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Petite définition du fatalisme laïc.

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  • Petite définition du fatalisme laïc.

    Qu'est-ce que le fatalisme laïc ? C'est quand on a deux idées, pas de main, qu'on ne ressent plus ses jambes et qu'on aime les enterrements d'espoir, d'amis, de mythes et des enthousiasmes et expliquer que derrière la colère il y a des manipulations. Aujourd'hui, les Algériens regardent ce qui se passe en Egypte : cela leur ressemble mais dans la tête, pas dans les actes. Ils savent qu'ils vivent la même chose mais n'arrivent pas à lier la tête au reste du corps, le muscle à l'idée et le courage à la salive. La raison ? Le fatalisme laïc. Une sorte de culture qui répond à n'importe quelle question par la même réponse : «cela ne sert à rien». «Cela ne va rien changer». Nos ancêtres disaient Mektoub, les modernes disent «manip» ou neurasthénie.

    La raison ? Un croisement de l'Histoire et de la mollesse stratégique. Pour l'Histoire, il est dit que les intellectuels algériens n'existent plus, sauf pendant les vacances d'été. Qu'ils n'ont plus de pays sauf leurs propres cercles et que le peuple se méfie d'eux et de leurs façons de manger avec le cerveau et pas avec les mains. Que la révolution algérienne a installé une sorte de bleuite permanente qui voit dans l'intellectuel un traitre flou ou un hésitant perpétuel qui n'aime pas le peuple sauf comme concept et qui se lave les mains après chaque rencontre dans la rue.

    Pour la mollesse stratégique, les élites ne voient pas de raison d'aller se faire frapper et molester par les polices pour le bien d'un peuple qui ne les aime pas. Après Tunis, de grands clichés de défaitisme ont été signalés dans l'espace mental national : 1° - l'Algérie n'a pas d'élite. 2° - le Pouvoir est trop puissant. 3° - Il n'y a pas un Benali mais une dizaine dont certains n'ont même pas un visage connu. 4° - La classe moyenne n'existe pas ou ne vit pas dans le même pays que le pays. 5° - La dictature est quand même meilleure que le chaos et la pénurie alimentaire est plus grave que le manque de libertés. Résultat ? On va attendre. Généralement 132 ans ou presque. Qui va changer la Libération en liberté ? L'autre. Ou l'autre qui est assis à côté de l'autre ou juste en face. Il existe même un effet dominos très algérien : chacun a un domino en main mais ne sait pas s'il s'agit du premier qui va enclencher la chute des autres ou celui du milieu ou celui de la fin du jeu de dominos.

    Faut-il rêver d'être égyptien aujourd'hui ? Oui. Après avoir rêvé d'être tunisien. Dans la lancée, on finira par rêver toutes les nationalités qui nous ressemblent mais qui ont des pieds et des jambes, puis par retomber là où nous sommes et se voir forcés de rêver d'être algérien. D'ailleurs, c'est peut-être la source de ce fatalisme laïc riche de dizaines de livres mais de peu de manifestants convaincus : personne ne rêve d'être algérien ! Tout le monde, y compris le pouvoir, a sa propre nationalité, valable uniquement pour lui et ses propres enfants. Rêvons donc : longtemps, les colonisés ont rêvé d'être nous, aujourd'hui, nous rêvons d'être les autres.

    par Kamel Daoud, Le Quotidien d'Oran
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    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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