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Ahlam Mostaghanemi

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  • Ahlam Mostaghanemi

    «Assia Djebbar n’est pas représentative de la société algérienne»


    «Le problème de nos écrivains francophones, c’est qu’ils font trop de calculs.»


    Elle est l’écrivaine la plus lue dans le monde arabe. Ahlam Mosteghanemi est née en 1954. Elle a étudié la littérature arabe à l’Université d’Alger, puis à la Sorbonne où elle a obtenu un doctorat en 1982. Ses romans comme La mémoire de la chair, Passager d’un lit, L’anarchie des sens sont célèbres dans tout le monde arabe. Dans l’entretien qui suit, la romancière revient aussi bien sûr son parcours que sur le paysage littéraire en Algérie et dans le monde arabe.

    L’Expression: De la poésie au roman, n’est-ce pas un acte de rébellion ou une régression vers un degré normatif de l’écriture?

    Ahlam Mostaghanemi: Je ne saurais pas vous dire. C’est peut-être une trahison. Je crois que c’est ça. La poésie (Echiîr) en arabe c’est masculin. Pour moi, c’est presque une relation amoureuse. La poésie est un amant. Un amant jaloux qui refuse de me partager avec quelqu’un d’autre. Mais il fallait choisir : soit être poète ou m’occuper de mes enfants. La vie conjugale m’a éloignée de la poésie. J’étais attelée à la charrette du mariage, de la maternité et j’ai trahi la poésie. Je l’ai trahie en me mariant, je l’ai trahie en devenant mère, je l’ai trahie avec le roman et la poésie m’a trahie aussi. Je pense que la poésie est un trône lourd à porter. Il y a beaucoup de choses que j’aurais pu rater dans la vie si je n’étais que poète.

    A la lecture des vos romans, on a cette impression que vous avez suivi le même cheminement que celui de Malek Haddad, votre re-père...

    C’est vrai. J’ai introduit la poésie dans le roman. Pour moi le roman était un prétexte pour surpasser la poésie. Là, je me retrouve de nouveau poète, même si je me refuse ce qualificatif. Je préfère entendre les autres me le dire, que de le prétendre moi-même.
    J’essaie de revenir cependant à cet art, tout doucement, car la poésie est un état d’âme. Je trouve qu’il est beaucoup plus simple d’écrire un roman dans le style poétique que d’écrire de la poésie pure. D’ailleurs, mes romans je les travaille comme s’il s’agissait d’un long poème. Il faut faire appel à de belles phrases, à de belles images. Aussi, la vraie écriture littéraire, c’est celle qui se base sur l’idée, la philosophie, l’histoire...

    Revenons maintenant aux titres de vos romans, particulièrement à votre trilogie: Passager d’un lit, L’anarchie des sens et La mémoire de la chair. En mettant le corps en valeur, n’est-ce pas là une forme de révolte contre l’Autre?

    Au début, alors que j’étais jeune, j’ai écrit par provocation. C’est des titres provocateurs. Un titre comme L’écriture dans un moment de nudité était scandaleux. Il fallait non seulement le trouver mais oser l’écrire. C’est le cas aussi du roman Le passager du lit. Quand j’étais jeune, c’est vrai, je le faisais pour provoquer, mais maintenant ce n’est plus le cas. Actuellement, c’est le roman lui-même qui m’inspire le titre. Ce n’est qu’à la fin de l’histoire que j’en trouve. En ce qui concerne La mémoire de la chair, le livre était interdit dans plusieurs pays arabes et pendant plusieurs années. Il l’est encore dans certains pays comme l’Arabie Saoudite. Et le malheur, c’est que ces gens-là ne se sont même pas donné la peine de le lire. Ces gens ont peur des mots mais pas du corps. Et le corps lui-même, en tant qu’expression, il leur fait peur. Il fallait donc les secouer pour qu’ils se réveillent.

  • #2
    Votre roman La mémoire de la chair, vous le dédiez à Malek Haddad en écrivant: «Haddad est un martyr aimant de la langue arabe». Comment voyez vous l’avenir de l’écriture en langue française en Algérie? Et croyez vous, comme certains, que la langue de l’écriture peut ne pas répercuter la réalité sociale d’un peuple?

