LA SOIF DE DÉMOCRATIE DE LA JEUNESSE ARABE
L’hypocrisie de l’Occident
«Nous sommes en guerre avec l’Amérique...une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort». Silence...«Parce qu’ils sont très durs les Américains...Ils sont voraces...ils ne veulent que ce qu’ils veulent...un pouvoir sans partage sur le monde...»
François Mitterrand
Cet aveu de Mitterrand montre la dureté des relations internationales et relativise tous les discours de bonnes intentions au profit de la realpolitik. Pourtant. un vent de fronde, qui rappelle les événements du Monde arabe au début du XXe siècle avec les Jeunes Turcs, puis les Jeunes Tunisiens, Egyptiens, Algériens avec l’Emir Khaled, est en train de balayer le Monde arabe. Il s’agissait, à l’époque, de se libérer du joug du colonialisme par une émancipation encouragée, il faut le dire, par le président Wilson qui voyait d’un très mauvais oeil les accords Sykes-Picot.
Résultat des courses, seule la Turquie émergea des décombres de l’Empire Ottoman. Mustafa Kémal abolit le califat et tourna le dos à l’arabe. Près d’un siècle plus tard, l’Islam est toujours la religion majoritaire en Turquie, un gouvernement de tendance islamique gouverne.
La Turquie est citée en exemple de réussite d’une symbiose entre l’Orient et l’Occident. Le Monde arabe, dans son ensemble, n’a pas eu le saut qualitatif pour se projeter dans la modernité. Les indépendances ont donné lieu au remplacement du colonialisme par des despotes adoubés par l’Occident.
Qu’en est-il de l’Islam et de la démocratie?
Qu’est-ce que la démocratie de manière simple? Voici la définition du Robert: «Doctrine politique d’après laquelle la souveraineté doit appartenir à l’ensemble des citoyens.» De l’autre côté, qu’est-ce que l’Islam? D’après un hadith (propos du Prophète (Qsssl) très célèbre, selon Abou Houreïra, le Prophète (Qsssl) se trouvait un jour avec ses compagnons quand vint un homme habillé en blanc avec une chevelure d’un noir intense, et lui demanda: «Qu’est-ce que l’Islam?».
Le Prophète (Qsssl) répondit: «L’Islam consiste en ce que tu crois en Dieu sans rien lui associer, que tu pratiques la prière, que tu verses l’aumône légale, que tu pratiques le jeûne du Ramadhan, et que tu fasses le pèlerinage vers la demeure de Dieu une fois dans ta vie...». «La démocratie n’est pas seulement une organisation des institutions, elle est surtout une exigence morale.
Or, cette exigence n’est pas seulement une formulation abstraite, mais son contenu est déterminé selon l’espace et le temps dans lesquels elle est employée. La démocratie est donc une valeur entre deux médiocrités: au-dessous, le manque de démocratie aboutit à l’esclavage; au-dessus, le despotisme. Voyons à présent le rapport de l’Islam à la démocratie.
Pourquoi ne pas parler de démocratie musulmane à l’instar de la démocratie chrétienne. Rien de fondamental n’empêche cette figure politique. La démocratie islamique suppose donc que l’Islam a le souci du bonheur de soi et des autres compatible avec la démocratie telle que nous l’avons décrite. Le Prophète (Qsssl) lui-même était un homme très simple et consultait ses compagnons sur parfois des détails de la vie, afin de préserver cet esprit de concertation et de collégialité.
Selon le Dr Abdelaziz ben Othman Altwaijri: «Bien que dépositaire d’un système de vie global, l’Islam n’en a pas pour autant proposé des règles précises et détaillées du mode de gouvernement de l’Etat et de son dispositif économique, social et administratif. Il s’est suffi à décréter les principes généraux, les dispositions légales et les orientations, dont l’observation mène tout droit au salut et à la félicité dans le monde de l’ici-bas et de l’au-delà.
De fait, l’Islam a garanti à l’homme la liberté de pensée qui lui permet de construire des théories et d’imaginer des plans d’action pour la gestion de sa vie et des affaires de l’Etat et de la société, en conformité avec les prescriptions générales de la religion.»
