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“Alger, quand la ville dort”

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  • “Alger, quand la ville dort”

    Alger est un prétexte pour un exercice qui a inspiré six auteurs et deux photographes.


    Alger, quand la ville dort est un recueil de six nouvelles et d’une série de photographies qui mettent en scène des personnages complexes perdus dans une capitale qui vit le jour et exulte la nuit ; qui respire le jour et aspire la nuit ; qui rêve le jour et espère la nuit. Une ville qui a ses démons. Une ville où on se fait justice soi-même. Une ville avec beaucoup de silhouettes hagardes et perdues.
    Le tourbillon de la vie entraîne, puis emporte, les individualités complexes des six nouvellistes qui se montrent sans concession envers une ville qu’ils connaissent bien, et qui les connaît bien également. La transsexuelle Est-Ouest et le minotaure 504 de Kamel Daoud est la nouvelle qui inaugure ce recueil. Le trajet Alger-Oran se transforme en une séance de confidences. Le chauffeur de taxi se confie à un de ses clients, le narrateur, et procède à un parallèle entre Alger et la femme. Pour lui, Alger est la femme vénale, qui vous consume, vous aspire dans son tourbillon ; une véritable tornade qui ravage tout sur son passage.
    Dans Alger nombril du monde, Habib Ayyoub s’intéresse à l’enquête ultra-secrète de l’inspecteur Bolbol portant sur la disparition étrange de nombreuses personnalités politiques et de la jet-set. La plus longue nouvelle du recueil est écrite à la manière d’un polar, mais sans la tension rythmique de celui-ci, sans sagacité et avec peu d’imagination.
    L’auteur reprend de vieux clichés qui inspirent peu de choses, sinon de la lassitude. Kaouther Adimi s’interroge dans Le Sixième œuf sur l’autre opium des peuples : le football. Pourquoi une famille composée de cinq membres achèterait-elle six œufs chaque jour ? Pour qui est destiné le sixième œuf ? Voilà ce qui intrigue tant le narrateur de cette nouvelle. Il est pour la ville, lui dit sa mère. Pour Alger. Mais quel rôle peut-il bien jouer ? En rappelant un épisode douloureux et jubilatoire de notre histoire (la campagne de qualification de la Khadra pour la Coupe du monde 2010), Kaouther Adimi offre un ballon de football à Alger. Le sixième œuf. Si elle écrit comme elle parle, la jeune auteure a su choisir son thème. Chawki Amari peint dans L’Homme sans ailes, des personnages sans espoirs, des “oubliés de l’histoire”.
    Prostitution, viol, suicide et meurtre sont au centre de cette nouvelle qui tient en haleine. L’auteur qui maîtrise l’art de la nouvelle, et comme chaque fois nous entraîne dans son univers en se jouant du temps et des évidences. Hajar Bali s’intéresse dans, les Chiens errants, à Seif et Malika, deux êtres que tout oppose, que le hasard unit et que la vie désunit. La fragilité qui habite les personnages de cette nouvelle se marie joliment avec l’écriture de Hajar Bali, pleine d’empathie. Pour Ali Malek, les apparences sont souvent trompeuses et la pudibonderie n’existe pas. Chacun à ses démons et c’est ce qu’il nous montre dans sa nouvelle La Dernière Course. Ammi Arezki, chauffeur de taxi, est un homme bien en apparence. Pourtant, au fil des pages, l’intrigue avance et Ammi Arezki se révèle un homme avec beaucoup trop de vices. Ses victimes deviennent bourreaux et la donne s’inverse. On retrouve l’écriture efficace d’Ali Malek, pleine de sincérité et compassion pour ses personnages. Sid Ahmed Semiane propose avec Des Nuits dans mon rétroviseur, une nouvelle sur la désillusion à travers l’histoire de Nanouk, un clandestin qui travaille la nuit et avec une seule cliente, Abla.
    Le narrateur-personnage se confesse et confie même qu’il rêve de devenir le Antar de cette Abla. Nanouk décrit les habitants de sa ville, décrit son monde. Parfois, “il invente de la morale dans l’immorale, de la vertu dans le vice”. Par ailleurs, les six nouvellistes décrivent Alger du point de vue de leur personnage. Ils ne donnent à aucun moment la parole à cette ville qu’ils habitent et qui les possède.
    Les auteurs expriment des amours déçues et dépeignent une génération blasée qui n’a même pas eu le temps de croire en quelque chose et de se retrouver désenchantée. Toutefois, on découvre davantage Alger à travers les photographies, magnifiques, de Nasser Medjkane et Sid Ahmed Semiane.

    Alger, quand la ville dort, de Habib Ayyoub, Kamel Daoud, Chawki Amari, Kaouther Adimi, Sidi Ahmed Semiane, Ali Malek, Hajar Bali et Nasser Medjkane. Recueil de nouvelles, 176 pages, éditions Barzakh, novembre 2010, 600 DA.



    Liberté, 1 février 2011.

    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.
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