    Je crois que la littérature d’expression française en Algérie a un très bel avenir devant elle. C’est pour cela que j’essaie d’aider plutôt les écrivains arabophones. Vous savez, je n’ai rien contre les auteurs francophones. Ce qui importe ce n’est pas la langue qu’on écrit, mais la cause qu’on défend. Ce qui me fait mal, ce sont ceux qui écrivent dans le seul but de vendre une littérature exotique. Malek Haddad quand il a écrit en français, c’était pour défendre l’Algérie. Ce qu’il écrivait était une lettre ouverte pour la France. Il voulait leur prouver que le petit et sale Arabe pouvait faire de la belle littérature. Et puis vous savez, la langue française va être sauvée par les francophones et non par les Français. Ceux qui écrivent en langue française veulent prouver qu’ils peuvent maîtriser la langue française à la perfection, voire mieux que les Français eux-mêmes. La chanson française n’a pas été portée au firmament par les Français mais par les étrangers, à l’instar de Dalida, Charles Aznavour, Jacques Brel...
    Mais ça n’est pas mon problème. Il est vrai que je porte beaucoup de sympathie pour la langue française, parce que j’ai vécu en France, j’ai pratiqué cette langue et puis il m‘arrive souvent de penser dans cette langue. Ce qui fait mal, ce sont ces écrivains qui mettent leurs plumes au service de leurs lecteurs. C’est qu’on ne peut pas écrire si on est condamné à faire ce qui plaît aux autres. Je ne veux pas de cette gloire que de n’être lu qu’en France quoique mon roman La mémoire de la chair a été traduit et édité chez Albin Michel et bientôt il sera disponible en format poche. Croyez-moi, je n’ai même pas fait sa promotion. Ça fait deux mois que mon livre est sorti, qu’on me prie pour me rendre en France mais je n’y suis pas encore rendue.
    C’est pas ça qui fait ma joie. D’autant plus que je sais que ceux qui ont lu le roman en langue française ce sont des Algériens francophones. Vous savez, Albin Michel a acheté les droits de m’éditer de l’Université américaine du Caire. Ils voulaient savoir ce que les Arabes lisent. Savoir ce que la romancière la plus lue, écrit. Ça pourrait être fait par la CIA (rires) pour avoir une idée sur le lecteur arabe. Parce que, sincèrement, mes livres sont les plus lus dans les prisons israéliennes ainsi que dans leurs barrages. Si donc je commence à écrire en pensant au lecteur, je serais obligée de me censurer, d’effacer une phrase pour gagner la sympathie de celui-là, ajouter une formule pour ne pas perdre celui-ci...Quand j’écris, je ne le fais que pour moi-même. Je n’écris que ce que j’aime, ce que j’aurais aimé lire et je fais ce qui me ressemble. Je laisse vraiment mes empreintes.

    Vous revenez donc à l’Immortalité, au sens de Kundera...

    Pas vraiment. L’immortalité n’est rien pour les Arabes. Et je n’aspire pas à ça. La vie est plus belle que la statue. Je veux la vie, je ne veux pas la statue. Quand je ne ferais plus partie de ce monde, je n’existerais donc plus. Mais je veux que mes idées vivent. J’espère qu’il y aura quelqu’un qui défendra mes idées comme je suis en train de défendre celles de Malek Haddad. Mais si je défends mon nom je n’irai pas loin. Le problème de nos écrivains francophones, c’est qu’ils font trop de calculs. Au début, ils sont honnêtes, mais plus ils avancent en célébrité plus leur crédibilité recule. Ils ne sont plus eux-mêmes. Aussi, il arrive un moment où ils ne représentent plus rien. L’exemple le plus apparent est celui de Assia Djebbar, je suis désolée de la nommer. Elle ne représente plus l’Algérie. Pour elle, l’image de la femme algérienne n’a pas évolué. Elle est toujours telle qu’elle l’avait décrite dans les années cinquante. Malheureusement, c’est cette image médiocre que les Européens nous demandent de brosser. L’Université de Berkeley, aux Etats-Unis m’a invitée à un colloque qui se tiendra les 20 et 21 du mois en cours pour donner une conférence. On m’a demandé d’aller parler de la femme algérienne. Ils veulent avoir une autre image que celle que leur donne Assia Djebbar. Il faut qu’on leur donne cette image de la femme algérienne qui se bat, qui milite, qui croise le fer avec tous ceux qui tentent de la réduire au silence et ceux qui veulent, par tous les moyens, lui imposer l’omerta. Il faut donc défendre cette nouvelle littérature, cette nouvelle société. Et moi toute seule, je ne puis rien faire. Il faut qu’on soit nombreux pour faire face à cette vague dangereuse qui s’abat sur nous. Nous sommes tous responsables de cette image.

