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marche du 12 février: le pari gagné-perdu

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  • marche du 12 février: le pari gagné-perdu

    Point n’est besoin de s’interroger sur les maîtres-d’œuvre qui soufflent sur le vent du changement. A défaut de comprendre que nous ne sommes plus dans les temps d’avant, ce sera le pari gagné-perdu du système.
    Ce ne fut pas un raz-de-marée. C’est évident même aux yeux des organisateurs de la marche de ce 2 février, d’ailleurs confinée par un impressionnant service de police à un «rassemblement» à la place du 1er-Mai. C’est le pari gagné-perdu des autorités. Mais on parle d’au moins 3 000 participants d’origines socioprofessionnelles diverses et où se sont côtoyés, l’espace d’une journée, des curieux, des chômeurs et des non-convaincus. Mais l’on doit dire que cette «marche» a planté sa symbolique au cœur même d’une atmosphère générale de contestation sociale. En cela elle interpelle violemment les tenants du pouvoir en place sommés de changer. Il souffle un vent de révolte populaire générale dans les pays arabes avec pour conséquence la chute des gouvernants et sa partie la plus visible les chefs d’Etat et la peur qui s’est saisie de ceux toujours en place. Les effets d’annonce sous forme de grandes décisions en faveur des populations se multiplient. Tant mieux. L’Autorité palestinienne aussi n’y échappe pas suite notamment aux accusations de compromission et de corruption. Pour preuve, la démission du principal négociateur Saeb Ereqat et l’annonce de l’organisation prochaine d'élections générales à tous les niveaux de l’Etat palestinien. Paupérisation accélérée, train de vie insolant des dirigeants qui, au fil des ans, ont fini par se couper totalement de leurs administrés (qu’il s’agisse de monarchies ou de républiques), absence de perspectives pour les générations arabes nouvelles, impatientes de s’affirmer dans la dynamique politique et donc de prétendre à une quelconque promotion sociale. Usés par un trop long exercice du pouvoir, les dirigeants arabes ont fini par confondre Etat de droit et Etat de non-droit où les dénis de justice se généralisent, créant alors un système bloqué, terreau de la protestation sociale et de conflits de tout ordre. Si les disparités entre les sociétés arabes sont réelles tant pour ce qui concerne le niveau de vie (aucune commune mesure entre les Emirats arabes unis et l'Egypte ou la Tunisie) ou de l’évolution sociale, elles souffrent toutes des mêmes maux : absence de libertés individuelle et collective exacerbée par diverses formes de pouvoirs répressifs. Aucune voix discordante n’est admise dans le concert d’unanimisme animé par une clientèle prompte à faire allégeance en échange d’avantages en milliards de dollars. Les sociétés arabes ou assimilées vivront aussi de plus en plus mal les traumatismes nés de l’occupation de la Palestine (première Nakba), les agressions répétées et impunies des Palestiniens par les Israéliens, la destruction systématique (méthodique) de l’Irak (deuxième Nakba) depuis les années 1990. Les dirigeants arabes, qui en ont conscience par ailleurs, nourrissent un grave complexe face à «l’ennemi israélien sioniste» du fait des défaites militaires successives jamais acceptées par leurs populations au demeurant. C’est la fuite en avant dans le confort et la vie facile qu’offre une manne pétrolière vue comme un bien personnel. L’argent du pétrole leur assure une certaine quiétude par la distribution de dividendes à des catégories sociales plus conscientes, c’est-à-dire acheter leur silence ou les forcer à l’exil quand il ne s’agit pas tout simplement d’emprisonnements arbitraires, de harcèlements judiciaires, etc. En Algérie, à la différence des autres pays arabes, le populisme — du fait même de la nature du pouvoir – est encore une pratique politique malgré la disparition du parti unique, la fin de l’Etat providence. Le pouvoir redistribue une partie de la rente pétrolière sous diverses formes (logements, augmentation des salaires, équipements sociaux, santé, éducation…) dans une démarche de (mauvaise) gestion des équilibres socio-politiques, la paix sociale… L’avènement du multipartisme a permis d’atténuer les antagonismes pouvoir-opposition. Il ne faut pas oublier que la président s’appuie, du moins en apparence, sur une coalition de partis conservateur (FLN), démocrate ou se revendiquant comme tel (RND) et islamiste bon ton (MSP). Avec les autres formations politiques dont les plus en vue, le FFS, le RCD, le FNA, Ennahda, le système s’offre une façade démocratique que confirmerait le pluralisme de la presse, du moins privée. Mais vingt ans après la promulgation du multipartisme, le système que l’on a voulu mettre en place a fini par être réduit à néant par les décideurs de l’ombre qui reprennent d’une main ce qu’ils ont lâché de l’autre. Piégée dans un engrenage diabolique auquel elle n’a su faire face du fait de son inexpérience, l’opposition prend brusquement conscience de sa stérilité et de la vanité de toute action politique dans un cadre balisé par de multiples interdits, l’état d’urgence, la menace terroriste et les infiltrations (fréquentes dissidences). Inexorable, le temps va les mettre à nu : les émeutes du mois de janvier dernier en sont l’exemple le plus flagrant. Vis-à-vis du pouvoir, ils sont infantilisés et réduits à des quantités négligeables (hogra). Dès lors, se posera pour ces partis un problème de légitimité, argument qu’utilisera sans scrupule un pouvoir préoccupé par casser de l’opposant et de s'inscrire dans la durée. Pourtant, aveugle, ce pouvoir doit aussi sa survie à ces partis politiques de l’opposition et aux autres voix discordantes qui vont lui procurer un semblant de crédibilité, voire de soutien public ainsi que l’a proclamé Louisa Hanoune du Parti des travailleurs (PT). La différence est là d’avec les autres pays arabes dont la configuration politique se résume à la minorité faisant partie du clan du pouvoir en l’absence de relais ou de zones-tampons. Voici donc une bonne opportunité pour le système de se réformer au risque de courir à sa perte, au pouvoir de s’ouvrir davantage aux revendications de la société, pour la justice, les libertés. Ce sont également les avertissements que lui lancent pacifiquement les marcheurs empêchés de marcher. Le temps presse. Point n’est besoin de s’interroger sur les maîtres d’œuvre qui soufflent sur le vent du changement. A défaut, ce sera le pari gagné-perdu du système.
    B. T.

    Le soir d'Algérie
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