« Le FFS est disposé à travailler avec des partenaires autonomes, représentatifs et crédibles » **Nouveau**
Entretien du Premier secrétaire du FFS Propos recueillis par Sonia Lyes journaliste du journal électronique « Tout sur l’Algérie » : TSA
TSA , le 23 janvier 2011
Vous venez d’appeler à la tenue d’un meeting à Alger et dans plusieurs wilayas du pays alors que vous avez refusé de vous associer à la démarche de la coordination nationale pour la démocratie et le changement en raison de « priorités politiques ». Pouvez-vous nous éclairer sur la démarche du FFS ?
Karim TABBOU : Pour répondre à votre question, je vous invite à vous référer aux communiqués que nous avons rendus publics. A l’issue de la réunion de la coordination nationale pour le changement et la démocratie à la quelle nous avions été conviés et dont nous remercions les initiateurs, nous avons procédé à une évaluation.
Comme vous savez, les cadres qui ont participé n’ont pas vocation à engager le parti sans se référer aux instances du parti. C’est donc après évaluation que nous avons relevé, comme nous l’avons noté, avec espoir l’existence de convergences importantes sur l’analyse de la situation politique du pays. Nous avons estimé également que la concertation doit s’approfondir, s’intensifier et éventuellement s’élargir à l’avenir. Aussi avons nous précisé que dans l’étape actuelle, les priorités politiques du FFS ne lui permettent pas de s’associer à la proposition d’un appel à une marche à Alger (prévue le 9 février prochain, ndlr).
Nous avons également déclaré que nous respectons et défendons l’autonomie de décision et d‘action des organisations de la société civile.
Par ailleurs, étant convaincus qu’il faut aller vers la population, nous avons décidé d’organiser prochainement une série de meetings à travers plusieurs wilayas du pays en compagnie de cadres et de partenaires politiques et sociaux du parti. Et comme toujours nous répétons que le FFS est disposé à travailler avec des partenaires autonomes, représentatifs et crédibles.
Dans la déclaration rendue publique le 15 janvier dernier, vous souteniez que les Algériennes et les Algériens espèrent que l’expérience Tunisienne soit méditée. A votre avis, peut-elle survenir en Algérie en l’état actuel des choses ?
Les Tunisiennes et les Tunisiens sont entrain d’explorer les chemins de la liberté et de la démocratie. Nous espérons avec ferveur qu’ils arriveront à concrétiser leurs aspirations.
Bien sûr, nous avons des ambitions démocratiques pour notre pays. Mais, à raisonner froidement, s’il existe des traits communs dans les situations, il est très difficile de prévoir comment se fera la rupture démocratique en Algérie.
Surviendra-t elle par un affrontement frontal, direct et ouvert avec le pouvoir, ou bien le processus de démocratisation se fera t il par la transformation graduelle et progressive du régime et de la société ?
Toutefois, un certain nombre de remarques peuvent être retenues. En Tunisie, une remarque de bon sens, nous n’avons qu’une vue parcellaire et partielle des luttes et des évènements qui s’y sont produits. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de discuter en profondeur avec nos amis Tunisiens de l’enchainement et de la séquence des événements. Nous ne connaissons pas dans le détail la stratégie des différents acteurs qu’ils soient nationaux, régionaux ou internationaux qui ont pu influer ou influencer le rapport de forces à différents moments de cette étape cruciale de l’Histoire de la Tunisie.
S’agissant de l’Histoire, même si on a parlé de communauté de destin pour les peuples du Maghreb, chacun d’eux a eu un vécu historique propre. Cela déjà a donné une coloration spécifique à la constitution des forces de résistance aux régimes autoritaires.
Dans le cas de la Tunisie, il faut notamment retenir que ce pays n’a pas connu de colonisation du même type qu’en Algérie, qu’il ne s’est pas libéré de la même façon et que le régime mis en place au lendemain de l’indépendance n’est pas le même que celui de l’Algérie. Bourguiba n’était pas Boumediène. L’économie s’est développée différemment, de même que la formation des forces sociales. Les luttes sociales ont été également particulières.