    Lors de la parution de votre roman L’anarchie des sens, certains critiques arabes t’ont accusée de plagiat. Ceux-ci affirment que ce livre a été, en fait, écrit par le poète irakien Saadi El Youssef.

    C’est devenu comme une habitude de piétiner et de marcher sur les nouveaux talents. C’est bas ce qui arrive dans les pays arabes. Lorsque j’avais lu ces déclarations je n’arrivais pas à croire mes yeux. Mais le pire dans l’histoire, c’est que le poète en question n’a pas daigné démentir ce qui se rapporte dans la presse arabe. Néanmoins, pour moi, le dossier est clos ; je ne veux plus y revenir.
    Et les romans que j’ai écrits par la suite sont venus comme pour me défendre. C’est une confirmation que je n’ai plagié personne. En dépit de tout ce qui s’est passé, on n’a pas arrêté d’éditer et de distribuer mes livres. La mémoire de la chair en est à sa vingt-deuxième édition, Le désordre des sens en est à sa dix-septième, Le passager du lit il en a été vendu, jusqu’à présent, près de 80.000 exemplaires.

    Concernant l’adaptation au petit écran de votre roman La mémoire de la chair, où en est-on?

    Pour le moment, nous sommes très en retard. Cela est dû au décès du premier scénariste Ghassan Zemal. J’ai donc fait appel à un autre. Cela a retardé un petit peu l’avancement du feuilleton.
    Il est vrai que le film devra être prêt au mois de Ramadhan, mais je ne suis pas prête à verser dans la médiocrité d’autant plus qu’il m’a nécessité un budget colossal.
    Pour le moment, on travaille sur la période 1945 ; c’est une période très riche en événements. Elle est d’autant plus riche qu’elle a occupé quinze épisodes. Et j’ai vraiment insisté à ce qu’elle soit apparente dans le feuilleton. Je veux que ce film soit un document historique. Il faut que le monde arabe connaisse cette période douloureuse de l’histoire d’Algérie. C’est en effet par le cinéma, plus que par le livre d’histoire, qu’on assimile le mieux l’histoire d’un pays. Dans ce feuilleton, on s’est étalé sur la vie des personnages, comme c’est le cas de Si Tahar, Khaled. Je vais essayer, pour compléter, de contacter les figures historiques qui ont participé à la guerre de Libération nationale, à l’instar de Abdelhamid Mehri, Réda Malek, Ali Kafi. Je citerais idem l’Association des oulémas musulmans...
    Néanmoins, je veux insister sur une chose qui m’a vraiment fait mal, c’est le désengagement de l’ambassadeur d’Algérie en Jordanie. J’ai essayé de le contacter à plusieurs reprises, mais mes doléances sont restées sans suite. Il n’a même pas daigné me répondre. Vous vous imaginez que ça vient de la part du représentant officiel de mon pays en Jordanie ! Il se fout éperdument qu’on fasse ou pas un travail cinématographique traitant de la guerre d’Algérie. Cela m’a sérieusement ébranlée. Je me demande sur quel critère choisit-on ces ambassadeurs. J’estime qu’il m’a humiliée devant les étrangers, mes collaborateurs. Ce que je ne peux jamais pardonner.
    Que pensez-vous de la situation actuelle des artistes arabes en général et des hommes de lettres en particulier?
    Les pays arabes font de leurs artistes un fonds de commerce. Dans l’aéroport de Beyrouth, au Liban, un livre volumineux portant avec des lettres d’or le nom de Nezzar Kabbani est exposé à la vente. Quelqu’un a eu l’idée de rassembler les meilleurs de ses poèmes, lui a consacré une préface, pour en fin de compte le mettre en vente. C’est un véritable pillage! Vous voyez un peu à quel point est réduit l’artiste et le créateur arabes ? J’ai eu, deux ans après sa mort, à visiter sa tombe, elle est lugubre pour ne pas dire misérable. Comme si celui qui y repose n’a jamais fait, de son vivant, le bonheur de la nation arabe. Croyez-vous qu’il mérite un traitement aussi bas et aussi vil que celui-là ? Que veut dire l’immortalité pour l’artiste arabe? Rien.
    On n’a pas à nous parler de l’immortalité, car au jour de fêter le premier anniversaire de la disparition du géant du cinéma égyptien Ahmed Zaki, personne n’est venu lui rendre hommage.
    Mais cela n’empêche pas de faire de son nom un fonds de commerce juteux. Le créateur arabe est condamné à être exploité de son vivant ou après sa mort. C’est ce qui m’arrive aussi. Mes livres ont été faussés, falsifiés et sont de surcroît victimes de la contrefaçon dans la majorité des pays arabes. Et je n’y puis rien.




