Le gouvernement algérien a-t-il piétiné ses propres lois dans son bras de fer avec le groupe de Sawiris ? Oui, à en croire les arguments du groupe Orascom qui seront présentés à l’arbitrage international. Des arguments qui risquent de mettre les autorités algériennes dans le plus grand des embarras.
Naguib Sawiriss, patron du groupe égyptien Orascom Telecom Holding (OTH), propriétaire d’Orascom Telecom Algérie (OTA), qui détient la licence de téléphonie mobile Djezzy, a écrit plusieurs lettres au président Abdelaziz Bouteflika, au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et au ministre des Poste et des TIC, à propos du contentieux qui l’oppose aux autorités algériennes. «Il n’a jamais eu de réponses », nous a-t-on dit de sources proches du groupe. En novembre 2010, l’homme d’affaires égyptien a envoyé quatre nouvelles lettres au Premier ministre, à la Banque centrale et aux ministères des Poste et des TIC et des Finances.
Des lettres de sept pages chacune. Pas de réponse non plus. Dans ses missives, Naguib Sawiris demandait aux autorités d’Alger d’entamer les négociations avec le groupe en vue de conclure une cession de ses actifs en Algérie. Ou, à défaut, permettre à OTA de poursuivre son action dans le pays «sans faire face aux difficultés extrêmes rencontrées». Quand ces difficultés ont-elles commencé ? Et pourquoi ? Cela remonte à fin juillet 2008. Devant les présidents d’APC, réunis au Palais des nations, au Club des Pins, Abdelaziz Bouteflika déclare : «Nous ne sommes pas des vendeurs de bétail et celui qui ne veut pas payer le prix du marché n’aura rien en contrepartie.» La menace est adressée aux investisseurs étrangers en Algérie.
«Les règles vont changer pour les investisseurs étrangers qui viennent investir 700 millions de dollars pour revendre et repartir deux ou trois ans plus tard avec une plus-value de deux milliards de dollars», dit-il. Dans le discours présidentiel officiel archivé, ces phrases sont inexistantes. «A partir de ce moment- là, les coups ont commencé. Le match Algérie-Egypte, et les événements qui l’ont accompagné, n’a été qu’un prétexte pour légitimer l’action contre Orascom et gagner la confiance de l’opinion publique algérienne», estime-t-on. Naguib Sawiris, qui perd ce qui ressemble à une couverture politique à son action en Algérie, gère la crise en silence. Profil bas. Un conflit ouvert affecte directement l’action de la société cotée en bourse. En homme d’affaires averti, il évite d’étaler en public ses tracasseries avec les autorités algériennes. «Il connaît l’environnement en Algérie, un pays où l’on ne veut pas que tout soit dit en public. Il a donc pensé que c’était une crise passagère, montré sa bonne foi en ne dévoilant pas les choses. Il pensait qu’il allait régler les problèmes. Cela ne s’est pas fait», explique-t-on de mêmes sources.
Et les problèmes se succèdent. OTA est soumise à un redressement fiscal en novembre 2009 pour les exercices 2005, 2006 et 2007. «Ce redressement est de 596,6 millions de dollars. Avec les pénalités que le groupe a payées, cela avoisine le 1 milliard de dollars», précise-t-on. Comment les impôts ont-ils été calculés ? «Ils ont pris une année. Ils ont analysé les bénéfices dégagés durant un exercice. De ces bénéfices, ils ont tiré un coefficient. Ce coefficient a été reconduit pour les autres années. Une société peut-elle faire le même chiffre d’affaires chaque année ? C’est impossible», estime-t-on. Le redressement est qualifié d’illégal du fait qu’il concerne des exercices concernés par l’exemption fiscale (entre 2002 et 2007). «C’est écrit noir sur blanc. Aucun officiel algérien n’a nié cette information.
Donc, on se pose la question : pourquoi les autorités algériennes n’ont pas respecté leurs engagements», souligne-t-on. L’exemption fiscale était fixée à cinq ans, selon l’article 3 de la convention d’investissement entre l’Etat algérien et OTH datant du 5 août 2001. Cette convention est portée par le décret exécutif n°01/416 du 20 décembre 2001, signé par Ali Benflis, chef de gouvernement et publié dans le Journal officiel du 26 décembre 2001. Cette disposition a prévu une exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS), du versement forfaitaire (VF) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Durant la période d’investissement, OTH bénéficiait de plusieurs avantages dont l’exemption du droit de mutation à titre onéreux pour toutes les acquisitions immobilières, de l’application du droit fixe en matière d’enregistrement au taux de cinq pour mille (0,5%) pour les actes constitutifs de la société et de la franchise de la TVA pour les biens et services entrant directement dans la réalisation de l’investissement achetés localement ou importés.