Deuxième élément, de nature historique également : l’Algérie a connu elle aussi un bref épisode d’ouverture politique en 1988. Cet épisode s’est produit au moment de la chute du mur de Berlin, de l’unilatéralisme américain et à un moment ou l’Europe était rose, aux couleurs du socialisme. A cette époque, on pensait que c’était la fin de l’histoire et que le vent de la démocratie allait souffler sur tous les continents. Il n’en n’a pas été malheureusement ainsi. En Tunisie, paradoxalement, la libération du peuple tunisien s’est faite dans les suites des attentats du 11 septembre et l’on pensait que la priorité de la lutte contre le « terrorisme international » et contre el Qaida, permettrait aux régimes autoritaires, dans le monde musulman, de perdurer, voire de se consolider. Ce postulat ne s’est pas vérifié en Tunisie.
Evidemment, la rente pétrolière est un élément spécifique et lourd dans l’équation géopolitique et dans ses conséquences politiques internes. Ben Ali n’a pas de pétrole à marchander, sa marge de manœuvre, tant sur le plan national qu’international, en a été réduite. Il ne lui a pas permis de rétablir la situation en sa faveur. Bien sûr, les Tunisiens n’ont pas de pétrole, mais ils ont une élite qui a choisi son camp et assume son rôle. Le fait est suffisamment connu et souligné. Au niveau des acteurs, l’attitude de l’armée tunisienne est connue, celle de l’armée algérienne aussi, l’attitude de la police tunisienne est connue et celle de la police algérienne aussi ! On peut être raisonnablement optimiste quant à l’évolution favorable du rapport de forces en Tunisie en faveur du camp de la démocratie, la modération des islamistes constituant aussi un facteur favorable.
Pour notre pays, la société politique, de même que la société civile, a été laminée par 18 ans d’état d’urgence. La population est traumatisée par plus d’une décennie de sale guerre, aux braises mal éteintes, par des injustices et des inégalités intolérables. Actuellement elle se cherche encore. En tout état de cause, le processus démocratique sera selon toute probabilité un marathon. Parions sur la constance et l’esprit de résistance des Algériennes et des Algériens. Parions sur l’émergence de nouvelles élites ; ceux qui croient encore à un changement venant de l’intérieur du régime sont en train de délirer et poursuivent des chimères. De toute façon, la présence demain à notre flanc oriental d’une Tunisie démocratique ne peut qu’être bénéfique, voire vivifiant pour les luttes démocratiques dans le pays.
Vous souteniez également la possibilité pour les pays maghrébins, en cas d’ouverture démocratique, de gérer pacifiquement les partis extrémistes. Ne redoutiez vous pas la menace islamiste, notamment pour le cas algérien ?
L’Europe en général, et la France en particulier, connaissent des mouvements radicaux, extrémistes voire fondamentalistes. Mieux, certains de ces mouvements ont accédé au pouvoir, comme par exemple en Autriche, ou conquis des majorités électorales, comme en France.
Pourquoi n’a-t-on pas demandé à l’armée d’intervenir pour annuler le processus électoral en France après l’arrivée de M. Le Pen au second tour de l’élection présidentielle ? Pourquoi la limitation et le non cumul des mandats chez eux, et accepter des présidences à vie, chez nous ?
Le système démocratique a permis la gestion pacifique et politique de ces forces extrémistes, pourquoi le refuse t on dans les pays du Sud et notamment au Maghreb ? Pourtant la gestion sécuritaire a été un échec sanglant avec un coût politique et humain exorbitant. La gestion sécuritaire et l’état d’urgence ne protègent pas la population, bien au contraire, elles font le lit des organisations extrémistes et leur donnent un avenir politique.
Au lendemain des derniers événements qui ont secoué l’Algérie, le gouvernement s’était empressé de les réduire à la dimension sociale. Sont ils à votre avis l’expression d’une manipulation ou d’une guerre de clans, comme le suggèrent certains ?
Les manipulations et les guerres de clans sont permanentes au sein du pouvoir dans notre pays. L’émeute manipulée peut être le prolongement, sur le terrain, des guerres qui se déroulent au sommet, comme elle peut être une manipulation du pouvoir pour désamorcer une contestation sociale réelle d’une autre ampleur.