    Hakim KATEB

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    • #3
      « Dhakirat al-jassed »
      Mémoire de la chair

      - Edité par Dar Al-Adab à Beyrouth 1993.- Il est aujourd’hui à sa 22ème édition (ce qui est unique dans l’histoire de la littérature arabe contemporaine).


      - Le prix NOUR, distinction attribuée à la meilleure œuvre féminine en langue arabe lui a été discernée en 1996 par la fondation NOUR du Caire.
      - Le prix Najib Mahfouz pour le roman équivalent du «concourt», lui a été discerné par l’université américain du Caire en 1998, ce qui implique sa traduction en plusieurs langues internationales.
      - Il a reçu en 1999 le prix du professeur Georges Tarabey, honorant chaque année la meilleure œuvre littéraire publiée an Liban.
      - Le roman a été traduit en plusieurs langues dont l’anglais par Baria Ahmar Sreih, l’italien par Francesco Leggio, et le français chez Albin Michel par Mohamed Mokeddem.
      - En cours de parution (Allemand, Espagnol, Chinois.. Kurde)
      - Le roman a été adopté dans les programmes de plusieurs universités internationales et du monde arabe (La Sorbonne à Paris, université de Lyon, université de Maryland à Washington, l’université américaine de Beyrouth et de Caire, université de Amman, université d’Alger, université Saint-Joseph Beyrouth…). Ainsi qu’au programme du Bac Libanais.
      - Le roman a fait l’objet de plusieurs thèse de Doctorat et de recherches universitaires.
      - Il a été considéré par la critique comme le meilleur roman arabe de la dernière décennie.
      - Le réalisateur égyptien de renommé mondiale (qui a reçu une distinction spéciale du festival de Cannes) a acheté les droits pour le porter à l’écran.
      Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

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      • #4
        Le Jury du Prix Najib Mahfouz
        " L’écrivain algérien Ahlem Mosteghanemi, est une lumière qui scintille au milieu de ces ténèbres. Ce roman a pu réunir le meilleur du roman international et de la tradition populaire. Ecrit avec une langue arabe élégante et un sens littéraire aigu, il est doté d’une trame technique esthétique unique dans son genre, et d’une narration bien ficelée qui provoque l’admiration et l’éblouissement »."
        Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

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        • #5
          Son site web:

          http://www.mosteghanemi.net/

          En plus elle est très belle! ce qui ne gache rien!!

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          • #6
            Malheureusement, c'est un écrivain très discret qui fait rarement des manifestations...
            Je l'avait rencontrée pour Les mémoires de la Chair au Centre Culturel Algérien , il y a 3 ans déjà ...
            Elle a un écriture très particulière et c'est un plaisir de la lire ...
            Le petit bémol, c'est qu'elle n'a été connue en France que par sa traduction , alors que son écriture arabophone la place par son talent depuis bien longtemps déjà ...
            Elle a été découverte si je me trompe par Jean Sénac et Agoumi, dans une émission de poésie radiophonique, en effet, elle écrit aussi en prose, il ya un petit poème que j'affectionne tout particulièment : Le numéro nouveau....