Il faut une structure psychologique forte pour que la démocratie soit traduite dans des institutions. (...) La démocratie doit naître dans le terreau particulier à chaque culture pour qu’elle donne ses fruits de liberté et de savoir.(1)
L’histoire du combat démocrate dans les sociétés arabes
Pour le journaliste Samir Kassir, le «malheur arabe» vient du fait qu’il y a un déficit démocratique généralisé à toutes ses composantes, conjugué avec une hégémonie étrangère. Ce tropisme religieux est bien lui-même l’un des signes du malheur arabe. Car, si l’islamisme n’est pas - ou n’est plus - un agent de l’étranger, il est ce qui donne aux partisans de la croisade l’occasion de se croiser et à l’Occident d’employer tous les moyens que lui permet sa capacité technologique pour maintenir sa suprématie sur les Arabes et perpétuer leur impuissance».(2)
Parmi les facteurs internes aux sociétés arabes et pouvant expliquer la persistance des gouvernements despotiques dans le Monde arabe, il faut sans doute s’arrêter au rôle des assabiyyat. Ghassan Salamé décrit fort bien le phénomène des assabiyyat qui prennent au piège la démocratie dès lors que les assabiyyat «dominées» considèrent que tout phénomène d’ouverture des régimes autoritaires constitue «un signe de faiblesse de la assabiyya hégémonique».
Il s’agit là d’une croyance profondément ancrée dans les sociétés arabes et qui s’articule autour du concept de khuruj dont on peut résumer le credo par ces mots «contester, c’est sortir, sortir c’est trahir». Parce que la logique du khuruj légitime la coercition étatique, elle aboutit à une réduction majeure de l’espace politique». (...)Dans un Etat dictatorial, un intellectuel engagé, un dissident, est celui qui doit proposer une force de proposition, un contre-pouvoir à l’idéologie dominante.
Or, dans les pays arabes, force est de constater que cela ne se produit pas ainsi. Edward Saïd reproche aux intellectuels arabes de verser dans la révérence et la propagande au service du pouvoir en place. «Etant donné l’échec sur toute la ligne des dirigeants arabes», écrit Saïd «il incombe aux intellectuels de produire des analyses honnêtes et de donner des indications sur ce qui est raisonnable et juste, plutôt que de se joindre au choeur des flagorneurs qui font l’ornement des cours royales et présidentielles et des conseils d’administration, qu’ils honorent de leurs présences onctueuses et continûment déférentes».
(...) Au sein même des sociétés arabes, il est utile que les forces politiques aient le courage d’admettre le compromis indispensable à la démocratie. Cela implique de renoncer à la croyance, si ancrée dans l’inconscient collectif arabe que le fait de perdre le pouvoir signifie la perte de la vie pour l’individu ou le groupe au sein duquel il évolue»(3)
L’Occident permettra-t-il l’avènement de la démocratie dans les pays arabes?
Oui! si l’on croit le discours du Caire de juin 2009: «Quelle que soit la religion dont on se proclame, il existe ce que l’on appelle les droits de l’homme, et que tous les peuples aspirent pour l’essentiel à une poignée identique de prétentions communes.
Non! car pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi le président Obama et ses alliés européens ont eu tant de mal à se ranger aux côtés des forces de la démocratie, la raison est que la coalition des forces politiques et sociales derrière les révolutions en Tunisie et en Égypte - et peut-être ailleurs demain - constitue une menace bien plus grande au «système global», qu’Al Qaîda.
En bref, si les révolutions de 2011 réussissent, elles créeront un système régional et global totalement différent de celui qui a dominé la politique économique globale depuis des décennies, particulièrement depuis la chute du communisme».
Pour M.Michael Ledeen, conseiller sous Bush, l’objectif n’est pas de stabiliser ces pays: «La recherche de stabilité serait indigne de l’Amérique. Notre pays est celui de la destruction créatrice. Nous ne voulons pas de stabilité en Iran, en Irak, en Syrie, au Liban, ni même en Arabie Saoudite...La question est de savoir comment déstabiliser ces pays. Nous devons les détruire pour accomplir notre mission historique.» «Comme au temps de la guerre du Vietnam, où il fallait détruire les villages pour les sauver...» (4)
Voilà qui rejoint les propos de François Mitterrand. Tarik Ramadan donne des conseils à l’Occident à partir de l’Occident; il écrit: «...On entend aujourd’hui Barack Obama, Angela Merkel, David Cameron ou d’autres faire la leçon aux peuples en expliquant ce qui est juste et attendu du point de la démocratie, alors que ces mêmes dirigeants n’ont pas hésité, des décennies durant, à composer avec les pires dictateurs, dont bien sûr Moubarak, qu’ils appellent aujourd’hui à devenir plus démocrate. Qui donc est assez naïf pour croire à ces discours de récupération politicienne?» (...)