Entretien du Premier secrétaire du FFS Propos recueillis par Sonia Lyes journaliste du journal électronique « Tout sur l’Algérie » : TSA
TSA , le 23 janvier 2011
Vous venez d’appeler à la tenue d’un meeting à Alger et dans plusieurs wilayas du pays alors que vous avez refusé de vous associer à la démarche de la coordination nationale pour la démocratie et le changement en raison de « priorités politiques ». Pouvez-vous nous éclairer sur la démarche du FFS ?
Karim TABBOU : Pour répondre à votre question, je vous invite à vous référer aux communiqués que nous avons rendus publics. A l’issue de la réunion de la coordination nationale pour le changement et la démocratie à la quelle nous avions été conviés et dont nous remercions les initiateurs, nous avons procédé à une évaluation.
Comme vous savez, les cadres qui ont participé n’ont pas vocation à engager le parti sans se référer aux instances du parti. C’est donc après évaluation que nous avons relevé, comme nous l’avons noté, avec espoir l’existence de convergences importantes sur l’analyse de la situation politique du pays. Nous avons estimé également que la concertation doit s’approfondir, s’intensifier et éventuellement s’élargir à l’avenir. Aussi avons nous précisé que dans l’étape actuelle, les priorités politiques du FFS ne lui permettent pas de s’associer à la proposition d’un appel à une marche à Alger (prévue le 9 février prochain, ndlr).
Nous avons également déclaré que nous respectons et défendons l’autonomie de décision et d‘action des organisations de la société civile.
Par ailleurs, étant convaincus qu’il faut aller vers la population, nous avons décidé d’organiser prochainement une série de meetings à travers plusieurs wilayas du pays en compagnie de cadres et de partenaires politiques et sociaux du parti. Et comme toujours nous répétons que le FFS est disposé à travailler avec des partenaires autonomes, représentatifs et crédibles.
Dans la déclaration rendue publique le 15 janvier dernier, vous souteniez que les Algériennes et les Algériens espèrent que l’expérience Tunisienne soit méditée. A votre avis, peut-elle survenir en Algérie en l’état actuel des choses ?
Les Tunisiennes et les Tunisiens sont entrain d’explorer les chemins de la liberté et de la démocratie. Nous espérons avec ferveur qu’ils arriveront à concrétiser leurs aspirations.
Bien sûr, nous avons des ambitions démocratiques pour notre pays. Mais, à raisonner froidement, s’il existe des traits communs dans les situations, il est très difficile de prévoir comment se fera la rupture démocratique en Algérie.
Surviendra-t elle par un affrontement frontal, direct et ouvert avec le pouvoir, ou bien le processus de démocratisation se fera t il par la transformation graduelle et progressive du régime et de la société ?
Toutefois, un certain nombre de remarques peuvent être retenues. En Tunisie, une remarque de bon sens, nous n’avons qu’une vue parcellaire et partielle des luttes et des évènements qui s’y sont produits. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de discuter en profondeur avec nos amis Tunisiens de l’enchainement et de la séquence des événements. Nous ne connaissons pas dans le détail la stratégie des différents acteurs qu’ils soient nationaux, régionaux ou internationaux qui ont pu influer ou influencer le rapport de forces à différents moments de cette étape cruciale de l’Histoire de la Tunisie.
S’agissant de l’Histoire, même si on a parlé de communauté de destin pour les peuples du Maghreb, chacun d’eux a eu un vécu historique propre. Cela déjà a donné une coloration spécifique à la constitution des forces de résistance aux régimes autoritaires.
Dans le cas de la Tunisie, il faut notamment retenir que ce pays n’a pas connu de colonisation du même type qu’en Algérie, qu’il ne s’est pas libéré de la même façon et que le régime mis en place au lendemain de l’indépendance n’est pas le même que celui de l’Algérie. Bourguiba n’était pas Boumediène. L’économie s’est développée différemment, de même que la formation des forces sociales. Les luttes sociales ont été également particulières.
