Sociétés et économies rurales des pays du Maghreb
30 janvier 2011
Les politiques agricoles et rurales des pays du Maghreb ne peuvent être évaluées sans examen des trajectoires historiques de chacune des sociétés rurales.
Un changement social historique majeur: l’urbanisation
Le fait urbain a pris une ampleur sans précédent. Les pays du Maghreb ont enregistré au cours des quatre dernières décennies un processus accéléré d’exode rural et agricole, sans pour autant que la population des campagnes ne diminue d'ailleurs en valeur absolue. La répartition de la population entre urbain et rural a été radicalement bouleversée et le taux d’urbanisation est aujourd’hui supérieur à 50 % dans les trois pays du Maghreb.
EnAlgérie,le renversement de tendance historique a eu lieu au milieu des années 1980. La population rurale qui représentait encore en1966 plus des 2/3 de la population (68,6%) est ainsi descendue à 49,7 % en 1987 et à 39% en 2005.
La répartition de la population en Tunisiea été quant à ellebouleversée après l’indépendance (1956). Dans la Tunisie actuelle, deux personnes sur trois vivent désormais en milieu urbain.
C’est au cours de la décennie 2000 que le Maroc amorce à son tour un retournement historique dans la répartition de sa population. La population urbaine n’a atteint le taux de 55% qu’au dernier recensement de 2004 contre moins de 30% en 1960[4].
Cependant, si l’urbanisation progresse partout, de façon plus ou moins rapide, la population rurale continue d’augmenter car le croît naturel est supérieur à l’exode rural. C’est le taux de croissance naturelle, proche de 1%, et non le solde migratoire comme on l’observe aujourd'hui en Europe, qui alimente cette croissance démographique soutenue dans les zones rurales.
En même temps que l'urbanisation progresse, les campagnes sont plus pauvres que les villes. Les communes rurales enregistrent les plus faibles taux de scolarisation des enfants et les plus forts taux d’analphabétisme des adultes. Le déficit d’accès aux services de base pour les populations dites éparses ainsi que le fonctionnement aléatoire des infrastructures excluent de fait les populations des facteurs de progrès[5].
La pauvreté et la précarité sociale et économique dans les campagnes du Maghreb sont les indicateurs d’une crise des sociétés et des agricultures, impuissantes à procurer des emplois et des revenus suffisants aux populations rurales. Dès lors, l’on ne peut appréhender la nature de la ruralité dans ces pays sans prendre en compte le poids économique et social de l’agriculture.
L’agriculture : un poids écrasant dans les économies nationales et le monde rural
La part relative du PIB agricole dans les économies nationales est en moyenne cinq à sept fois plus grande dans les pays du Maghreb que dans l’Union Européenne.
En Algérie, si l’activité économique reste dominée par le secteur des hydrocarbures ( 48% du PIB en 2009), l’agriculture participe pour 12,5 % à la création de richesse, en moyenne annuelle sur la période 1989-2000 et plus de 52,5 % des valeurs ajoutées brutes (VAB) créées par les activités productives (hors secteurs des hydrocarbures). Si l’agriculture ne représente qu’une part négligeable des exportations (moins de 0,5 %) ; à l’inverse les importations des produits agricoles et alimentaires représentent en moyenne, au cours de ces cinq dernières années, près du cinquième (20 %) des importations du pays.
La population active agricole est estimée par l’Office National des Statistiques (2009) à 13,1%. La population agricole, reste très importante au sein des zones rurales (près de 40%)[6].
Au Maroc, l’agriculture participe à la formation du PIB à hauteur de 16 % en moyenne, mais avec des variations très importantes (12 à 24 %) selon les fluctuations climatiques annuelles. En outre, elle contribue pour près de 20% aux exportations (19,2% (CNDA ; 2006)[7]. La population active compte 4 M d’actifs agricoles soit 42% de la population active totale et 80% de la population rurale (18 M de ruraux) est composé de ménages agricoles. . L’agriculture procure au Maroc, près deux tiers (65%) des revenus ruraux[8].
Enfin en Tunisie, le secteur agricole contribue à 12 % en moyenne au PIB, accueille 16 % de la main-d’œuvre et procure 10% des recettes totales d'exportation. Dans ce pays, le secteur de l’agriculture est le principal gisement d’emplois du monde rural. Il représente 43 % de l'emploi en milieu rural et semi-rural, taux supérieur à ceux des secteurs « bâtiments et travaux publics » (31,5 %) ou « services et autres » ( 25,1 % )[9].
Des performances agricoles réelles mais insuffisantes au regard des besoins
Les performances réalisées au cours de ces quarante dernières années par le secteur agricole sont mitigées. Les surfaces irriguées ont progressé dans tous les pays, en particulier au Maroc.
Les productions de fruits et de légumes, de fourrages, de viandes et de lait ont doublé sinon triplé dans tous les pays du Maghreb.