L’hypocrisie de l’Occident
«Nous sommes en guerre avec l’Amérique...une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort». Silence...«Parce qu’ils sont très durs les Américains...Ils sont voraces...ils ne veulent que ce qu’ils veulent...un pouvoir sans partage sur le monde...»
François Mitterrand
Cet aveu de Mitterrand montre la dureté des relations internationales et relativise tous les discours de bonnes intentions au profit de la realpolitik. Pourtant. un vent de fronde, qui rappelle les événements du Monde arabe au début du XXe siècle avec les Jeunes Turcs, puis les Jeunes Tunisiens, Egyptiens, Algériens avec l’Emir Khaled, est en train de balayer le Monde arabe. Il s’agissait, à l’époque, de se libérer du joug du colonialisme par une émancipation encouragée, il faut le dire, par le président Wilson qui voyait d’un très mauvais oeil les accords Sykes-Picot.
Résultat des courses, seule la Turquie émergea des décombres de l’Empire Ottoman. Mustafa Kémal abolit le califat et tourna le dos à l’arabe. Près d’un siècle plus tard, l’Islam est toujours la religion majoritaire en Turquie, un gouvernement de tendance islamique gouverne.
La Turquie est citée en exemple de réussite d’une symbiose entre l’Orient et l’Occident. Le Monde arabe, dans son ensemble, n’a pas eu le saut qualitatif pour se projeter dans la modernité. Les indépendances ont donné lieu au remplacement du colonialisme par des despotes adoubés par l’Occident.
Qu’en est-il de l’Islam et de la démocratie?
Qu’est-ce que la démocratie de manière simple? Voici la définition du Robert: «Doctrine politique d’après laquelle la souveraineté doit appartenir à l’ensemble des citoyens.» De l’autre côté, qu’est-ce que l’Islam? D’après un hadith (propos du Prophète (Qsssl) très célèbre, selon Abou Houreïra, le Prophète (Qsssl) se trouvait un jour avec ses compagnons quand vint un homme habillé en blanc avec une chevelure d’un noir intense, et lui demanda: «Qu’est-ce que l’Islam?».
Le Prophète (Qsssl) répondit: «L’Islam consiste en ce que tu crois en Dieu sans rien lui associer, que tu pratiques la prière, que tu verses l’aumône légale, que tu pratiques le jeûne du Ramadhan, et que tu fasses le pèlerinage vers la demeure de Dieu une fois dans ta vie...». «La démocratie n’est pas seulement une organisation des institutions, elle est surtout une exigence morale.
Or, cette exigence n’est pas seulement une formulation abstraite, mais son contenu est déterminé selon l’espace et le temps dans lesquels elle est employée. La démocratie est donc une valeur entre deux médiocrités: au-dessous, le manque de démocratie aboutit à l’esclavage; au-dessus, le despotisme. Voyons à présent le rapport de l’Islam à la démocratie.
Pourquoi ne pas parler de démocratie musulmane à l’instar de la démocratie chrétienne. Rien de fondamental n’empêche cette figure politique. La démocratie islamique suppose donc que l’Islam a le souci du bonheur de soi et des autres compatible avec la démocratie telle que nous l’avons décrite. Le Prophète (Qsssl) lui-même était un homme très simple et consultait ses compagnons sur parfois des détails de la vie, afin de préserver cet esprit de concertation et de collégialité.
Selon le Dr Abdelaziz ben Othman Altwaijri: «Bien que dépositaire d’un système de vie global, l’Islam n’en a pas pour autant proposé des règles précises et détaillées du mode de gouvernement de l’Etat et de son dispositif économique, social et administratif. Il s’est suffi à décréter les principes généraux, les dispositions légales et les orientations, dont l’observation mène tout droit au salut et à la félicité dans le monde de l’ici-bas et de l’au-delà.
De fait, l’Islam a garanti à l’homme la liberté de pensée qui lui permet de construire des théories et d’imaginer des plans d’action pour la gestion de sa vie et des affaires de l’Etat et de la société, en conformité avec les prescriptions générales de la religion.»