«L’Etat algérien s’interdit postérieurement à la signature de la présente convention, de prendre à l’égard de la société toute disposition particulière qui aurait directement pour effet de remettre en cause les droits et avantages conférés par la présente convention», est-il écrit dans l’article 6 du même texte. L’article a prévu également que la société pouvait bénéficier, dans le futur, de lois ou règlements contenant «un régime d’investissement plus favorable». Selon les mêmes sources, OTH a payé, après 2007, en taxes et impôts légaux et en redevances versées à l’ARPT, 2,1 milliards de dollars. La redevance n’est pas comprise dans les exonérations fiscales. OTA représente actuellement 60% des bénéfices du groupe OTH. «C’est la poule aux œufs d’or. C’est une poule qu’on ne vend pas ! C’est grâce aux bénéfices dégagés par OTA que OTH équilibrait ses comptes et dégageait des profits. Aussi, Naguib Sawiris n’avait aucune intention de quitter l’Algérie. Il a été forcé de le faire après avoir compris qu’il était devenu indésirable», remarque-t-on.
Aucun fondement légal à l’interdiction de rapatrier les dividendes :
Après le redressement, OTA a été empêché, par décision de la Banque d’Algérie, de rapatrier ses dividendes depuis 2009. La mesure a été qualifiée de préventive par les autorités. «Et cette mesure se base sur quel article de loi ?», s’interroge-t-on.
Le ministère des Finances, la direction générale des impôts et la Banque d’Algérie ont été saisis à propos de cette question. «Il n’y a aucune réponse aussi sur la base légale de ces décisions. Nous craignons qu’il s’agisse d’un abus de pouvoir», estime-t-on. Jusqu’à 2009, OTA a rapatrié en bénéfices nets 1,8 milliard de dollars. «1,8 milliard de dollars ne pèse rien par rapport aux dix milliards de dollars engagés en Algérie et la valeur ajoutée humaine créée en Algérie», indique-t-on.
On dément catégoriquement le rapatriement de 800 millions de dollars que des officiels algériens avaient qualifié d’illégal. «Naguib Sawiris travaille sous le contrôle des actionnaires qui ne tolèrent aucune entorse aux règles. Il ne peut pas rapatrier une telle somme sans être tracé ou susciter la réaction énergique de ces actionnaires», observe-t-on. OTA a été également empêché de faire sortir du port d’Alger du matériel importé alors que toutes les taxes douanières nécessaires ont été payées. «Suite à cela, des courriers ont été envoyés pour avoir des explications sur les bases de cette décision. Là aussi, aucune réponse», indique-t-on.
Le groupe français Lafarge, qui a racheté la cimenterie de M’sila à Orascom Constrution et industries, a, selon des sources européennes, été empêché de transférer 300 millions d’euros de ses dividendes vers la France. Un montant reversé dans l’investissement local. Qu’en est-il du droit de préemption mis en avant par le gouvernement algérien pour empêcher le rachat de OTA par le sud-africain MTN ? Ce droit a été introduit dans la loi de finances complémentaire 2009. Donc, il y a eu application de la loi avec effet rétroactif sur un contrat signé en 2001. Le principe de droit est que la loi n’est jamais rétroactive.
Et on rappelle qu’à la signature du contrat, le droit de préemption n’existait même pas. «Donc, la légalité de la procédure est douteuse. Le contrat permet à OTH de vendre à qui il veut. Voyant que l’Etat algérien ne voulait pas lui faire l’offre que Sawiris demandait, il a reçu une proposition du sud-africain MTN, 7,8 milliards de dollars», rappelle-t-on. Les autorités ont immédiatement réagi, soulignant que l’offre MTN est surévaluée et que c’est l’Algérie qui veut acheter. Pas d’étranger. «OTH était en négociation depuis longtemps avec MTN sur les marchés asiatiques. Ils se connaissaient. De plus, la relation entre l’Algérie et l’Afrique du Sud est particulière. A l’époque de l’offre de MTN, le président Thabo M’Beki est venu en Algérie accompagné du PDG de MTN pour faciliter les démarches.
L’Algérie a refusé. Et Mourad Medelci (ministres des Affaires étrangères, ndlr) a fait une déclaration en ce sens, mettant en avant le droit de préemption», souligne-t-on. Les mêmes sources indiquent que MTN est reparti non pas parce qu’il avait besoin du feu vert de l’Algérie, car sur le plan légal il n’en avait pas besoin en ce sens qu’il pouvait acheter. Alors pourquoi l’opérateur sud-africain (racheté depuis par le groupe indien Reliance de Mukesh Ambani) s’est détourné de la destination Algérie ? «Les responsables de MTN ont eu cette crainte : se retrouver dans la même situation que OTH après le rachat de la licence Djezzy», répond-on.
