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Ruse de dictateur : transformer une révolution en une émeute

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  • Ruse de dictateur : transformer une révolution en une émeute

    Avec Benali, nous avons appris qu'un dictateur pouvait tuer son peuple pour garder un pays dans sa bouche. Avec Moubarak, on vient d'apprendre comment on fait pour casser une révolution. Les images de Moubarak réunissant ses généraux et son conseil de guerre, impassible devant un peuple qui le vomit et lançant ses avions de chasse dans les cieux du Caire, donnaient l'impression que l'Egypte était envahie, était en guerre, voulait soi-disant libérer la Palestine ou secourir les Tchétchènes, alors qu'il s'agissait des Egyptiens et pas d'une ennemi extérieur. Un dictateur en guerre contre les siens!

    Pour le reste, la leçon est énorme pour les peuples futurs : il y a des techniques pour casser une révolution après avoir coupé Internet, le téléphone et avoir chassé El Jazeera.

    La première est de la transformer en émeute. Lâcher les prisonniers de droit commun, la «racaille» et les casseurs pour «dégrader» le sens de la contesta, «fixer» les manifestants chez eux, dans leurs quartiers, et les obliger à défendre leurs maisons et pas le pays, créer la peur, installer le chaos et déstabiliser la classe moyenne par la crainte de l'invasion barbare interne. En seconde phase, lancer les chiens médiatiques pour déplacer le centre de la contestation vers la demande de l'ordre, c'est-à-dire celui du dictateur. En trois, mettre en orbite des slogans genre «non à la destruction de l'Egypte», comme si la révolution était un mouvement de voleurs et de casseurs, et fabriquer ensuite une culpabilité collective pour se présenter, très vite, en sauveur. En quatrième phase, offrir des sièges au Parlement (révision juridique des recours) à l'opposition des Frères musulmans pour la domestiquer et couper ses troupes des troupes de la révolution. En dernière phase, appeler les élites organiques de soutien, les acteurs, les chanteurs et les quelques intellectuels serviles pour se lamenter sur le sort de l'Egypte, sur «un désordre qu'elle ne mérite pas» et sur la solidarité de tous face au nouvel ennemi en préfabriqué : le voleur/casseur/agresseur. La dernière phase consiste à «pourchasser» les hors-la-loi, c'est-à-dire les «barbares», mais en étendant le délit aux manifestants et opposants, déjà confondus dans les esprits avec les voleurs et donc déjà inculpés, jugés pour crime de chaos.

    Le dictateur du Caire vient donc de démontrer que tout est permis pour «garder» un pays sous une botte. Tous les moyens. Toutes les méthodes. Dans le cas de l'Egypte, tout va se jouer dans les prochains jours et par la technique de l'usure. Les Egyptiens auront le choix de céder au traumatisme du chaos fabriqué de toutes pièces, ou de continuer en provoquant un effet d'entraînement sur les passifs. Dans le premier cas (celui de la réédition), une bonne partie des manifestants le payeront très cher après la chute de leur audimat et de l'attention des médias internationaux. Dans le second, ils risquent de précipiter le basculement du système vers la solution «Moubarak out pour sauver le système Moubarak», comme on a tenté de le faire en Tunisie les premiers jours après Benali.

    Tout cela pour dire que la liberté n'est pas l'affaire d'une semaine, mais d'une longue vigilance et d'une profonde intelligence de maquis. Les dictatures dans le monde arabe ont presque tout de leur côté : les armes, les médias, le soutien des autres dictateurs, les intérêts occidentaux et l'alliance stratégique avec la plèbe contre le peuple. Presque tout donc de leur côté, sauf une chose ou deux : le temps et le rêve. Les dictateurs ne rêvent pas et ont tous un tic-tac à la place du cœur et de la montre. Ils finissent tous par tomber, car ils n'ont pas les pieds sur terre mais sur nos échines.

    Kamel Daoud
    Quotidien d'Oran
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

  • #2
    Excellente synthèse et conclusion très pertinente:
    Tout cela pour dire que la liberté n'est pas l'affaire d'une semaine, mais d'une longue vigilance et d'une profonde intelligence de maquis. Les dictatures dans le monde arabe ont presque tout de leur côté : les armes, les médias, le soutien des autres dictateurs, les intérêts occidentaux et l'alliance stratégique avec la plèbe contre le peuple. Presque tout donc de leur côté, sauf une chose ou deux : le temps et le rêve. Les dictateurs ne rêvent pas et ont tous un tic-tac à la place du cœur et de la montre.
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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    • #3
      Excellent !!
      Rebbi yerrahmek ya djamel.
      "Tu es, donc je suis"
      Satish Kumar; "Tout est lié, c'est le don qui est le lien naturel entre tout".

