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Quand les puissances spéculent sur les destins des peuples

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  • Quand les puissances spéculent sur les destins des peuples

    Il y a comme un pacte tacite qui existe entre certaines capitales occidentales et certains gouvernants du Sud qui consiste à penser et à dire à ceux-ci : «Soyez forts et nous serons avec vous, soyez fermes, mais fins, et nous serons avec vous, soyez faibles et brutaux et nous pourrions tout de même fermer les yeux sur vos pratiques le temps que celles-ci s’avèrent efficaces… Mais gare à l’échec, car là, nous vous lâcherons définitivement !»
    Cette phrase rend compte, un tant soit peu, de cette relation singulière, mais également de la manière avec laquelle certaines capitales occidentales, qui se prévalent de démocratie et de valeurs éthiques, spéculent sur les destins des peuples, s’accommodant d’une complaisance flagrante vis-à-vis de gouvernants, alors autrefois glorifiés, voire flattés et soutenus jusqu’aux derniers jours de leur règne, et tout brusquement lachés à travers un revirement de discours tendant à effacer l’ancien, comme si la politique internationale se résumait, dans des contextes de bouleversements, à cette honteuse prise de position, alors que le silence aurait été la moins embarrassante des attitudes.
    Que dire de la ministre française qui proposait au Président déchu Zine El Abidine Ben Ali une «prestation sécuritaire» pour mater son peuple, quand une journée plus tard, le successeur de Bourguiba pliait bagages pour une aller sans retour ?
    Que dire également de cette proposition qui se faisant au nom de la France, quand on a fini par savoir qu’elle s’adressait à un chef d’Etat qui a régné sans partage durant 23 ans et qui est recherché avec sa femme et certains dignitaires qu’il protégeait pour vols, dilapidations et détournements de deniers publics ?
    CET «AMI FIDÈLE»
    Faut-il alors oublier et faire oublier les anciens amours où la cordialité de l’accueil, les échanges de visites d’Etat et tant d’autres manifestations d’amitié et de soutien traduisaient, au double sens du mot, une ignorance de la corruption, du népotisme et de tant d’injustice ? Le chef totalitaire avec lequel l’Occident a composé toutes ces années a cessé, le temps d’une révolution, d’être cet «ami fidèle», ce «grand président» qui a arrimé la Tunisie à la modernité.
    Aujourd’hui, il nous a été loisible d’observer, in vivo, le même phénomène à travers ce qui se passe en Egypte depuis mardi de la semaine écoulée où, successivement, au fur et à mesure du bras de fer opposant les forces de répression aux dizaines de milliers de manifestants, des déclarations émanant de capitales occidentales traduisaient leurs perceptions respectives de ce qui se passe en Egypte, en même temps qu’elles traduisaient une évolution de celles-ci qui semblent s’adapter au rapport de forces sur le terrain.
    La première déclaration de Barack Obama, dont l’un des effets a été de soutenir les places boursières, fut d’évoquer la relation de partenariat entre les USA et l’Egypte, en mettant en avant le fait que le président Hosni Moubarak jouait un rôle «très utile sur un éventail de questions difficiles au Proche-Orient». Cela suffisait-il à calmer la colère des manifestants qui huaient Moubarak et déchiquetaient ses portraits ? Des manifestants, frappés d’aphasie et de surdité communicationnelle, eux qui avaient d’ailleurs été coupés du monde sur décision présidentielle, la nuit de jeudi à vendredi, faisant du black-out survenu en Egypte l’un des plus importants dans l’histoire depuis l’avènement de l’Internet et de la téléphonie mobile.
    LES CONTRADICTIONS D’OBAMA
    Quand enfin Barack Obama décide de se montrer ferme, c’est à travers Hilary Clinton qu’il trouve les mots pour le faire, et qui s’accommode bien des contradictions qu’on lui trouvera à travers deux déclarations successives. Ainsi, au début des manifestations qui n’avaient pas encore l’ampleur révolutionnaire qu’on leur connaît depuis vendredi soir, Hilary Clinton disait de l’Egypte qu’elle était l’une des démocraties les plus stables du Moyen-Orient et un grand allié des Etats-Unis. Ce qui ne l’empêche pas de faire une déclaration qui infirme la première, en disant : «En tant que partenaires, nous croyons fermement que le gouvernement égyptien doit dialoguer immédiatement avec le peuple égyptien pour mettre en œuvre les réformes économiques, politiques et sociales nécessaires.» L’une des démocraties les plus stables au Moyen-Orient, a-t-elle besoin d’autant de réformes ? Et Barack Obama qui qualifiait Moubarak de partenaire, de hausser le ton, se transformant, le temps d’un message en instance hégémonique : «Je veux appeler très clairement les autorités égyptiennes à s’abstenir d’utiliser la violence contre les manifestants pacifiques. Le peuple égyptien a des droits qui sont universels.
    Cela inclut le droit de se réunir pacifiquement, le droit à la liberté d’expression et à la possibilité de choisir son propre destin, cela relève des droits de l’Homme.» Voilà déjà un discours d’après-Moubarak qui ménage aux USA une place crédible au sein du prochain gouvernement et qui permet de témoigner devant l’Histoire que les Américains peuvent soutenir certains régimes, mais qu’ils savent changer de camp quand il n’y a plus rien à sauver, même pas les apparences.
    Mais n’est-il pas vrai que le discours et l’attitude de Moubarak rappellent en tout, à ses dernières heures au pouvoir, celles de Ben Ali, lui qui confirme que les premières déclarations de ses partenaires américains sont de toute complaisance, en déclarant, après avoir dissous le gouvernement : «Il y aura de nouvelles mesures pour une justice indépendante, la démocratie, pour accorder davantage de liberté aux citoyens, pour combattre le chômage, améliorer le niveau de vie, développer les services et soutenir les pauvres» ?
    Ce phénomène d’ingérence dans les affaires internes des Etats, qui n’est en rien une prise de position humanitaire ou de démocrate soucieux du respect des droits universels, est une attitude hégémonique de la part de certaines puissances qui ont d’énormes intérêts à défendre dans les pays déstabilisés. D’où les déclarations timides au départ, voire parfois maladroitement anti-démocratiques, qui virent progressivement vers des positions plus tranchées, jusqu’à la contradiction. Ainsi, à partir de certaines capitales occidentales, on a assisté à un phénomène de «comptage des points» entre des manifestants qui semblent déterminés et un pouvoir qui refuse de partir.

    horizons
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