forums/sho...d.php?t=195343
              Fortuna nimium quem fovet, stultum facit.

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              • #8
                A partir de la 110 place du classement IDH, le risque de révolution est presque nul, pas assez de carburant pour alimenter l'incendie.

                Cela dit si le Maroc gagne 4 places, personne ne répondera de ce qui peut se passer.

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                • #9
                  Au contraire, le texte de l'Algérien Karim Boudjema est bien plus "élégant" que celui du Marocain Tahar Ben Jelloun.

                  Karim Boudjema admet la réalité de son pays et ne la cache pas, contrairement à l'hypocrite Tahar Ben Jelloun. C'est très facile de parler des problèmes des autres pays comme le fait Tahar Ben Jelloun. Mais le vrai mérite est d'être objectif à propos des problèmes de son propre pays.
                  J´ai rapporté les deux articles en guise de d´honnêteté intellectuelles pour avoir les 2 points de vues. Le réponse de notre ami Karim Boudjema, m´a paru moins élégante en lisant quelques passages chauvinistes et tendancieux dans ses propos : « Petit il est vrai à côté de son géant de voisin », « un système hors d'âge », « de Riads aux piscines illuminées où s'ébrouent des naïades à faire baver l'Europe », « une frustration immense jugulée par la terreur ».

                  Quand a TBJ, il est vrai qu´il épargne énormément le Maroc dans ses critiques, mais il défend ses points de vue (comme dernièrement sur les ondes de France info).



                  On peut débattre tout le temps sur ce qui se passe actuellement dans les pays arabes, et jouer à la devinette qui sera le prochain régime qui sera secouer par une révolte populaire, mais ça n´enlèvera pas le fait, selon les marocains eux-mêmes, et les observateurs avisés, que le Maroc restera épargné d´une révolution pour un changement par la tête, car le système monarchique au Maroc fait l´objet d´un consensus national, non pas à cause de l´affaire du Sahara, ou la propagande du Makhzen comme tu le décrits (ça serait une grave insulte a l´intelligence du peuple Marocain), mais en raison des différents spécificités du Maroc par rapport aux autres pays en Afrique du nord.

                  Le Maroc n´est ni une dictature ni une démocratie, et connait aussi les mêmes problèmes socio-économiques des pays de la région, mais il a l´ avantage qu´il a entrepris des reformes sur tous les plans depuis la fin de l´ère Hassan II. Si ce dernier était encore au pouvoir, et régnant avec même despotisme des années de plomb, je dirais même qu´il aurait été le premier a succomber devant une révolte populaire, et probablement avant Ben Ali. Nonobstant cela, il ne sera pas épargné des vents du changement qui souffle en Afrique du nord, et une accélération des reformes sur tous les plans me semble inéluctable.

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                  • #10
                    Dommage qu'il ne dit un traitre mot sur son propre pays...
                    Ça m'étonne de Tahar Ben Jelloun qui ne pipe pas un mot sur le Maroc.

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                    • #11
                      Le Maroc n´est ni une dictature ni une démocratie, et connait aussi les mêmes problèmes socio-économiques des pays de la région, mais il a l´ avantage qu´il a entrepris des reformes sur tous les plans depuis la fin de l´ère Hassan II.
                      Ce n'est pas les réformes économiques qui sauveront les uns et/ou les autres. Il y en eut autant sinon plus en Tunisie et en Egypte. Et pourtant !

                      Le cocktail détonnant et commun à la Tunisie et l'Egypte est :
                      - Le culte imposé au Zaim
                      - Au delà de la corruption (phénomène planétaire), le pillage du pays par le cercle familial au pouvoir (et quelques privilégiés d'un cercle concentrique)
                      - Une opposition laminée
                      - une société civile réduite en caisse de résonnance
                      - Une justice instrumentalisé au service du pouvoir en place

                      Voilà (à mon sens) les ingrédients à la révolte.

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                      • #12
                        avec un taux analphabétisme qui avoisine les 50% (prés d'un Marocain sur deux ne sait ni lire ni écrire) , je ne pense pas que cette société va arriver à un niveau d'organiser une révolte pour ne pas parler d'une révolution....

                        En attente, le roi profite de sa politique sociale catastrophique, qui accentue l'analphabétisme et la pauvreté dans son pays, et d'une politique étrangère souvent basée sur (baisser son froc aux américains et aux français ) pour s'enraciner au pouvoir


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                        • #13
                          Tandis que le peuple du commandant des croyants (descendant de la famille du prophète ) ... vit dans une misère :

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                          • #14
                            Le roi n'a pas un titre ou un poste symbolique au Maroc, mais il peut faire ce qu'il veut ... il est Roi comme au moyen âge...





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                            • #15
                              Tandis que le peuple du commandant des croyants (descendant de la famille du prophète ) ... vit dans une misère :
                              Tamedit n-was tu sais quand le peuple à faim, il a faim et rien ne peut l'arrêter, analphabétisme ou pas comme en Algérie la faim est plus forte que tout y compris l'armée et les généraux...

                              Pour le roi du Maroc il n'est en rien le descendant de la famille du prophète les Alawite sont des arabo-berbères de la région du Tafilalete (Région berbère). Son titre de commandeur des croyants lui donne juste l'autorité de Khalif sur le territoire qu'il dirige rien de plus. Abu bakr As Siddiq, Omar Ibn Khatab,étaient des khalifs mais ils n'étaient en rien de la famille du prophète.

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