Naguib Sawiriss, patron du groupe égyptien Orascom Telecom Holding (OTH), propriétaire d’Orascom Telecom Algérie (OTA), qui détient la licence de téléphonie mobile Djezzy, a écrit plusieurs lettres au président Abdelaziz Bouteflika, au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et au ministre des Poste et des TIC, à propos du contentieux qui l’oppose aux autorités algériennes. «Il n’a jamais eu de réponses », nous a-t-on dit de sources proches du groupe. En novembre 2010, l’homme d’affaires égyptien a envoyé quatre nouvelles lettres au Premier ministre, à la Banque centrale et aux ministères des Poste et des TIC et des Finances.
Des lettres de sept pages chacune. Pas de réponse non plus. Dans ses missives, Naguib Sawiris demandait aux autorités d’Alger d’entamer les négociations avec le groupe en vue de conclure une cession de ses actifs en Algérie. Ou, à défaut, permettre à OTA de poursuivre son action dans le pays «sans faire face aux difficultés extrêmes rencontrées». Quand ces difficultés ont-elles commencé ? Et pourquoi ? Cela remonte à fin juillet 2008. Devant les présidents d’APC, réunis au Palais des nations, au Club des Pins, Abdelaziz Bouteflika déclare : «Nous ne sommes pas des vendeurs de bétail et celui qui ne veut pas payer le prix du marché n’aura rien en contrepartie.» La menace est adressée aux investisseurs étrangers en Algérie.
«Les règles vont changer pour les investisseurs étrangers qui viennent investir 700 millions de dollars pour revendre et repartir deux ou trois ans plus tard avec une plus-value de deux milliards de dollars», dit-il. Dans le discours présidentiel officiel archivé, ces phrases sont inexistantes. «A partir de ce moment- là, les coups ont commencé. Le match Algérie-Egypte, et les événements qui l’ont accompagné, n’a été qu’un prétexte pour légitimer l’action contre Orascom et gagner la confiance de l’opinion publique algérienne», estime-t-on. Naguib Sawiris, qui perd ce qui ressemble à une couverture politique à son action en Algérie, gère la crise en silence. Profil bas. Un conflit ouvert affecte directement l’action de la société cotée en bourse. En homme d’affaires averti, il évite d’étaler en public ses tracasseries avec les autorités algériennes. «Il connaît l’environnement en Algérie, un pays où l’on ne veut pas que tout soit dit en public. Il a donc pensé que c’était une crise passagère, montré sa bonne foi en ne dévoilant pas les choses. Il pensait qu’il allait régler les problèmes. Cela ne s’est pas fait», explique-t-on de mêmes sources.
Et les problèmes se succèdent. OTA est soumise à un redressement fiscal en novembre 2009 pour les exercices 2005, 2006 et 2007. «Ce redressement est de 596,6 millions de dollars. Avec les pénalités que le groupe a payées, cela avoisine le 1 milliard de dollars», précise-t-on. Comment les impôts ont-ils été calculés ? «Ils ont pris une année. Ils ont analysé les bénéfices dégagés durant un exercice. De ces bénéfices, ils ont tiré un coefficient. Ce coefficient a été reconduit pour les autres années. Une société peut-elle faire le même chiffre d’affaires chaque année ? C’est impossible», estime-t-on. Le redressement est qualifié d’illégal du fait qu’il concerne des exercices concernés par l’exemption fiscale (entre 2002 et 2007). «C’est écrit noir sur blanc. Aucun officiel algérien n’a nié cette information.
Donc, on se pose la question : pourquoi les autorités algériennes n’ont pas respecté leurs engagements», souligne-t-on. L’exemption fiscale était fixée à cinq ans, selon l’article 3 de la convention d’investissement entre l’Etat algérien et OTH datant du 5 août 2001. Cette convention est portée par le décret exécutif n°01/416 du 20 décembre 2001, signé par Ali Benflis, chef de gouvernement et publié dans le Journal officiel du 26 décembre 2001. Cette disposition a prévu une exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS), du versement forfaitaire (VF) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Durant la période d’investissement, OTH bénéficiait de plusieurs avantages dont l’exemption du droit de mutation à titre onéreux pour toutes les acquisitions immobilières, de l’application du droit fixe en matière d’enregistrement au taux de cinq pour mille (0,5%) pour les actes constitutifs de la société et de la franchise de la TVA pour les biens et services entrant directement dans la réalisation de l’investissement achetés localement ou importés.
