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Malek Chebel : "L'ère du zaïm autoproclamé est finie"

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  • Malek Chebel : "L'ère du zaïm autoproclamé est finie"

    Psychanalyste, anthropologue des religions et philosophe algérien, Malek Chebel aujourd’hui établi en France a enseigné dans plusieurs universités à travers le monde, dont celle de Constantine. En marge de la 17e édition du Maghreb des livres à Paris, il a accepté de commenter pour jeuneafrique.com l’actualité brûlante qui secoue le monde arabe.
    Jeuneafrique.com : Ces bouleversements politiques en Tunisie et en Égypte étaient-ils prévisibles, et quels en étaient les signaux ?
    Malek Chebel : Retour sur la torpeur arabe, est le titre d’un article que j’ai écrit il y a un mois. Tout le papier traite de la jeunesse du monde arabe dans son ensemble et du fait qu’il n’y a pas un seul régime qui puisse résister à une demande forte de cette jeunesse. Est-ce que cela veut dire que j’ai vu quelque chose venir ? Non, j’ai moi aussi été surpris par la rapidité du mouvement.

    Je devais le publier en temps de paix mais avec ce qui s’est passé en Tunisie, par pudeur, je ne le publierai pas. Mais dans cet écrit, j’ai voulu expliquer de quoi est faite la torpeur arabe. Pourquoi le monde arabe sommeille depuis tellement longtemps ? Pourquoi on a peur de tous les mouvements ? Et la réponse à cet état de fait est qu’un régime qui s’oppose à sa jeunesse ne mérite pas d’exister. Et ce, quelle que soit sa nature : royaume, fausse république… Si gouverner le monde arabe c’est faire taire la jeunesse, ces gouvernements n’iront pas loin. Il faut qu’ils soient tous balayés par l’histoire.
    Et heureusement, les jeunes sont plus intelligents que les pouvoirs fossiles. C’est une belle leçon que cette jeunesse est en train de nous donner. Aujourd’hui, je constate qu’il y a comme un renouvellement de cycle parce que les gens qui sont au pouvoir arrivent à des âges où ils ne peuvent plus être crédibles. D’autant que les promesses qu’ils ont faites ne sont pas tenues.

    Peut-on s’attendre à un effet domino ?
    S’il y a eu tache d’huile, c’est parce que les gens avaient les mêmes préoccupations dans différents pays et qu’ils étaient tous arrivés aux mêmes conclusions. La solution ne sera pas identique, mais c’est quasiment le même système partout. Ben Ali s’est accaparé de la richesse du pays et ceux qui sont visibles le payent. Moubarak s’est accaparé des richesses et du pouvoir en Égypte depuis plus de trente ans. Et d’ailleurs, le système égyptien ne se résume pas à Moubarak puisqu’il existe depuis 1952, avec Anouar el-Sadate.
    Il n’y a pas eu de renouvellement des élites. On le voit à la télévision, tous ceux qui avaient vocation à parler avaient soixante-dix ans et plus, y compris Omar Souleimane qui a pris le pouvoir au nom de l’armée, soutenu par les Américains. Or, dans des pays aussi jeunes, l’équation plaide pour un rajeunissement des équipes gouvernantes. Cet effet domino est plutôt visible en Égypte, au Yémen et en Jordanie. Mais concernant l’Algérie, la situation est différente.
    L’Algérie a, en quelque sorte, payé par avance sa quote-part, à partir de 1988 jusqu’à aujourd’hui. D’ailleurs, le pouvoir algérien l’a bien compris. Il leur a dit : "Manifestez autant que vous voulez, sauf à Alger". Quant à la jeunesse algérienne, elle n’est pas structurée. Il y a trente ans, l’université algérienne était comparable aux universités tunisiennes et égyptiennes. Aujourd’hui, elle est sinistrée. Ce qui ne facilite pas l’organisation des jeunes.

    Quel a été le rôle des intellectuels dans ces révolutions ?
    Malheureusement, dans le cas des Arabes en général mais en particulier en Tunisie, les intellectuels n’ont rien vu venir. La révolte ne vient pas d’eux. Ils sont débordés voire déboussolés donc il n’y a pas de parole d’intellectuels. Il n’y en avait déjà pas en temps de paix et il n’y en a pas non plus actuellement, en temps de crise.
    Il faut dire que la parole des intellectuels arabes est essentiellement à l’extérieur des pays. Elle n’a donc pas beaucoup de validité. Il faut être au cœur de la foule pour pouvoir être crédible. Et s’il y a un parti que les intellectuels doivent soutenir, c’est celui des jeunes. La demande des jeunes est prioritaire à toutes les autres demandes.

    Ces gouvernements sont-ils, comme ils le prétendent, un rempart contre l’islamisme?
    Foutaises…Tous ces autocrates qui disent "Je suis un barrage contre l’islamisme" sans établir un État de droit sont comme les islamistes. C’est avec des règles strictes, une séparation des deux corps du temporel et de l’intemporel, un fonctionnement moderne des institutions de l’État, une presse libre, une opposition, des syndicats, des étudiants qui s’expriment, des intellectuels qui ont le droit de parler et qui ne prennent pas de risque même en contestant l’essence du pouvoir que l’on peut relativiser la parole des islamistes.
    De cette façon, on peut même les éjecter du champ social. Ce faux argument a fonctionné un moment, mais l’ère du zaïm [le chef] autoproclamé et providentiel est bel et bien finie. Nous pouvons régler ce mal de l’intérieur pour la simple raison qu’il s’est formé à l’intérieur.


    Dans la vaste bibliographie de Malek Chebel figurent entre autres :
    Sagesses d’Islam, Malek Chebel, First, 2009.
    L’islam pour les nuls, Malcolm Clark et Malek Chebel, First, 2008.
    Dictionnaire amoureux de l’islam, Malek Chebel, Plon, 2009
    Le Kama-Sutra Arabe, Malek Chebel, Pauvert, 2006.
    L’Esclavage en Terre d’Islam, Malek Chebel, Fayard, 2007.



    JeuneAfrique



  • #2
    Tres bonne analyse...
    Mais triste constat d'une Algerie qui regresse...
    Fière d'être algérienne...

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