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L'économie égyptienne asphyxiée par l'explosion démographique

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  • L'économie égyptienne asphyxiée par l'explosion démographique

    Par Elie Patrigeon - publié le 27/01/2011 à 11:11

    Alors que l'Egypte est à son tour agitée par des manifestations, L'Expansion.com fait le point sur un modèle de développement bloqué.

    Le plus peuplé des pays arabes est aujourd'hui confronté à des manifestations contre le régime d'Hosni Moubarak. L'Egypte est dans l'impasse : pouvoir déliquescent et situation socio-économique précaire. "Pain, liberté, dignité', c'est le slogan des manifestants, qui résonne désormais comme le cri de ralliement des peuples arabes et maghrébins. La colère des Egyptiens n'est pas nouvelle. Le chômage, la pauvreté, la censure... ne font qu'accroître le ressentiment. La révolution tunisienne pourrait servir de détonateur.

    Une démographie galopante

    L'Egypte, avec 80 millions d'habitants, est le pays le plus peuplé de la région. La population a été multipliée par 3,5 en 50 ans. Malgré un net ralentissement depuis le début des années 90, l'Egypte connaît une croissance démographique de 2,03% par an. C'est-à-dire plus d'1,6 million d'habitant supplémentaires chaque année. La moitié de la population a moins de 24 ans.

    Cette explosion démographique a des conséquences lourdes pour l'économie du pays. 94,5% du territoire est recouvert par le désert. Dès lors, la population se concentre dans la vallée du Nil, dont la densité moyenne est de 1500 habitants/km², sur 1000 kilomètres de long.

    Crise du développement...

    La surpopulation constitue la source de la plupart des problèmes de l'Egypte. Avec 4% de croissance par an en moyenne, l'économie égyptienne ne peut subvenir aux besoins de ses habitants. Le chômage, 9% officiellement, est très fort chez les jeunes. Le revenu moyen ne dépasse pas 100 dollars par mois et 30% des richesses sont captées par les 10% plus riches. L'inflation, 12,8% en 2010, affecte largement les conditions de vie des Egyptiens.

    L'envolée des prix des matières premières est donc une cause majeure de mécontentement. Déjà, en 2008, le pays avait été frappé par des "émeutes de la faim". Depuis le mois de novembre 2010, des manifestations sporadiques contre le prix de la farine, notamment, ont eu lieu. L'Egypte, dont la surface agricole est faible, doit importer 50% de ses céréales. Face à la contestation, le gouvernement a indiqué qu'il allait accentuer la subvention de ces importations, sans toutefois calmer la colère. "Le pain" est toujours une des revendications des manifestants.

    Dans le même temps, la population souffre d'un manque d'infrastructures. Les transports sont obsolètes et dépassés, malgré quelques grands projets récents comme le métro du Caire ou le port de Nuweiba, sur la mer Rouge. Le secteur de la santé est frappé pour le sous-investissement alors que l'éducation ne parvient plus à faire évoluer positivement l'alphabétisation des habitants ruraux (données Banque mondiale).

    Situation en Egypte ce jeudi
    De nouveaux rassemblements ont eu lieu au Caire. Ils ont fait deux morts. Facebook et Twitter sont bloqués et les communications mobiles sont restreintes. Le bilan des manifestations de mardi fait état de 3 morts, dont un policier. 1500 personnes auraient été arrêtées, selon l'AFP. Les Etats-Unis appellent à la levée de l'interdiction de manifestation mais parlent de "régime stable". La France, par la voix de Michelle Alliot-Marie, "déplore les violences".

    ... Et progrès réels

    Pourtant, l'Egypte connaît de véritables avancées. L'équipement des ménage s'est considérablement amélioré depuis 10 ans. Il reflète la hausse du niveau de vie, largement tangible depuis le milieu des années 90. La mortalité infantile, bien qu'élevée, est en recul alors même que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter et a dépassé les 70 ans. Enfin, l'Egypte compte plus de 20 millions d'internautes et 40 millions d'utilisateurs de téléphonie mobile.

    Reste que l'économie égyptienne doit, chaque année, intégrer près de 2 millions de nouveaux arrivants sur le marché du travail, ce qui constitue le coeur de la crise sociale.

    Economie de rente

    De fait, l'économie égyptienne se caractérise par des situations de rente, pas toujours profitables à l'emploi et largement captées par l'Etat. Elles apportent au pays des revenus importants.

    Le canal de Suez, nationalisé en 1956, rapporte plus de 2 milliards de dollars chaque année au budget de l'Etat. De même, le pétrole de la mer Rouge et le gaz constituent une source de financement non négligeable mais qui est soumise aux fluctuations du marché. Le tourisme, 11% du PIB, 17% des emplois totaux, est tout aussi crucial pour le pays. La série d'attentats contre les étrangers, qui a commencé en 1997, rend très aléatoire cette activité. Enfin, l'aide au développement dont bénéficie l'Egypte est considérable. Plus de 2 milliards de dollars par an sont accordés par les Etats-Unis, 150 millions d'euros par la France. Au total, c'est plus de 3 milliards que reçoit annuellement le pays. Une aide dont la moitié va directement au budget militaire.
    Or, l'allocation des ressources de ces rentes ne se fait pas vers les salaires mais plutôt via des subventions aux produits importés. Ce mécanisme tend vers le bas le revenu de subsistance minimal en tirant les prix vers le bas. Cependant, lorsque les prix augmentent fortement, comme c'est aujourd'hui le cas, l'Etat peine à maintenir les prix peu élevés. Dans ces conditions, toute hausse des prix des biens de base crée une crise de subsistance.

    Ambiance de fin de règne

    Au-delà de ces considérations économiques, qui sont anciennes, la crise sociale se greffe sur une situation politique largement bloquée. Hosni Moubarak, le président égyptien, est en place depuis la mort d'Anouar El Sadate, en 1981. Constamment réélu, lors d'élections manipulées, il est aujourd'hui vieillissant et malade. Il a dû s'absenter plusieurs semaines en 2010 pour une opération à l'étranger. Avec l'approche des élections présidentielles de 2011, sa succession est clairement posée. Son fils, Gamal, serait en bonne position. Mais désormais, la colère égyptienne ne se tourne plus uniquement vers le niveau de vie. Elle se dirige aussi vers le pouvoir, accusé de despotisme autant que d'incompétence. Un scénario "à la Tunisienne" n'est plus exclu.

    Pour autant, la société égyptienne est traversée de dynamiques bien différentes que celle de Tunisie. Moins éduquée, plus pauvre, sensible aux appels des Frères musulmans, elle pourrait ne pas trouver les soutiens nécessaires pour en finir avec le régime. La peur du désordre, islamiste en particulier, et la situation géostratégique du pays risquent d'être des facteurs déterminants dans l'attitude des pays occidentaux.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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