«Les tambours de guerre»
On entendait déjà les «tambours de guerre» des chaînes de télévision, qui ont aussitôt sorti les grands moyens pour couvrir «la première révolte nationale en Algérie», qui faisait déjà de l’ombre, dans leurs journaux télévisés, aux événements d’Egypte et de Tunisie.
Le 12 février, il n’y a pas eu de dérive policière à Alger. Pas davantage à Annaba, à Ouargla ou à Oran où les tentatives de manifestations ont été dispersées comme dans la capitale. Des scènes des plus ordinaires sans commune mesure avec ce que nous promettaient les médias français.
La «révolte du siècle»
Par contre, des dérives il y en a eu, et généreusement, dans le monde de ces médias spécialistes du sensationnel politique qui ont commencé à retenir leur souffle à l’annonce, le mois dernier, par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, de la marche du 12 février. On entendait déjà les «tambours de guerre» des chaînes de télévision qui ont aussitôt sorti les grands moyens pour couvrir «la première révolte nationale en Algérie» qui faisait déjà de l’ombre, dans leurs journaux télévisés, aux événements d’Egypte et de Tunisie.
On a fait appel à une pléthore de «spécialistes», qui pour la plupart d’entre eux n’ont jamais mis les pieds en Algérie, venus sur les plateaux de télévision aux grandes heures d’écoute nous expliquer les causes profondes de cette révolte qui s’inscrirait en droite ligne de ce qui se passait dans les deux pays voisins. Et donner des conseils à Bouteflika au passage. Pour n’avoir rien compris à l’Algérie, on sort alors les vieilles recettes, les clichés et le stéréotype des années qui ont conduit au soulèvement d’«octobre 88».
«De l’Egypte à l’Algérie, la ligne est droite : la même misère sociale, les mêmes aspirations à la démocratie dans les trois pays gouvernés par les mêmes dictateurs.» Bouteflika, c’est Moubarak ou Ben Ali, c’est selon. La veille du «jour J», la démission de Moubarak donne de l’appétit aux journalistes qui ont eu la surprise – peut-être désagréable au fond d’eux-mêmes – d’avoir obtenu leurs visas sans difficultés auprès de l’ambassade et des consulats d’Algérie.
Des images choquantes
Sur place à Alger ce fut, hélas, pour la plupart des envoyés spéciaux français et occidentaux, la grande déception. Rien de ce qu’ils avaient vu venir. C’est le grand désenchantement de ne pas voir la grande foule de manifestants à la place du 1er Mai. Plus de policiers que de civils, sous le regard indifférent du peuple d’Alger. Cette marche n’est pas une réédition d’«octobre 88», et ne revêt aucun des aspects des révoltes populaires en Egypte et en Tunisie.
Comme il n’y a pas de bain de sang, pas même des coups de matraque ni usage de bombes lacrymogènes. Alors les envoyés spéciaux sur place se rabattent sur les chiffres et ce qui peut faire dans le sensationnel. Leurs fantasmes contrariés, ils font dans l’excès de langage et recourent à des images d’archives. Ils gonflent le nombre des manifestants, celui des interpellations, et mettent en avant le «coup à la main» reçu par maître Ali Yahia Abdenour et pour couronner le tout, le «mauvais traitement réservé à une femme enceinte». Des images qui choquent à tous les coups, en Algérie et à l’étranger.
Ils taisent l’agression indigne de Sadi contre une femme, et occultent la réalité. La chaîne de la voix française à l’étranger, France 24, a excellé dans cet art de la manipulation. Après les leçons en matière de répression d’Alliot-Marie à Ben Ali, la France avait probablement besoin de redorer un blason écorné, quitte à verser dans tout sauf dans le journalisme. Ainsi, pour le groupe de jeunes d’en face «ce sont des pro-Bouteflika» que le régime a payés pour casser la marche, un peu comme l’a fait Moubarak en envoyant ses chameliers mater les insurgés de la place Tahrir au Caire.
Pour appuyer ces raccourcis médiatiques, on fait appel cette fois à l’avis d’hommes politiques trop proches de la manif, à des chercheurs qui ont émergé de nulle part et parfois, hélas, à des confrères triés sur le volet pour dire ce que veulent bien entendre les médias étrangers nostalgiques de l’ère d’instabilité que le pays a connue et visiblement toujours non rassasiés du bain de sang des Algériens.
Donc, l’Algérie détiendrait le record des jeunes qui se sont immolés par le feu, c’est le désespoir de la jeunesse, alors que les caisses de l’Etat sont pleines à craquer. Il n’y a pas eu de bain de sang, alors on spécule sur le partage de la rente pétrolière entre les décideurs dont une partie sert à acheter la paix sociale. Nous y voilà. L’argument est trouvé. Faute de faits et d’arguments, on verse dans les clichés et les raccourcis.