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            • #7
              Ahlam MOSTAGHANEMI (née en 1953)
              Naît à Tunis au sein d’une famille originaire de Constantine qui a fuit le pays après le génocide de mai 1945. Ses études secondaires entamées à Tunis, elle les poursuit à Alger qu’elle retrouve dès l’indépendance. Lycéenne encore, elle se fait remarquer en animant une émission radiophonique très appréciée : « Hamassat » (Littérature et Mélodie). Licence de lettres arabes à la Faculté d’Alger (1976) et doctorat en sciences sociales du Maghreb à la Sorbonne (1982). Elle se marie avec un publiciste libanais, Georges Rassi, et ne cesse de publier ses poèmes dans les revues algériennes et Moyen-Orientales. A l’issue d’une recherche qu’elle mena sur le thème de « l’Algérie, femme et écriture » elle conclut que c’est l’homme qui est « à libérer et à émanciper » . Elle critique sévèrement l’Union nationale des Femmes Algériennes qu’elle qualifie de « regroupement de femmes moches et frustrées ». En 1994, elle s’installe à Beyrouth où elle s’impose très vite par la qualité de ses écrits et sa forte personnalité. Son roman « Dhakirat al Djassad » (Mémoire du corps) publié à Alger passe inaperçu mais amorce sa célébrité au Machreq. Fonctionnant sur le registre du sentimental et du politique, « Fawdha al hawwas » (Le désordre des sens) va devenir un véritable best-seller (16 éditions en 2001) pour son originalité et son audace. Pour Ahlem l’impatiente et la fougueuse, la poésie au centre de tout, est un questionnement perpétuel.
              Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

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              • #8
                Aâla marfaâ el-ayam (Au havre des jours) (Poésie) - Éditions SNED, Alger, 1973
                Kitaba fi lahdat ouâr (Ecriture dans un moment de nudité) (Poésie) - Éditions Dar Al-Adab, Beyrouth, 1976
                Algérie. Femme et écriture (Essai) - L'Harmattan, Paris ISBN 2-85802-506-9, 1985
                Dhakirat al-jasad. (La Mémoire du corps) (Roman) - Dar Al-Adab, Beyrouth, 1993
                Akhadib samaka (Mensonges d'un poisson) (Poésie) - Éditions ENAG, Alger, 1993
                Le désordre des sens (Roman) - Éditions Dar-El-Adab, Beyrouth, 1997
                Mémoires de la chair(Dhakirat Al-Djasad) (Roman) - Éditions Albin Michel. trad. Mohamed Mokeddem, Paris ISBN 2-2261-3397-6, 2002 Voir
                Aber Sarir (passager du lit) (Roman) - Éditions Ahlam Mosteghanemi, Paris, 2003
                Le chaos des sens (Roman) - Éditions Albin Michel, Paris ISBN : 2-2261-6817-6, 2006

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                • #9
                  Envoyé par Ahlam
                  «Assia Djebbar n’est pas représentative de la société algérienne»...
                  «Le problème de nos écrivains francophones, c’est qu’ils font trop de calculs.»
                  En matière de calculs, Ahlam Mostaghanemi semble en connaître un sacré rayon. A croire qu'elle a une dent contre les auteurs algériens francophones...
                  Après lecture de ses propros, je trouve qu'elle surfe sur l'arrogance et l'égocentrisme qui trahissent sa fausse modestie.

                  Je ne connais pas tout de Assia Djebbar mais je ne pense pas qu'elle aurait tenu ce genre de propos vis-à-vis de Ahlam Mostaghanemi!


                  - Thx for sharing.

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                  • #10
                    Je pense que la poésie est un trône lourd à porter. Il y a beaucoup de choses que j’aurais pu rater dans la vie si je n’étais que poète.

                    Et beaucoup d'autre choses qu'elle aurait pu reussir...
                    Justifier une vocation en utilisant le cliché du "poete maudit"?

                    La vie d'artiste...

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                    • #11
                      Belle chanson, mais quelle est le rapport avec la poétesse ....

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                      • #12
                        etre romanciere,poetesse ou chanteuse, c'est une vie d'artiste:
                        c'est pas parceque tu est romanciere que tu te sacrifierai plus que si tu etait poete, des romanciers allumés on en connait..
                        Ecrire reste un metier, se marginaliser, un choix.

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                        • #13
                          Absoulment d'accord avec Nassim. Je pense que Ahlem Mostghanemi prends ici une position qui n'est pas digne d'un écrivain. Assia Djebar n'aurait pas tenu de tel propos. Si Assia djebar est médiatique c'est grâce à son talent et peut être aussi à l'exil. Je ne pense pas qu'elle se soit proclamé porte parole de la femme Algérienne, les ecrictures sont multiples mais l'ecriture est universelle dont la première qualité est "l'acceptance" de l'autre.

