Rédigé le 10 février 2011, par: Quentin Ervyn
La question du Sahara occidental relève d’un conflit de portée régionale et doit être traitée comme telle. C’est en tout cas cette vision qui guide l’action des autorités marocaines. La fermeture du pays à la presse internationale au moment du démantèlement par la police du camp de protestataires sahraouis à El Aaiún en est un exemple frappant. Le Maroc a choisi l’option du statu quo et entend le faire savoir.
« On m’a empêché de monter dans l’avion qui faisait Casablanca-El Aaiún. Je suis finalement arrivé par mes propres moyens. Mais l’après-midi même de mon arrivée, j’ai été invité à suivre des policiers en civil. J’ai été interrogé par la sûreté nationale marocaine avant de me faire expulser du territoire. Le tout, assez cordialement[1]».
Le correspondant du Soir et de la RTBF en Espagne, Guillaume Bontoux, dont nous avons repris le témoignage, est un des nombreux journalistes qui n’ont pas été autorisé à se rendre à El Aaiún pour couvrir le démantèlement par la police marocaine du camp de Gdeim Izik le 8 novembre 2010. Dès la mi-octobre, ont afflué les témoignages de journalistes et députés de plusieurs pays européens qui n’ont pas eu accès au Sahara occidental ou en ont été expulsés. Le 1er novembre, le Ministère marocain de la Communication retirait l’accréditation des journalistes d’Al Jazeera, l’unique chaîne de télévision étrangère disposant d’un bureau permanent au Maroc.
A ce sujet, le journal « Aujourd’hui le Maroc » indique, sur base du communiqué du Ministère, que cette décision a été prise en raison du traitement «irresponsable» réservé aux affaires marocaines [qui] «a sérieusement altéré l’image du Maroc et porté manifestement préjudice à ses intérêts supérieurs, à leur tête la question de l’intégrité territoriale qui jouit d’une unanimité nationale inébranlable parmi toutes les catégories du peuple marocain[2]».
Ce black out médiatique révèle l’extrême tension qui a secoué le Sahara occidental et sa métropole El Aaiún depuis l’installation mi-octobre 2010 d’un camp de 15.000[3] civils sahraouis venus protester pacifiquement pour de meilleures conditions politiques, économiques et sociales. L’assaut mené par la police marocaine sur le camp a dégénéré et les troubles se sont étendus au centre ville où selon plusieurs témoins, de nombreuses maisons sahraouies ont fait l’objet de saccages tandis que leurs habitants étaient arrêtés. Les observateurs des Nations-Unies et deux enquêteurs d’Human Right Watch, qui ont pu accéder à El Aaiún quelques jours après la fin des troubles, parlent d’au moins 2 morts parmi les protestataires, d’une centaine de blessés et de nombreuses personnes relevées disparues suite aux arrestations. Les autorités marocaines annoncent 9 morts parmi les forces de l’ordre et 2 morts entre les protestataires.
Ces récents événements ont recentré l’attention médiatique internationale sur ce conflit, vieux de 30 ans, qui a débuté dès 1976 après que les Espagnols ont abandonné leur ancienne colonie sans y organiser le referendum d’autodétermination réclamé par l’Assemblée générale de l’ONU[4].
Le territoire est alors contesté par la Mauritanie, le Maroc - qui l’a toujours considéré comme l’une de ses provinces et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, qui y fonde la République arabe sahraouie démocratique. Très vite, la Mauritanie renonce à ses ambitions alors que le Maroc construit près de 2000km de murs qui divisent le territoire du nord au sud en établissant deux zones, la plus vaste sous administration marocaine et la seconde formée par les « territoires libérés » du Polisario. Après des décennies de colonisations et les années de guerre, un nombre important de sahraouis (de 90.000 à 170.000 selon les estimations) vivent dans les camps de réfugiés de Mauritanie et d’Algérie. Les 270.000 habitants présents sur le territoire du Sahara occidental sont majoritairement d’origine marocaine.