Le matraquage par le réchauffé
Les commentaires inspirés des «experts» en prolifération qui se reliaient à l’antenne des chaînes d’«information continue» sont accompagnés de la rediffusion en permanence des comptes rendus de la marche du 12 février, parfois sur fond de vieilles images d’affrontements qui remontent aux années 90.
D’ailleurs, une figure emblématique de cette période de grande nostalgie des charognards de la profession était à la une, comme pour rappeler que l’Algérie peut à tout moment basculer dans une nouvelle guerre civile. «Ali Belhadj était parmi les manifestants !» Le plus irréductible salafiste «parmi les démocrates» – on aura tout vu, tout entendu – personne ne s’est pourtant demandé pourquoi il était là aux côtés du leader du RCD, après avoir été débouté par les jeunes casseurs de Bab el Oued où il a apparemment perdu ses repères.
Pas un mot sur cet indice révélateur du sens commun de la jeunesse algérienne de 2011 qui a d’autres aspirations légitimes plutôt que de se laisser encore une fois berner par le discours trompeur et inflammatoire des illuminé qui ont mis le pays à feu et à sang. De ceux qui ont toujours eu la faveur des médias occidentaux et le monopole de la parole dans certaines chaînes arabes.
Pas un mot sur la prochaine levée imminente de l’état d’urgence, le droit reconnu de manifester dans 47 wilayas, ni sur la plus que louable décision du président Bouteflika d’ouverture la télévision à l’opposition. Rien non plus sur la possibilité de pouvoir tenir des meetings dans les salles de grande capacité d’accueil de la capitale, qui auraient pu, comme pour les tickets de cinéma, valider d’une manière irréfutable la capacité de mobilisation. Pas un mot également, toujours en termes de chiffres, sur le nombre de manifestants présents, soit autour de 2000, sur une population algéroise totale de près de trois millions de personnes.
Les chaînes françaises se sont également abstenues de souligner que l’interdiction des marches ne concerne que la capitale. Pourtant, le gouvernement algérien a de meilleures raisons de veiller sur le respect de l’ordre public à Alger, où tout comme à Bruxelles ou à Madrid, les manifestations ne sont pas autorisées partout dans les rues de la capitale, ni devant les sièges des institutions telles que le Parlement national, ce qui ne semble pas avoir choqué jusque-là les médias occidentaux.
le temps d'algerie
On entendait déjà les «tambours de guerre» des chaînes de télévision, qui ont aussitôt sorti les grands moyens pour couvrir «la première révolte nationale en Algérie», qui faisait déjà de l’ombre, dans leurs journaux télévisés, aux événements d’Egypte et de Tunisie.
Le 12 février, il n’y a pas eu de dérive policière à Alger. Pas davantage à Annaba, à Ouargla ou à Oran où les tentatives de manifestations ont été dispersées comme dans la capitale. Des scènes des plus ordinaires sans commune mesure avec ce que nous promettaient les médias français.
La «révolte du siècle»
Par contre, des dérives il y en a eu, et généreusement, dans le monde de ces médias spécialistes du sensationnel politique qui ont commencé à retenir leur souffle à l’annonce, le mois dernier, par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, de la marche du 12 février. On entendait déjà les «tambours de guerre» des chaînes de télévision qui ont aussitôt sorti les grands moyens pour couvrir «la première révolte nationale en Algérie» qui faisait déjà de l’ombre, dans leurs journaux télévisés, aux événements d’Egypte et de Tunisie.
On a fait appel à une pléthore de «spécialistes», qui pour la plupart d’entre eux n’ont jamais mis les pieds en Algérie, venus sur les plateaux de télévision aux grandes heures d’écoute nous expliquer les causes profondes de cette révolte qui s’inscrirait en droite ligne de ce qui se passait dans les deux pays voisins. Et donner des conseils à Bouteflika au passage. Pour n’avoir rien compris à l’Algérie, on sort alors les vieilles recettes, les clichés et le stéréotype des années qui ont conduit au soulèvement d’«octobre 88».
«De l’Egypte à l’Algérie, la ligne est droite : la même misère sociale, les mêmes aspirations à la démocratie dans les trois pays gouvernés par les mêmes dictateurs.» Bouteflika, c’est Moubarak ou Ben Ali, c’est selon. La veille du «jour J», la démission de Moubarak donne de l’appétit aux journalistes qui ont eu la surprise – peut-être désagréable au fond d’eux-mêmes – d’avoir obtenu leurs visas sans difficultés auprès de l’ambassade et des consulats d’Algérie.