                          çi dessous une texte un texte de Assia djebar paru dans le monde il y a deux ans.
                          __________________________________________________ ______________

                          Le désir sauvage de ne pas oublier, par Assia Djebar

                          Je voudrais me présenter devant vous comme simplement une femme écrivain, issue d'un pays, l'Algérie tumultueuse et encore déchirée. J'ai été élevée dans une foi musulmane, celle de mes aïeux depuis des générations, qui m'a façonnée affectivement et spirituellement, mais à laquelle, je l'avoue, je me confronte, à cause de ses interdits dont je ne me délie pas encore tout à fait.


                          J'écris donc, et en français, langue de l'ancien colonisateur, qui est devenue néanmoins et irréversiblement celle de ma pensée, tandis que je continue à aimer, à souffrir, également à prier (quand parfois je prie) en arabe, ma langue maternelle.
                          Je crois, en outre, que ma langue de souche, celle de tout le Maghreb - je veux dire la langue berbère, celle d'Antinéa, la reine des Touaregs où le matriarcat fut longtemps de règle, celle de Jugurtha qui a porté au plus haut l'esprit de résistance contre l'impérialisme romain -, cette langue donc que je ne peux oublier, dont la scansion m'est toujours présente et que, pourtant, je ne parle pas, est la forme même où, malgré moi et en moi, je dis " non " : comme femme, et surtout, me semble-t-il, dans mon effort durable d'écrivain.
                          Langue, dirais-je, de l'irréductibilité. Et, plutôt que d'évoquer, sur ce point, un désir d'enracinement ou de réenracinement - pour ainsi dire de généalogie -, je voudrais préciser que si j'avais été celte, ou basque, ou kurde, cela aurait été de même pour moi : dire " non " à certaines étapes essentielles de son parcours - et le dire quand la langue de la première origine se cabre et vibre en vous, en des circonstances où le pouvoir trop lourd d'un Etat, d'une religion, ou d'une évidente oppression a tout fait pour l'effacer, elle, cette première langue - dire " non " ainsi, qui peut paraître un " non " d'entêtement, de silence, de refus de participation à une poussée collective de séduction, ou de mode, cet instinct, pas seulement de préservation individuelle, mais qui serait un " non ", quelquefois apparemment gratuit, ou de pur orgueil de l'ombre - en somme cette intégrité du moi intellectuel et moral, ce recul ni prudent ni raisonné, bref, ce " non " de résistance qui surgit en vous, quelquefois avant même que votre esprit n'ait réussi à le justifier, eh bien, c'est cette permanence du " non " intérieur que j'entends en moi, dans une forme et un son berbères et qui m'apparaît comme le socle même de ma personnalité ou de ma durée littéraire. (...) J'ai parlé de ma durée littéraire, et cette notion temporelle pourrait prêter à équivoque. J'écris, je publie depuis quatre décennies au moins.
                          Tout compte fait, je devrais plutôt me présenter devant vous avec mes absences, mes silences, mes réticences, mes refus anciens ou récents que je ne comprends pas toujours, du moins sur le moment ; j'ajouterais même mes fuites (car il me faut vraiment l'espace, pour écrire) ; je dirais donc plutôt mes exils ! Je ne me sais qu'une règle, apprise et éclaircie certes, peu à peu, dans la solitude et loin des chapelles littéraires : ne pratiquer qu'une écriture de nécessité.
                          Une écriture de creusement, de poussée dans le noir et l'obscur ! Une écriture " contre " : le " contre " de l'opposition, de la révolte, quelquefois muette, qui vous ébranle et traverse votre être tout entier. Contre, mais c'est aussi tout contre, c'est-à-dire une écriture du rapprochement, de l'écoute, le besoin d'être auprès de..., de cerner une chaleur humaine, une solidarité, besoin sans doute utopique car je viens d'une société où les rapports entre hommes et femmes, hors les liens familiaux, sont d'une dureté, d'une âpreté qui vous laissent sans voix ! Au départ, avant le jaillissement premier et précoce de mon activité d'écrivain, il y eut l'espace donné, un horizon soudain ouvert : une chance inattendue.