En 1991, les deux derniers protagonistes signent le cesser le feu sous les auspices de l’ONU qui installe la Mission des Nations Unies pour le Referendum au Sahara occidental (MINURSO). La MINURSO a pour objectif de favoriser la mise en place d’une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette, au travers l’organisation d’un referendum, la libre détermination du peuple du Sahara occidental.
Cependant, les divergences fondamentales sur les critères à retenir pour l’identification des électeurs, les accusations mutuelles de gonfler les chiffres – le Maroc est accusé d’inciter sa population à déménager dans ses « provinces du sud » tandis que le Front Polisario est accusé de comptabiliser les Sahraouis installés en Algérie – et le déluge de recours qui fait suite à la constitution des listes d’électeurs en 2000, enrayent le processus.
Pour résoudre le blocage, l’Emissaire spécial de l’ONU, James Baker, présente le 23 mai 2003 au Conseil de sécurité un Plan de Paix – dit Plan Baker – qui prévoit l’organisation d’un referendum après une période de 5 ans de partage du gouvernement entre l’Etat marocain et l’ « Autorité gouvernementale du Sahara occidental ». Cette période de co-gouvernement est censée rétablir la confiance entre les parties et doit permettre d’établir les questions qui seront soumises au référendum ainsi que la liste des électeurs.
Ce plan, accepté par le Front Polisario et rejeté par le Maroc, mettra en évidence leurs positions irréconciliables sur le règlement du conflit : le Front Polisario s’en tenant au référendum d’autodétermination prévu par plusieurs résolutions de l’ONU tandis que le Maroc refuse toute autre solution que le statut de «large autonomie » du territoire dans l’Etat marocain.
Depuis lors, et malgré les nombreux rounds de négociations menés sous l’égide de l’ONU, le Sahara occidental est en l’état de statu quo : ni de paix, ni de guerre. Le conflit s’est muté en une bataille diplomatique et une guerre des opinions publiques.
La question du Sahara occidental relève d’un conflit de portée régionale et doit être traitée comme telle. C’est en tout cas cette vision qui guide l’action des autorités marocaines. La fermeture du pays à la presse internationale au moment du démantèlement par la police du camp de protestataires sahraouis à El Aaiún en est un exemple frappant. Le Maroc a choisi l’option du statu quo et entend le faire savoir.
« On m’a empêché de monter dans l’avion qui faisait Casablanca-El Aaiún. Je suis finalement arrivé par mes propres moyens. Mais l’après-midi même de mon arrivée, j’ai été invité à suivre des policiers en civil. J’ai été interrogé par la sûreté nationale marocaine avant de me faire expulser du territoire. Le tout, assez cordialement[1]».
Le correspondant du Soir et de la RTBF en Espagne, Guillaume Bontoux, dont nous avons repris le témoignage, est un des nombreux journalistes qui n’ont pas été autorisé à se rendre à El Aaiún pour couvrir le démantèlement par la police marocaine du camp de Gdeim Izik le 8 novembre 2010. Dès la mi-octobre, ont afflué les témoignages de journalistes et députés de plusieurs pays européens qui n’ont pas eu accès au Sahara occidental ou en ont été expulsés. Le 1er novembre, le Ministère marocain de la Communication retirait l’accréditation des journalistes d’Al Jazeera, l’unique chaîne de télévision étrangère disposant d’un bureau permanent au Maroc.
A ce sujet, le journal « Aujourd’hui le Maroc » indique, sur base du communiqué du Ministère, que cette décision a été prise en raison du traitement «irresponsable» réservé aux affaires marocaines [qui] «a sérieusement altéré l’image du Maroc et porté manifestement préjudice à ses intérêts supérieurs, à leur tête la question de l’intégrité territoriale qui jouit d’une unanimité nationale inébranlable parmi toutes les catégories du peuple marocain[2]».