Plus globalement, les taux de croissance annuels de la production agricole ont été positifs tout au long de la période 1970-1990. Ils ont enregistré des baisses au cours de la décennie 1990-2000, sous l’effet d’accidents climatiques (sécheresses récurrentes) mais aussi de baisses d’investissements publics agricoles consécutifs aux plans d’ajustement structurel. A titre d’exemple, la croissance de la production agricole au Maroc, est passée d’un taux annuel moyen de 10,6% entre 1985 et 1991 à un taux de 0,27% entre 1991 et 2004 (Méditerra, 2009).
Les performances ont été obtenues au prix d’une exploitation intensive des ressources naturelles dans les zones favorables mais aussi d’une mise en valeur réalisée dans les zones difficiles (Sud) au moyen de subventions et d’incitations économiques (prêts bonifiés, octroi de matériels et d’intrants) La valeur des produits offerts sur les marché n’intègrent pas les externalités et ne reflète par la valeur des ressources naturelles utilisées.
Les nouvelles techniques d’exhaure des eaux superficielles ou des nappes profondes (groupes moto pompes ou forages) ont autorisés une exploitation inédite des ressources en eau. Les bilans établis aujourd’hui dans les trois pays soulignent les risques d’une pression croissante sur leurs capacités de reproduction. Au Maroc, cinq (5) bassins hydrauliques sur les huit (8) que compte le pays sont en stress hydrique et les aquifères côtières sont gravement menacés (Aït El Kadi, Benoit ; 2010). L’insuffisance des ressources hydriques ne permettent pas d’aller au-delà d’un million d’hectares irrigués en Algérie et de 1,5 millions d’ha au Maroc En d’autres termes, la durabilité des ressources naturelles, leur préservation ou leur mode d’exploitation reste une question majeure.
Dans les trois pays du Maghreb, les hausses ont été partout plus modestes pour les productions de céréales et de légumineuses. La production céréalière, principal vecteur de la sécurité alimentaire dans les pays de la région reste fortement dépendante des conditions climatiques. Les variations d’une année à l’autre sont fortes, comme l’illustre les dernières campagnes agricoles où les récoltes ont été de deux à trois plus importantes en volume entre l’année 2008 et l’année 2009[10]. Le déficit de produits de base (blé, lait ou dérivés, huiles alimentaires ou sucre) se traduit par des importations qui grèventla balance commerciale agricole, négative dans les trois pays[11]. Les rendements de blé restent dans l’ensemble faibles (de l’ordre de 10 quintal/ha en moyenne) et les importations de blé représentent partout le principal poste dans les importations alimentaires.
Globalement, les productions agricoles sont entravées par des contraintes résultant des structures des exploitations agricoles.
maghrebemergent
30 janvier 2011
Les politiques agricoles et rurales des pays du Maghreb ne peuvent être évaluées sans examen des trajectoires historiques de chacune des sociétés rurales.
Un changement social historique majeur: l’urbanisation
Le fait urbain a pris une ampleur sans précédent. Les pays du Maghreb ont enregistré au cours des quatre dernières décennies un processus accéléré d’exode rural et agricole, sans pour autant que la population des campagnes ne diminue d'ailleurs en valeur absolue. La répartition de la population entre urbain et rural a été radicalement bouleversée et le taux d’urbanisation est aujourd’hui supérieur à 50 % dans les trois pays du Maghreb.
EnAlgérie,le renversement de tendance historique a eu lieu au milieu des années 1980. La population rurale qui représentait encore en1966 plus des 2/3 de la population (68,6%) est ainsi descendue à 49,7 % en 1987 et à 39% en 2005.
La répartition de la population en Tunisiea été quant à ellebouleversée après l’indépendance (1956). Dans la Tunisie actuelle, deux personnes sur trois vivent désormais en milieu urbain.
C’est au cours de la décennie 2000 que le Maroc amorce à son tour un retournement historique dans la répartition de sa population. La population urbaine n’a atteint le taux de 55% qu’au dernier recensement de 2004 contre moins de 30% en 1960[4].
Cependant, si l’urbanisation progresse partout, de façon plus ou moins rapide, la population rurale continue d’augmenter car le croît naturel est supérieur à l’exode rural. C’est le taux de croissance naturelle, proche de 1%, et non le solde migratoire comme on l’observe aujourd'hui en Europe, qui alimente cette croissance démographique soutenue dans les zones rurales.
En même temps que l'urbanisation progresse, les campagnes sont plus pauvres que les villes. Les communes rurales enregistrent les plus faibles taux de scolarisation des enfants et les plus forts taux d’analphabétisme des adultes. Le déficit d’accès aux services de base pour les populations dites éparses ainsi que le fonctionnement aléatoire des infrastructures excluent de fait les populations des facteurs de progrès[5].
La pauvreté et la précarité sociale et économique dans les campagnes du Maghreb sont les indicateurs d’une crise des sociétés et des agricultures, impuissantes à procurer des emplois et des revenus suffisants aux populations rurales. Dès lors, l’on ne peut appréhender la nature de la ruralité dans ces pays sans prendre en compte le poids économique et social de l’agriculture.