                          Il est clair en effet que je n'aurais jamais été écrivain, si, à dix ou onze ans, je n'avais pu continuer mes études secondaires ; or ce petit miracle fut rendu possible grâce à mon père instituteur, homme de rupture et de modernité face au conformisme musulman qui, presque immanquablement, allait me destiner à l'enfermement des fillettes nubiles.
                          De même, cinq ou six années plus tard, je ne serais pas entrée en littérature avec ardeur si (et cela peut surprendre) je n'avais pas aimé marcher dans les rues des villes en anonyme, en passante, en voyeuse, en garçon manqué, et encore maintenant, en simple promeneuse.
                          C'est pour moi la première des libertés, celle du mouvement, du déplacement : la surprenante possibilité de disposer de soi pour aller et venir, du dedans au dehors, du lieu privé aux lieux publics et vice versa. Cela paraît tout simple ici, aujourd'hui, en Europe pour des adolescentes. Cela fut, pour moi, au début des années 50, un luxe incroyable...
                          Qu'a à voir la marche au dehors, direz-vous, avec les mots des romans, avec l'élan propre à l'imagination et à toute fiction ? Mais il s'agit du mouvement du corps féminin : là, se place la ligne la plus acérée de la transgression, quand une société, au nom d'une tradition trahie et plombée, tente, et réussit parfois, même aujourd'hui, à incarcérer ses femmes, c'est-à-dire la moitié d'elle-même ! Ecrire pour moi, gardant à l'esprit cet horizon noir, c'est d'abord recréer dans la langue que j'habite le mouvement irrépressible du " corps au dehors ", je dirais presque son envol. (...) Puis, dans mon trajet d'écrivain, il y a eu un tangage, une interrogation profonde qui m'a fait me taire longtemps : dix années de non publication, mais pendant lesquelles j'ai pu arpenter mon pays - pour des reportages, des enquêtes et enfin des repérages de cinéma - envahie que j'étais par un besoin de dialoguer avec des paysannes, des villageoises de régions aux traditions diverses, besoin aussi de revenir à ma tribu maternelle, cela, douze ans après l'indépendance . (...) Au tournant de la quarantaine, je retournai à Paris, la ville de mes études. De là, je décidai d'écrire à distance, pour viser désormais au cœur même de l'Algérie, son tréfonds, sa mémoire la plus obscure, dans un noeud algéro-français complexe ; mais encore me fallait-il trouver une forme et une structure narratives à la hauteur de ce questionnement, de cette ambition. (...) Installée désormais au cœur de l'ancien " empire ", je me mettais à distance de la société française dont je ne gardais que la langue ! Cette langue d'écriture devenue mon seul territoire ; même si je campais plutôt sur ses marges. Comme si, repartie nue de chez moi, je m'enveloppais seulement de cette langue ! Elle, mon unique manteau ! Jusque-là, l'écriture française avait été, pour moi, une sorte de voile, du moins, dans mes premiers romans, fictions qui, évitant l'autobiographie, ne hantaient vraiment que des lieux d'enfance, s'éblouissant de leur soleil ou s'approchant de la pénombre des maisons traditionnelles. Dorénavant, résolue avec détermination à écrire " devant " et " dedans " mon pays, dans une sorte de proche éloignement, j'avais besoin, comme le photographe qui recule pour ne pas écraser son sujet, d'une perspective la plus vaste. Avec ou malgré la langue dite " étrangère ", j'avais à poser, sur mon pays, toutes les questions, décidais-je ! Sur son histoire, sur son identité, sur ses plaies, sur ses tabous, sur ses richesses cachées et sur la dépossession coloniale de tout un siècle - et il ne s'agissait ni de protestations ni de réquisitoires. L'indépendance, nous l'avions, et payée au prix fort ! Il ne s'agissait que de mémoire, que de tatouages de la révolte et du combat, rendus ineffaçables dans nos coeurs et jusque dans l'éclat de notre regard, à devoir inscrire, à conserver, même en lettres françaises et alphabet latin ! Revenir au début des années 80 à Paris et écrire dans cette pulsion mémorielle, cela certes ne paraîtrait pas de brûlante actualité - si l'on se référait, du moins, aux " saisons littéraires " des cénacles parisiens.