Ce black out médiatique révèle l’extrême tension qui a secoué le Sahara occidental et sa métropole El Aaiún depuis l’installation mi-octobre 2010 d’un camp de 15.000[3] civils sahraouis venus protester pacifiquement pour de meilleures conditions politiques, économiques et sociales. L’assaut mené par la police marocaine sur le camp a dégénéré et les troubles se sont étendus au centre ville où selon plusieurs témoins, de nombreuses maisons sahraouies ont fait l’objet de saccages tandis que leurs habitants étaient arrêtés. Les observateurs des Nations-Unies et deux enquêteurs d’Human Right Watch, qui ont pu accéder à El Aaiún quelques jours après la fin des troubles, parlent d’au moins 2 morts parmi les protestataires, d’une centaine de blessés et de nombreuses personnes relevées disparues suite aux arrestations. Les autorités marocaines annoncent 9 morts parmi les forces de l’ordre et 2 morts entre les protestataires.
Ces récents événements ont recentré l’attention médiatique internationale sur ce conflit, vieux de 30 ans, qui a débuté dès 1976 après que les Espagnols ont abandonné leur ancienne colonie sans y organiser le referendum d’autodétermination réclamé par l’Assemblée générale de l’ONU[4].
Le territoire est alors contesté par la Mauritanie, le Maroc - qui l’a toujours considéré comme l’une de ses provinces et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, qui y fonde la République arabe sahraouie démocratique. Très vite, la Mauritanie renonce à ses ambitions alors que le Maroc construit près de 2000km de murs qui divisent le territoire du nord au sud en établissant deux zones, la plus vaste sous administration marocaine et la seconde formée par les « territoires libérés » du Polisario. Après des décennies de colonisations et les années de guerre, un nombre important de sahraouis (de 90.000 à 170.000 selon les estimations) vivent dans les camps de réfugiés de Mauritanie et d’Algérie. Les 270.000 habitants présents sur le territoire du Sahara occidental sont majoritairement d’origine marocaine.
En 1991, les deux derniers protagonistes signent le cesser le feu sous les auspices de l’ONU qui installe la Mission des Nations Unies pour le Referendum au Sahara occidental (MINURSO). La MINURSO a pour objectif de favoriser la mise en place d’une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette, au travers l’organisation d’un referendum, la libre détermination du peuple du Sahara occidental.
Cependant, les divergences fondamentales sur les critères à retenir pour l’identification des électeurs, les accusations mutuelles de gonfler les chiffres – le Maroc est accusé d’inciter sa population à déménager dans ses « provinces du sud » tandis que le Front Polisario est accusé de comptabiliser les Sahraouis installés en Algérie – et le déluge de recours qui fait suite à la constitution des listes d’électeurs en 2000, enrayent le processus.
Pour résoudre le blocage, l’Emissaire spécial de l’ONU, James Baker, présente le 23 mai 2003 au Conseil de sécurité un Plan de Paix – dit Plan Baker – qui prévoit l’organisation d’un referendum après une période de 5 ans de partage du gouvernement entre l’Etat marocain et l’ « Autorité gouvernementale du Sahara occidental ». Cette période de co-gouvernement est censée rétablir la confiance entre les parties et doit permettre d’établir les questions qui seront soumises au référendum ainsi que la liste des électeurs.
Ce plan, accepté par le Front Polisario et rejeté par le Maroc, mettra en évidence leurs positions irréconciliables sur le règlement du conflit : le Front Polisario s’en tenant au référendum d’autodétermination prévu par plusieurs résolutions de l’ONU tandis que le Maroc refuse toute autre solution que le statut de «large autonomie » du territoire dans l’Etat marocain.
Depuis lors, et malgré les nombreux rounds de négociations menés sous l’égide de l’ONU, le Sahara occidental est en l’état de statu quo : ni de paix, ni de guerre. Le conflit s’est muté en une bataille diplomatique et une guerre des opinions publiques.
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