L’agriculture : un poids écrasant dans les économies nationales et le monde rural
La part relative du PIB agricole dans les économies nationales est en moyenne cinq à sept fois plus grande dans les pays du Maghreb que dans l’Union Européenne.
En Algérie, si l’activité économique reste dominée par le secteur des hydrocarbures ( 48% du PIB en 2009), l’agriculture participe pour 12,5 % à la création de richesse, en moyenne annuelle sur la période 1989-2000 et plus de 52,5 % des valeurs ajoutées brutes (VAB) créées par les activités productives (hors secteurs des hydrocarbures). Si l’agriculture ne représente qu’une part négligeable des exportations (moins de 0,5 %) ; à l’inverse les importations des produits agricoles et alimentaires représentent en moyenne, au cours de ces cinq dernières années, près du cinquième (20 %) des importations du pays.
La population active agricole est estimée par l’Office National des Statistiques (2009) à 13,1%. La population agricole, reste très importante au sein des zones rurales (près de 40%)[6].
Au Maroc, l’agriculture participe à la formation du PIB à hauteur de 16 % en moyenne, mais avec des variations très importantes (12 à 24 %) selon les fluctuations climatiques annuelles. En outre, elle contribue pour près de 20% aux exportations (19,2% (CNDA ; 2006)[7]. La population active compte 4 M d’actifs agricoles soit 42% de la population active totale et 80% de la population rurale (18 M de ruraux) est composé de ménages agricoles. . L’agriculture procure au Maroc, près deux tiers (65%) des revenus ruraux[8].
Enfin en Tunisie, le secteur agricole contribue à 12 % en moyenne au PIB, accueille 16 % de la main-d’œuvre et procure 10% des recettes totales d'exportation. Dans ce pays, le secteur de l’agriculture est le principal gisement d’emplois du monde rural. Il représente 43 % de l'emploi en milieu rural et semi-rural, taux supérieur à ceux des secteurs « bâtiments et travaux publics » (31,5 %) ou « services et autres » ( 25,1 % )[9].
Des performances agricoles réelles mais insuffisantes au regard des besoins
Les performances réalisées au cours de ces quarante dernières années par le secteur agricole sont mitigées. Les surfaces irriguées ont progressé dans tous les pays, en particulier au Maroc.
Les productions de fruits et de légumes, de fourrages, de viandes et de lait ont doublé sinon triplé dans tous les pays du Maghreb.
Plus globalement, les taux de croissance annuels de la production agricole ont été positifs tout au long de la période 1970-1990. Ils ont enregistré des baisses au cours de la décennie 1990-2000, sous l’effet d’accidents climatiques (sécheresses récurrentes) mais aussi de baisses d’investissements publics agricoles consécutifs aux plans d’ajustement structurel. A titre d’exemple, la croissance de la production agricole au Maroc, est passée d’un taux annuel moyen de 10,6% entre 1985 et 1991 à un taux de 0,27% entre 1991 et 2004 (Méditerra, 2009).
Les performances ont été obtenues au prix d’une exploitation intensive des ressources naturelles dans les zones favorables mais aussi d’une mise en valeur réalisée dans les zones difficiles (Sud) au moyen de subventions et d’incitations économiques (prêts bonifiés, octroi de matériels et d’intrants) La valeur des produits offerts sur les marché n’intègrent pas les externalités et ne reflète par la valeur des ressources naturelles utilisées.
Les nouvelles techniques d’exhaure des eaux superficielles ou des nappes profondes (groupes moto pompes ou forages) ont autorisés une exploitation inédite des ressources en eau. Les bilans établis aujourd’hui dans les trois pays soulignent les risques d’une pression croissante sur leurs capacités de reproduction. Au Maroc, cinq (5) bassins hydrauliques sur les huit (8) que compte le pays sont en stress hydrique et les aquifères côtières sont gravement menacés (Aït El Kadi, Benoit ; 2010). L’insuffisance des ressources hydriques ne permettent pas d’aller au-delà d’un million d’hectares irrigués en Algérie et de 1,5 millions d’ha au Maroc En d’autres termes, la durabilité des ressources naturelles, leur préservation ou leur mode d’exploitation reste une question majeure.
Dans les trois pays du Maghreb, les hausses ont été partout plus modestes pour les productions de céréales et de légumineuses. La production céréalière, principal vecteur de la sécurité alimentaire dans les pays de la région reste fortement dépendante des conditions climatiques. Les variations d’une année à l’autre sont fortes, comme l’illustre les dernières campagnes agricoles où les récoltes ont été de deux à trois plus importantes en volume entre l’année 2008 et l’année 2009[10]. Le déficit de produits de base (blé, lait ou dérivés, huiles alimentaires ou sucre) se traduit par des importations qui grèventla balance commerciale agricole, négative dans les trois pays[11]. Les rendements de blé restent dans l’ensemble faibles (de l’ordre de 10 quintal/ha en moyenne) et les importations de blé représentent partout le principal poste dans les importations alimentaires.
Globalement, les productions agricoles sont entravées par des contraintes résultant des structures des exploitations agricoles.
maghrebemergent
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