Il faut une structure psychologique forte pour que la démocratie soit traduite dans des institutions. (...) La démocratie doit naître dans le terreau particulier à chaque culture pour qu’elle donne ses fruits de liberté et de savoir.(1)
L’histoire du combat démocrate dans les sociétés arabes
Pour le journaliste Samir Kassir, le «malheur arabe» vient du fait qu’il y a un déficit démocratique généralisé à toutes ses composantes, conjugué avec une hégémonie étrangère. Ce tropisme religieux est bien lui-même l’un des signes du malheur arabe. Car, si l’islamisme n’est pas - ou n’est plus - un agent de l’étranger, il est ce qui donne aux partisans de la croisade l’occasion de se croiser et à l’Occident d’employer tous les moyens que lui permet sa capacité technologique pour maintenir sa suprématie sur les Arabes et perpétuer leur impuissance».(2)
Parmi les facteurs internes aux sociétés arabes et pouvant expliquer la persistance des gouvernements despotiques dans le Monde arabe, il faut sans doute s’arrêter au rôle des assabiyyat. Ghassan Salamé décrit fort bien le phénomène des assabiyyat qui prennent au piège la démocratie dès lors que les assabiyyat «dominées» considèrent que tout phénomène d’ouverture des régimes autoritaires constitue «un signe de faiblesse de la assabiyya hégémonique».
Il s’agit là d’une croyance profondément ancrée dans les sociétés arabes et qui s’articule autour du concept de khuruj dont on peut résumer le credo par ces mots «contester, c’est sortir, sortir c’est trahir». Parce que la logique du khuruj légitime la coercition étatique, elle aboutit à une réduction majeure de l’espace politique». (...)Dans un Etat dictatorial, un intellectuel engagé, un dissident, est celui qui doit proposer une force de proposition, un contre-pouvoir à l’idéologie dominante.
Or, dans les pays arabes, force est de constater que cela ne se produit pas ainsi. Edward Saïd reproche aux intellectuels arabes de verser dans la révérence et la propagande au service du pouvoir en place. «Etant donné l’échec sur toute la ligne des dirigeants arabes», écrit Saïd «il incombe aux intellectuels de produire des analyses honnêtes et de donner des indications sur ce qui est raisonnable et juste, plutôt que de se joindre au choeur des flagorneurs qui font l’ornement des cours royales et présidentielles et des conseils d’administration, qu’ils honorent de leurs présences onctueuses et continûment déférentes».
(...) Au sein même des sociétés arabes, il est utile que les forces politiques aient le courage d’admettre le compromis indispensable à la démocratie. Cela implique de renoncer à la croyance, si ancrée dans l’inconscient collectif arabe que le fait de perdre le pouvoir signifie la perte de la vie pour l’individu ou le groupe au sein duquel il évolue»(3)
L’Occident permettra-t-il l’avènement de la démocratie dans les pays arabes?
Oui! si l’on croit le discours du Caire de juin 2009: «Quelle que soit la religion dont on se proclame, il existe ce que l’on appelle les droits de l’homme, et que tous les peuples aspirent pour l’essentiel à une poignée identique de prétentions communes.
Non! car pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi le président Obama et ses alliés européens ont eu tant de mal à se ranger aux côtés des forces de la démocratie, la raison est que la coalition des forces politiques et sociales derrière les révolutions en Tunisie et en Égypte - et peut-être ailleurs demain - constitue une menace bien plus grande au «système global», qu’Al Qaîda.
En bref, si les révolutions de 2011 réussissent, elles créeront un système régional et global totalement différent de celui qui a dominé la politique économique globale depuis des décennies, particulièrement depuis la chute du communisme».
Pour M.Michael Ledeen, conseiller sous Bush, l’objectif n’est pas de stabiliser ces pays: «La recherche de stabilité serait indigne de l’Amérique. Notre pays est celui de la destruction créatrice. Nous ne voulons pas de stabilité en Iran, en Irak, en Syrie, au Liban, ni même en Arabie Saoudite...La question est de savoir comment déstabiliser ces pays. Nous devons les détruire pour accomplir notre mission historique.» «Comme au temps de la guerre du Vietnam, où il fallait détruire les villages pour les sauver...» (4)
Voilà qui rejoint les propos de François Mitterrand. Tarik Ramadan donne des conseils à l’Occident à partir de l’Occident; il écrit: «...On entend aujourd’hui Barack Obama, Angela Merkel, David Cameron ou d’autres faire la leçon aux peuples en expliquant ce qui est juste et attendu du point de la démocratie, alors que ces mêmes dirigeants n’ont pas hésité, des décennies durant, à composer avec les pires dictateurs, dont bien sûr Moubarak, qu’ils appellent aujourd’hui à devenir plus démocrate. Qui donc est assez naïf pour croire à ces discours de récupération politicienne?» (...)
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