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      • #4
        Je trouve l'idée de "couper" internet, et ses réseaux sociaux, les mobiles, ainsi que el jazeera, est une grosse erreur des décideurs égyptiens;

        Il ne reste rien dans les foyers des égyptiens qui puisse les retenir pour ne pas manifester....Internet à lui seul aurait pu garder un grand nombre de manifestants chez eux.

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        • #5
          Gros dilemme pour le sieur Moubarak et sa hachiya.
          Dans de telles circonstances, tout ce qu'il fait, peut facilement se retourner contre lui.
          "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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          • #6
            Entre autres diviser pour régner, ces stratagèmes sont étudiés par le système en amont et en aval, les fameux plans on commence par le A, si ça foire, il faut passer au plan B et ainsi de suite... ça passe ou ça casse.
            Dernière modification par RoboCop, 01 février 2011, 16h44.
            Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay

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            • #7
              Excellent tout ce qui a été dit jusqu'ici...c'est pourquoi je garderai le silence.

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              • #8
                La clé du mystère dans les contestations populaires, si l'armée qui a un role capital dans ces pays accepte de jouer la neutralité, à savoir ne pas couvrir le dictateur et ne pas vouloir récupérer le pouvoir, le système qui dirige avec une main de fer tombera comme un chateau de cartes et le peuple sera sauvé, en lui évitant un bain de sang.
                Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay

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                • #9
                  @Moubarak est il maitre de ses décisions ou lui sont-elles dictées par les USA et Israel en tête?

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                  • #10
                    L'article sied bien avec le cas algérien, si nous faisons un retour aux années de sang on remarque que la réussite des dictateurs a été sidérante.
                    وإن هذه أمتكم أمة واحدة

                    Commentaire


                    • #11
                      L'article sied bien avec le cas algérien, si nous faisons un retour aux années de sang on remarque que la réussite des dictateurs a été sidérante.
                      Avec Aljazeera sur place à l'époque ça aurait été une toute autre histoire. Malheureusement la chaîne à été crée en 6 ans trop tard. Des 150 000 morts le chiffre serait peut être tombé à 200 maximum comme en Tunisie et en Égypte.

                      Ce n'est pas à la lumière du jour que les voleurs et les tueurs accomplissent leurs forfaits, mais quand la lumière est éteinte.

                      Moubarak est il maitre de ses décisions ou lui sont-elles dictées par les USA et Israel en tête?
                      Si L'Égypte se trouvait en Australie Moubarak serait sûrement parti juste après son discours.

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                      • #12
                        la liberté est une question de transparence et de prise de position, mais aussi d'indépendance de la justice, quand on regarde le nombre d'affaires de corruption étalées dans les journaux sans pour qu'il y est des poursuites, on ne dout pas s'étonner de tout ce qui se passe aujours'hui

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                        • #13
                          Avec Aljazeera sur place à l'époque ça aurait été une toute autre histoire.
                          Les journalistes d'El jazeera auraient été tous assassinés par des groupuscules bizarroïdes œuvrant pour une cause abracadabrante. Non, la brutalité des responsables algériens (cabinet noir) de l'époque équivaut à la psychopathie.
                          وإن هذه أمتكم أمة واحدة

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                          • #14
                            L'armée n'est jamais étanche à tout ce qui travaille la société dans son ensemble. Si la contestation populaire est assez forte, l'armée se trouve dans l'obligation de prendre position contre ou en faveur du camp de la contestation populaire.

                            Ce n'est pas l'armée qui a renversé le régime Ben Ali en Tunisie. Ce sont les manifestants qui ont amené l'armée à faire pencher, à un moment donné, la balance en leur faveur et contre le régime. Il revient maintenant au camp de la contestation de savoir répondre à la question: "c'est quoi la suite?", pour éviter la confiscation de la révolution.
                            "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                            • #15
                              Dans la contre-révolte les décideurs de l'armée algérienne (quelques-uns) se mêlent des affaires, ils sont le problème. Ils opèrent à la manière de Pablo Escobar et autres nababs de la drogue. Ils agissent tels des ''serial killer'', on l'a vu pendant la décennie rouge.
                              La Tunisie a une petite armée tenue à l'écart de la politique.
                              L'armée égyptienne participe à la vie économique, elle a même des compagnies cotées en bourse, donc elle agit en tant qu'agent économique et n'aime pas les troubles, comme tout investisseur.
                              La notre, Ayayaye ... c'est le pouvoir.
                              وإن هذه أمتكم أمة واحدة

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