Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La mise en scène démocratique algérienne.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La mise en scène démocratique algérienne.

    Aux derniers incrédules qui doutaient que l’Algérie vivait en démocratie, la récente querelle qui vient d’opposer le Premier ministre au RCD aura apporté une bien cinglante démonstration. Voilà, en effet, une algarade qui n’aura manqué ni de sel ni de piquant, et dont les téléspectateurs algériens, qui n’en demandaient pas tant, ont été conviés à en suivre chaque mot par une télévision nationale brusquement reconvertie à la transparence et dont on retiendra que, pour la circonstance, elle a soigneusement rangé ses ciseaux au placard.
    Et ce fut ainsi, à notre grand ébahissement, qu’au pays où fut violée la Constitution et imposé le pouvoir à vie, sur cette terre où les rassemblements sont interdits et les manifestants jetés en prison, dans la belle Algérie où des livres sont prohibés et les médias contrôlés, à l’heure où le militant Teguia était arrêté, eh bien, dans ce pays-là, à cette heure-là, le chef du gouvernement était insulté en direct par l’opposition ! Les chorégraphes du régime venaient de réussir la prouesse délicate et primordiale de créer l’illusion du pluralisme par la surreprésentation médiatique d’une réalité politique inexistante.
    Mais Dieu, que l’exercice est ardu pour un journaliste ! En tout cas, bien au dessus de nos compétences, au matindz. Tous les anciens vous le diront : le critique de théâtre est, de tous les genres journalistiques, celui le plus redouté. Il faut déployer des trésors d’ingéniosité pour rapporter des faux-semblants à un public adulte et revenu de tout. On n’imagine pas ce qu’il faut de talent, dans cette algarade entre Ouyahia et le RCD, pour relater une guerre des mots qui n’intéresse personne, dans un hémicycle raillé par les Algériens, chez des députés que personne n’a élu, autour d’un programme dont nul ne se soucie, face à un Premier ministre que personne ne croit…
    Ce n’était pas du grand Shakespeare, cette façon baroque et peu subtile de pasticher les parlements démocratiques et je ne suis pas certain que les Algériens se soient laissés prendre à la farce, en dehors, bien entendu, d’une société de connivence qui souhaite tout savoir du superflu et surtout rien de l'essentiel, et qui ne rate rien des futilités indispensables aux dîners en ville. Elle a, en tout cas, a dû combler d’aise M. Mehal, intendant, pour le compte du grand chorégraphe, de ce show épique. Mieux que tous ses prédécesseurs, le nouveau ministre de la Communication est en train de réussir dans un apostolat capital pour le régime en place, celui de remodeler l’autoritarisme et le mettre à l’heure de la démocratie.
    Le RCD, lui, se sera servi de la surreprésentation médiatique pour compenser un certain déficit militant sur le terrain – qui ne lui est pas propre - et cela reste, ma foi, de bonne guerre. Il en coûte, néanmoins, à nos amis du RCD de ressembler à ce groupe de paroissiens puceaux qui se retrouve, par accident, dans une maison close, qui s’indigne d’y rencontrer des femmes de petite vertu, qui se prend de querelle avec la maquerelle., entreprenant, avec force vocifération, d’informer le voisinage des licencieuses activités qu’abrite le lupanar.
    Mais jusqu’à quand le RCD, qui a fait le choix de côtoyer les amuseurs, les doublures et les figurants dans la vaste comédie du pouvoir, s’obstinera-t-il à raconter aux Algériens déniaisés, ce qu’ils savent déjà ?
    Ce n’était pas du grand Shakespeare, non, cette bacchanale qui mit si brillamment en scène un Grand vizir ulcéré et des « élus » de l'opposition exhibés comme preuves vivantes d'une « vraie démocratie parlementaire », mais qu’importe ! A quelques jours de la visite de Mme Hillary Clinton, le simulacre de substituer une farce baroque à la vraie démocratie, à la représentation politique de valeurs, d’intérêts et d’idées, c'est-à-dire aux attributs fondamentaux de la vraie démocratie, ce simulacre-là, ma foi, valait la chandelle, pour le régime s’entend. Nous sommes une joumloukia aux atours démocratiques, avec notre Constitution bien écrite, notre Parlement « élu », notre « opposition » et notre président qui prend soin de solliciter du bon peuple le renouvellement périodique de son mandat perpétuel.
    Non, ce n’est pas du grand Shakespeare, mais c’est tout de même du vrai faux Tocqueville, n’est-il pas, madame, puisque dans votre monde la démocratie, le jeu parlementaire et les élections sont devenues la seule source de légitimité reconnue et qu’il nous faut donc controverser comme vous le faites et organiser des élections, comme vous le faites. Tout cela, madame, ne sera que simulacre, nos parlements sont verrouillés, et nos élections n’assureront aucune alternance ! Bien au contraire, elles ne feront que légitimer le pouvoir en place. Mais l’important, n’est-ce pas, est que les médias en parlent…

    M.B.

    *********
    si on peut tromper beaucoup de monde quelque temps, ou tromper peu de monde longtemps, on ne peut tromper tout le monde tout le temps
Chargement...
X