Des images choquantes
Sur place à Alger ce fut, hélas, pour la plupart des envoyés spéciaux français et occidentaux, la grande déception. Rien de ce qu’ils avaient vu venir. C’est le grand désenchantement de ne pas voir la grande foule de manifestants à la place du 1er Mai. Plus de policiers que de civils, sous le regard indifférent du peuple d’Alger. Cette marche n’est pas une réédition d’«octobre 88», et ne revêt aucun des aspects des révoltes populaires en Egypte et en Tunisie.
Comme il n’y a pas de bain de sang, pas même des coups de matraque ni usage de bombes lacrymogènes. Alors les envoyés spéciaux sur place se rabattent sur les chiffres et ce qui peut faire dans le sensationnel. Leurs fantasmes contrariés, ils font dans l’excès de langage et recourent à des images d’archives. Ils gonflent le nombre des manifestants, celui des interpellations, et mettent en avant le «coup à la main» reçu par maître Ali Yahia Abdenour et pour couronner le tout, le «mauvais traitement réservé à une femme enceinte». Des images qui choquent à tous les coups, en Algérie et à l’étranger.
Ils taisent l’agression indigne de Sadi contre une femme, et occultent la réalité. La chaîne de la voix française à l’étranger, France 24, a excellé dans cet art de la manipulation. Après les leçons en matière de répression d’Alliot-Marie à Ben Ali, la France avait probablement besoin de redorer un blason écorné, quitte à verser dans tout sauf dans le journalisme. Ainsi, pour le groupe de jeunes d’en face «ce sont des pro-Bouteflika» que le régime a payés pour casser la marche, un peu comme l’a fait Moubarak en envoyant ses chameliers mater les insurgés de la place Tahrir au Caire.
Pour appuyer ces raccourcis médiatiques, on fait appel cette fois à l’avis d’hommes politiques trop proches de la manif, à des chercheurs qui ont émergé de nulle part et parfois, hélas, à des confrères triés sur le volet pour dire ce que veulent bien entendre les médias étrangers nostalgiques de l’ère d’instabilité que le pays a connue et visiblement toujours non rassasiés du bain de sang des Algériens.
Donc, l’Algérie détiendrait le record des jeunes qui se sont immolés par le feu, c’est le désespoir de la jeunesse, alors que les caisses de l’Etat sont pleines à craquer. Il n’y a pas eu de bain de sang, alors on spécule sur le partage de la rente pétrolière entre les décideurs dont une partie sert à acheter la paix sociale. Nous y voilà. L’argument est trouvé. Faute de faits et d’arguments, on verse dans les clichés et les raccourcis.
Le matraquage par le réchauffé
Les commentaires inspirés des «experts» en prolifération qui se reliaient à l’antenne des chaînes d’«information continue» sont accompagnés de la rediffusion en permanence des comptes rendus de la marche du 12 février, parfois sur fond de vieilles images d’affrontements qui remontent aux années 90.
D’ailleurs, une figure emblématique de cette période de grande nostalgie des charognards de la profession était à la une, comme pour rappeler que l’Algérie peut à tout moment basculer dans une nouvelle guerre civile. «Ali Belhadj était parmi les manifestants !» Le plus irréductible salafiste «parmi les démocrates» – on aura tout vu, tout entendu – personne ne s’est pourtant demandé pourquoi il était là aux côtés du leader du RCD, après avoir été débouté par les jeunes casseurs de Bab el Oued où il a apparemment perdu ses repères.
Pas un mot sur cet indice révélateur du sens commun de la jeunesse algérienne de 2011 qui a d’autres aspirations légitimes plutôt que de se laisser encore une fois berner par le discours trompeur et inflammatoire des illuminé qui ont mis le pays à feu et à sang. De ceux qui ont toujours eu la faveur des médias occidentaux et le monopole de la parole dans certaines chaînes arabes.
Pas un mot sur la prochaine levée imminente de l’état d’urgence, le droit reconnu de manifester dans 47 wilayas, ni sur la plus que louable décision du président Bouteflika d’ouverture la télévision à l’opposition. Rien non plus sur la possibilité de pouvoir tenir des meetings dans les salles de grande capacité d’accueil de la capitale, qui auraient pu, comme pour les tickets de cinéma, valider d’une manière irréfutable la capacité de mobilisation. Pas un mot également, toujours en termes de chiffres, sur le nombre de manifestants présents, soit autour de 2000, sur une population algéroise totale de près de trois millions de personnes.
Les chaînes françaises se sont également abstenues de souligner que l’interdiction des marches ne concerne que la capitale. Pourtant, le gouvernement algérien a de meilleures raisons de veiller sur le respect de l’ordre public à Alger, où tout comme à Bruxelles ou à Madrid, les manifestations ne sont pas autorisées partout dans les rues de la capitale, ni devant les sièges des institutions telles que le Parlement national, ce qui ne semble pas avoir choqué jusque-là les médias occidentaux.
le temps d'algerie
Par Hamid A.
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