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                          • #14
                            Suite du texte de Assia Djebar

                            Face à une critique française, je dirais, traditionnelle, qui ne cherchait, dans les textes des écrivains " ex-colonisés " que des clefs pour interprétation sociologique immédiate, moi, qu'est-ce qui m'animait donc ? Un nationalisme à retardement ? Non, bien sûr ; seulement la langue. Uniquement la langue française dans laquelle je m'immergeais, la nuit, le jour. Mais pour mieux dire ma spécificité algérienne (par l'autobiographie que j'abordais enfin), il me fallait en quelque sorte alléger cette langue d'écriture de son poids d'ombre, de son passé équivoque et trouble en Algérie, elle au bénéfice de laquelle avaient été exclus autrefois des écoles et de lieux publics l'arabe et le berbère.


                            Si je voulais faire sentir le trop lourd mutisme des femmes algériennes, l'invisibilité de leurs corps, revenue avec le retour d'une tradition rétrograde et plombée, j'avais d'abord - en tant qu'écrivain (le devoir de tout écrivain étant un devoir de langue) - j'avais, pardonnez-moi cette métaphore, à me saisir de cette langue française entrée en Algérie avec les envahisseurs de 1830, et à l'essorer, à la secouer devant moi, de toute sa poussière compromettante. Pendant les quarante ans violents de la conquête que j'appelle " la première guerre d'Algérie ", cette langue s'était avancée autrefois sur des chemins de sang, de carnage et de viols. Il fallait, par elle et avec ses propres mots, la renverser en quelque sorte sur elle-même ! Puis, dans la soumission apparente qui suivit, ce qu'on appelait " l'Algérie pacifiée " des années 20 et 30, les mots, les figures et le rythme et toutes les diaprures de la langue, de la belle Langue - la transparente de Descartes, la pure et acérée de Racine, la virevoltante de Diderot et la somptueuse de Victor Hugo - tous ces joyaux se mirent à pénétrer et à briller un peu dans les écoles, parmi lesquelles un petit nombre était réservé aux enfants dits " indigènes " dont la classe de mon père, instituteur dans un village de la Mitidja. (...) Je n'avais pas prévu que, vivant ainsi comme une émigrée en banlieue parisienne, j'allais, les années suivantes, me confronter avec les sursauts, les fureurs, les délires puis... puis la violence et les meurtres, au jour le jour, que nous avons vu s'inscrire sur les pages des quotidiens et défigurer l'image de mon pays ! Quête solitaire et d'impuissance dans mes livres ; mes questions devenaient de plus en plus béantes... (...) Non, décidément, l'écriture - je veux dire, l'écrit de toute littérature, ainsi que la parole illuminante - n'est pas un faire-part de deuil ou de crime ; non, elle n'est pas une plaque funéraire bavarde, simplement projetée dans l'espace vide, le temps que circulent quelques milliers d'exemplaires de vos pattes de fourmi tracées sur papier, lancés comme un paquet cadeau à la mort.
                            Non, l'écriture à laquelle je me vouais dans ce malheur algérien, est-ce l'alarme, est-ce l'appel au secours (au secours de vous-même ?) ? Elle est le dialogue suspendu avec l'ami sur lequel est tombée la hache, dans la tête de qui a sonné la balle, tandis que vous, vous survivez, tandis que vous, vous questionnez sur les tout petits détails, juste avant que celui - ou celle - que vous avez connu soit pétrifié en victime, en cadavre, en silence !
                            Votre écriture donc danse avec des fantômes et, tant que vous vivez encore, cette nécessité de la narration court en vous comme votre seule électricité - ce n'est même plus la langue, celle-ci pourrait devenir informe ou - pourquoi pas ? - langue des signes pour sourds-muets ; simplement vous soutient le fil de la continuité, de la volonté de dire ou du désir sauvage de ne pas oublier... Certains diraient : l'acier de la résistance.
                            Edmond Jabès, arraché de son Egypte natale, au milieu de son âge, remarquait : " Les chemins d'encre sont des chemins de sang ! " Il l'écrivait à Paris et je dirais, presque à voix basse. Seule cette force-là, si peu visible, si impalpable, si peu propice aux projecteurs, me semble-t-il, qui devrait me redresser : la seule force, transparente ou friable, de l'écriture. Ou, dans mon cas, le poids, encore insoupçonné, du silence des Musulmanes, en amont de cette écriture.
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                            Assia Djebar

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                            • #15
                              L'indépendance, nous l'avions, et payée au prix fort ! Il ne s'agissait que de mémoire, que de tatouages de la révolte et du combat, rendus ineffaçables dans nos coeurs et jusque dans l'éclat de notre regard, à devoir inscrire, à conserver, même en lettres françaises et alphabet latin !
                              cet extrait est suffisant pour rendre hommage a Assia Djebar qui demontre son engagement pour son pays.

                              aucun auteur ne peut representer sa societe mais peut representer son pays en terme symbolique.

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