«L’Etat algérien s’interdit postérieurement à la signature de la présente convention, de prendre à l’égard de la société toute disposition particulière qui aurait directement pour effet de remettre en cause les droits et avantages conférés par la présente convention», est-il écrit dans l’article 6 du même texte. L’article a prévu également que la société pouvait bénéficier, dans le futur, de lois ou règlements contenant «un régime d’investissement plus favorable». Selon les mêmes sources, OTH a payé, après 2007, en taxes et impôts légaux et en redevances versées à l’ARPT, 2,1 milliards de dollars. La redevance n’est pas comprise dans les exonérations fiscales. OTA représente actuellement 60% des bénéfices du groupe OTH. «C’est la poule aux œufs d’or. C’est une poule qu’on ne vend pas ! C’est grâce aux bénéfices dégagés par OTA que OTH équilibrait ses comptes et dégageait des profits. Aussi, Naguib Sawiris n’avait aucune intention de quitter l’Algérie. Il a été forcé de le faire après avoir compris qu’il était devenu indésirable», remarque-t-on.
Aucun fondement légal à l’interdiction de rapatrier les dividendes :
Après le redressement, OTA a été empêché, par décision de la Banque d’Algérie, de rapatrier ses dividendes depuis 2009. La mesure a été qualifiée de préventive par les autorités. «Et cette mesure se base sur quel article de loi ?», s’interroge-t-on.
Le ministère des Finances, la direction générale des impôts et la Banque d’Algérie ont été saisis à propos de cette question. «Il n’y a aucune réponse aussi sur la base légale de ces décisions. Nous craignons qu’il s’agisse d’un abus de pouvoir», estime-t-on. Jusqu’à 2009, OTA a rapatrié en bénéfices nets 1,8 milliard de dollars. «1,8 milliard de dollars ne pèse rien par rapport aux dix milliards de dollars engagés en Algérie et la valeur ajoutée humaine créée en Algérie», indique-t-on.
On dément catégoriquement le rapatriement de 800 millions de dollars que des officiels algériens avaient qualifié d’illégal. «Naguib Sawiris travaille sous le contrôle des actionnaires qui ne tolèrent aucune entorse aux règles. Il ne peut pas rapatrier une telle somme sans être tracé ou susciter la réaction énergique de ces actionnaires», observe-t-on. OTA a été également empêché de faire sortir du port d’Alger du matériel importé alors que toutes les taxes douanières nécessaires ont été payées. «Suite à cela, des courriers ont été envoyés pour avoir des explications sur les bases de cette décision. Là aussi, aucune réponse», indique-t-on.
Le groupe français Lafarge, qui a racheté la cimenterie de M’sila à Orascom Constrution et industries, a, selon des sources européennes, été empêché de transférer 300 millions d’euros de ses dividendes vers la France. Un montant reversé dans l’investissement local. Qu’en est-il du droit de préemption mis en avant par le gouvernement algérien pour empêcher le rachat de OTA par le sud-africain MTN ? Ce droit a été introduit dans la loi de finances complémentaire 2009. Donc, il y a eu application de la loi avec effet rétroactif sur un contrat signé en 2001. Le principe de droit est que la loi n’est jamais rétroactive.
Et on rappelle qu’à la signature du contrat, le droit de préemption n’existait même pas. «Donc, la légalité de la procédure est douteuse. Le contrat permet à OTH de vendre à qui il veut. Voyant que l’Etat algérien ne voulait pas lui faire l’offre que Sawiris demandait, il a reçu une proposition du sud-africain MTN, 7,8 milliards de dollars», rappelle-t-on. Les autorités ont immédiatement réagi, soulignant que l’offre MTN est surévaluée et que c’est l’Algérie qui veut acheter. Pas d’étranger. «OTH était en négociation depuis longtemps avec MTN sur les marchés asiatiques. Ils se connaissaient. De plus, la relation entre l’Algérie et l’Afrique du Sud est particulière. A l’époque de l’offre de MTN, le président Thabo M’Beki est venu en Algérie accompagné du PDG de MTN pour faciliter les démarches.
L’Algérie a refusé. Et Mourad Medelci (ministres des Affaires étrangères, ndlr) a fait une déclaration en ce sens, mettant en avant le droit de préemption», souligne-t-on. Les mêmes sources indiquent que MTN est reparti non pas parce qu’il avait besoin du feu vert de l’Algérie, car sur le plan légal il n’en avait pas besoin en ce sens qu’il pouvait acheter. Alors pourquoi l’opérateur sud-africain (racheté depuis par le groupe indien Reliance de Mukesh Ambani) s’est détourné de la destination Algérie ? «Les responsables de MTN ont eu cette crainte : se retrouver dans la même situation que OTH après le rachat de la licence Djezzy», répond-on.
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