Deuxième élément, de nature historique également : l’Algérie a connu elle aussi un bref épisode d’ouverture politique en 1988. Cet épisode s’est produit au moment de la chute du mur de Berlin, de l’unilatéralisme américain et à un moment ou l’Europe était rose, aux couleurs du socialisme. A cette époque, on pensait que c’était la fin de l’histoire et que le vent de la démocratie allait souffler sur tous les continents. Il n’en n’a pas été malheureusement ainsi. En Tunisie, paradoxalement, la libération du peuple tunisien s’est faite dans les suites des attentats du 11 septembre et l’on pensait que la priorité de la lutte contre le « terrorisme international » et contre el Qaida, permettrait aux régimes autoritaires, dans le monde musulman, de perdurer, voire de se consolider. Ce postulat ne s’est pas vérifié en Tunisie.
Evidemment, la rente pétrolière est un élément spécifique et lourd dans l’équation géopolitique et dans ses conséquences politiques internes. Ben Ali n’a pas de pétrole à marchander, sa marge de manœuvre, tant sur le plan national qu’international, en a été réduite. Il ne lui a pas permis de rétablir la situation en sa faveur. Bien sûr, les Tunisiens n’ont pas de pétrole, mais ils ont une élite qui a choisi son camp et assume son rôle. Le fait est suffisamment connu et souligné. Au niveau des acteurs, l’attitude de l’armée tunisienne est connue, celle de l’armée algérienne aussi, l’attitude de la police tunisienne est connue et celle de la police algérienne aussi ! On peut être raisonnablement optimiste quant à l’évolution favorable du rapport de forces en Tunisie en faveur du camp de la démocratie, la modération des islamistes constituant aussi un facteur favorable.
Pour notre pays, la société politique, de même que la société civile, a été laminée par 18 ans d’état d’urgence. La population est traumatisée par plus d’une décennie de sale guerre, aux braises mal éteintes, par des injustices et des inégalités intolérables. Actuellement elle se cherche encore. En tout état de cause, le processus démocratique sera selon toute probabilité un marathon. Parions sur la constance et l’esprit de résistance des Algériennes et des Algériens. Parions sur l’émergence de nouvelles élites ; ceux qui croient encore à un changement venant de l’intérieur du régime sont en train de délirer et poursuivent des chimères. De toute façon, la présence demain à notre flanc oriental d’une Tunisie démocratique ne peut qu’être bénéfique, voire vivifiant pour les luttes démocratiques dans le pays.
Vous souteniez également la possibilité pour les pays maghrébins, en cas d’ouverture démocratique, de gérer pacifiquement les partis extrémistes. Ne redoutiez vous pas la menace islamiste, notamment pour le cas algérien ?
L’Europe en général, et la France en particulier, connaissent des mouvements radicaux, extrémistes voire fondamentalistes. Mieux, certains de ces mouvements ont accédé au pouvoir, comme par exemple en Autriche, ou conquis des majorités électorales, comme en France.
Pourquoi n’a-t-on pas demandé à l’armée d’intervenir pour annuler le processus électoral en France après l’arrivée de M. Le Pen au second tour de l’élection présidentielle ? Pourquoi la limitation et le non cumul des mandats chez eux, et accepter des présidences à vie, chez nous ?
Le système démocratique a permis la gestion pacifique et politique de ces forces extrémistes, pourquoi le refuse t on dans les pays du Sud et notamment au Maghreb ? Pourtant la gestion sécuritaire a été un échec sanglant avec un coût politique et humain exorbitant. La gestion sécuritaire et l’état d’urgence ne protègent pas la population, bien au contraire, elles font le lit des organisations extrémistes et leur donnent un avenir politique.
Au lendemain des derniers événements qui ont secoué l’Algérie, le gouvernement s’était empressé de les réduire à la dimension sociale. Sont ils à votre avis l’expression d’une manipulation ou d’une guerre de clans, comme le suggèrent certains ?
Les manipulations et les guerres de clans sont permanentes au sein du pouvoir dans notre pays. L’émeute manipulée peut être le prolongement, sur le terrain, des guerres qui se déroulent au sommet, comme elle peut être une manipulation du pouvoir pour désamorcer une contestation sociale réelle d’une autre ampleur.
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