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Contestation au Maroc : les anti-manif contre-attaquent

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  • Contestation au Maroc : les anti-manif contre-attaquent

    Le Maroc connaît à son tour son appel à manifester « pour le changement » qui circule sur les réseaux sociaux. Mais cette mobilisation, prévue le 20 février, suscite un débat brouillé par le contexte géopolitique et par le fait que le pays est dirigé par un roi, Mohammed VI, et pas par un général. Le Maroc peut-il lui aussi être gagné par la fièvre révolutionnaire, ou est-il « différent » ?
    Une vidéo a été postée lundi sur YouTube, et une page Facebook a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures pour appeler à manifester dimanche à travers le royaume, à l'instar des mouvements qui ont déjà fait partir les présidents de Tunisie et d'Egypte, ou qui se poursuivent de l'Algérie voisine au lointain Yémen.

    L'instigateur de l'appel à manifester sur Facebook, Rachid Antid, 35 ans, est un natif et habitant de Meknès, ville du Nord du pays, licencié en droit privé, formé en informatique et actuellement au chômage. Rachid Antid avance à visage découvert et affirme ne pas craindre la répression.
    Pourtant, peu après la popularisation de son groupe Facebook, des policiers sont venus questionner sa mère, chez qui il vit toujours, ainsi que le concierge de l'immeuble. « C'est surtout un moyen de passer le message : “tu es surveillé” », interprète-t-il.
    Et les réactions à son appel ne sont pas toutes positives. Sur le mur du groupe, les insultes pleuvent : d'espion algérien à homosexuel, rien est épargné à Rachid Antid et ses camarades.
    Le ministre des Sports, dont le profil Facebook est très populaire, a aussi dit tout le mal qu'il pensait de ce genre d'initiatives, qui viseraient selon lui à « déstabiliser » le pays.
    Rachid Niny, influent éditorialiste, a publié un portrait au vitriol du jeune internaute, s'attardant sur sa vie personnelle, et son prétendu penchant pour l'alcool.

    Débloquer le processus politique

    Parfois un peu confus, le jeune homme avance tout de même une idée claire et partagée par de nombreuses personnes :

    « Au début du règne, en 1999, au moment de “la nouvelle ère”, nous avons reçu des messages de grands changements [droits des femmes, retour sur les “années de plomb”, etc. ndlr] mais depuis, ce processus est bloqué. »

    Contre l'immobilisme et la panne politique (63% d'abstention aux dernières législatives), face aussi au fossé social plus grand encore au Maroc que dans d'autres pays arabes, Rachid Antid en appelle à la volonté populaire et assure : « Il faut tout changer et commencer par la Constitution. »
    Sur ce dernier point, il reste évasif, ne citant pas d'articles précis, notamment aucun de ceux consacrant l'autorité royale.
    Dans le même temps, la parole s'est libérée ; le pays a applaudi des deux mains les révolutionnaires égyptiens et suivi assidûment les événements via la chaîne Al Jazeera.

    Mais tous ceux qui ont voulu inclure le Maroc dans la théorie des dominos à la suite de la Tunisie et de l'Egypte sont sévèrement attaqués.
    Y compris Moulay Hicham, cousin du roi, en froid avec le palais, installé aux Etats-Unis, dénoncé pour son interview au quotidien espagnol El País, dans laquelle il estimait que le Maroc « ne fera pas exception » à cette contestation. Des propos qu'il devait reprendre, et nuancer, sur le plateau de France 2.

    Autre polémique lorsque le mouvement islamiste extra parlementaire Al Adl Wal Ihsane (Justice et Spiritualité, qui compte environ 100 000 membres) a, par la voix d'un de ses cadres, Nadia Yassine, fait savoir qu'il soutiendrait tout mouvement démocratique.
    Des internautes, sur Facebook, ont du coup appelé les manifestants du 20 février à la vigilance, leur conseillant de se tenir éloignés des « fascistes » et des « radicaux » de Justice et Spiritualité.
    Rachid Antid, en bon démocrate affirme : « Ils peuvent participer, personne n'est exclu », mais ajoute « Ils devraient réviser leurs positions sur la liberté de culte et d'opinion. »

    Pas une révolution contre le roi, mais avec lui



    L'ambiguïté d'une bonne partie de l'élite marocaine vis-à-vis de la contestation du régime chérifien, contrairement à ce qui a pu se passer en Tunisie ou en Egypte, est clairement exprimée par cet éditorial très légitimiste de Karim Boukhari, directeur du magazine Tel Quel, autrefois très critique à l'égard de la monarchie :


    « Un chef de parti nous a dit très clairement : “Avant on avait peur de Hassan II, aujourd'hui on a peur pour Mohammed VI.” Comment le contredire ? Comment ne pas voir que ce virage, ce glissement de la peur est important ?




    La peur nous habite encore et toujours, mais cette peur a changé d'objet, de mobile, de sens. Ce n'est plus la même peur et, pour tout vous dire, nous ne sommes plus les mêmes face à cette peur. Nous avons grandi, nous nous sommes affranchis d'un certain nombre de dogmes et nous voyons bien que cette peur nouvelle est plus humaine, plus “moderne”, c'est une peur acceptable parce que plus en rapport avec notre époque, avec ce que nous sommes. […]


    Tunisiens et Egyptiens avaient ceci de commun : ils ont d'abord mené la révolution contre leurs présidents. Le Maroc a la chance d'être différent : c'est un pays qui a besoin d'une correction, pas d'une reconstruction. Ce n'est pas un pays à refaire mais à mieux faire.
    En une phrase comme en mille, le Maroc n'a pas besoin de mener la révolution contre son roi mais avec lui. La bande-annonce est bonne, on n'a surtout pas envie de la changer, maintenant on attend que le film soit bon aussi… et on pense qu'il peut l'être, effectivement. Goûtez toute la différence. »


    Sur les réseaux sociaux, la bataille des pro et anti-manif du 20 février fait rage et se poursuivra jusqu'à dimanche. Parfois, c'est fait avec humour, comme avec ce tweet provocateur :


    « Si vous n'êtes pas contents au Maroc, vous n'avez qu'à vous immoler en Tunisie. »


    Par Rue89 | 16/02/2011
    Pierre Haski, avec Julien Crétois au Maroc
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