Farid Aïssani
Texte de l’intervention de Farid Aïssani, Enseignant/ Ex-secrétaire national à l’Emigration du FFS- (Algérie), au Colloque organisé par Madame la sénatrice Alima Boumediene-Thiery (Les Verts) sur le thème de: « L’Union du Maghreb, un préalable à l’Union pour la Méditerranée ? », Palais du Luxembourg, le samedi 21 février 2009.
Dans l’intitulé de mon intervention, « Le Maghreb des peuples : une chance pour l’Union méditerranéenne », le choix de l’expression « Maghreb des peuples » n’est pas innocent. Celle-ci a été si galvaudée au lendemain des indépendances nationales qu’il n’y a plus grand monde pour y croire. Elle demeure pourtant d’actualité. La construction d’un Maghreb des peuples est devenue une nécessité politique et géostratégique. Partant de là, tout projet d’Union méditerranéenne doit prendre en compte cette nécessité d’intégration régionale du Maghreb.
I/ Le Maghreb des pouvoirs autoritaires
Avec les indépendances nationales, les peuples du Maghreb n’ont, paradoxalement, pas obtenus le droit de choisir leur propre destinée. Les pouvoirs autoritaires qui se sont installés aux commandes ont confisqué la souveraineté populaire dans les cinq pays du Maghreb. Environ cinquante ans après, ces pays peinent à sortir de l’ornière autoritaire.
La Libye
Mouammar Kadhafi est toujours aux commandes, 40 ans après le coup d’Etat militaire qui l’a intronisé.
La Mauritanie
Un vent d’espoir a soufflé sur ce pays après l’élection présidentielle de mars 2007. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a été porté à la présidence suite à une transition démocratique ponctuée par un scrutin à deux tours exemplaire. Etait-ce la fin du cycle des coups d’État militaires ? Malheureusement non. Le 6 août dernier, à la faveur d’un nouveau coup d’État militaire, il a été renversé.
L’Algérie, le Maroc et la Tunisie
Ces trois pays sont, aujourd’hui encore, hermétiques à toute idée démocratique. Les pouvoirs en place ont conscience qu’une simple démocratie de façade suffit amplement à donner le change sur le plan international. Les démocraties occidentales ont, certes, imposé dans les relations internationales des standards de « démocratie » et de « bonne gouvernance », mais, dans la pratique, elles se satisfont de simples faux-semblants. Pour ces dernières, leurs intérêts immédiats priment sur tout le reste. L’essentiel étant de ne pas apparaître ouvertement en porte-à-faux avec les valeurs universelles dont elles se réclament, car le risque d’être désavouées par leur opinion publique, composée de citoyens-électeurs, les oblige à quelques retenues.
C’est dans un tel contexte, caractérisé par un climat d’hypocrisie dans les relations internationales, que les régimes autoritaires maghrébins ont instauré des jeux politiques factices. Pour donner quelque peu de crédibilité à ces pseudo-ouvertures, ils tolèrent un certain pluralisme politique, syndical, associatif et médiatique. Mais, parallèlement, tous les moyens de l’Etat sont utilisés pour miner l’échiquier politique. L’essentiel pour eux étant d’atomiser, de neutraliser et de réduire, voire de contrôler, leur opposition politique.
Ainsi, la vie politique dans un pays du Maghreb est réduite à :
- une représentation nationale croupion ;
- des organisations politiques réduites à un rôle « d’alibi démocratique » ;
- une Constitution périodiquement piétinée par les tenants du pouvoir ;
- un champ politique illisible (où règne une cacophonie organisée) ;
- un recyclage permanent de cadres de l’opposition. Les uns cédant aux sirènes des pouvoirs autoritaires, alors que les autres continuent de subir toutes sortes d’intimidations - l’assassinat politique restant une pratique usitée par les régimes autoritaires maghrébins.
Le terrain de la confrontation politique s’avère donc être un leurre. Au fil des ans, la société maghrébine a fini par intégrer cette réalité. Cette situation a entraîné la disqualification de l’ensemble des acteurs politiques, y compris les organisations autonomes de l’opposition démocratique. Plus grave encore, l’instrumentalisation à outrance du champ politique a fini par discréditer, aux yeux d’une opinion maghrébine sceptique, le concept même de « démocratie ». Ce sentiment d’indifférence vis-à-vis du politique, renvoyé par les sociétés civiles maghrébines, trouve dans une moindre mesure son origine dans l’échec des partis autonomes de l’opposition démocratique. Ces derniers ne sont pas exempts de toute responsabilité. Même si certains d’entre eux, précurseurs des luttes pour les libertés démocratiques au Maghreb, à l’instar de l’USFP (1) au Maroc et du FFS (2) en Algérie, ont fait naître dans l’opinion une véritable espérance démocratique. De toute évidence, ils se sont avérés incapables d’incarner des alternatives démocratiques aux pouvoirs en place. Le fonctionnement d’appareil ayant partout pris le pas sur la vie organique et politique des structures de base. Cela s’est traduit par une fermeture du jeu politique à l’intérieur d’organisations se réclamant, paradoxalement, des principes et des idéaux démocratiques. Un comble.
Cette situation a favorisé l’émergence de radicalismes politiques adossés à telle ou telle autre composante de la personnalité maghrébine : Berbérité, Arabité, Islamité… Cette absence de confiance envers les acteurs du champ politique institutionnel, toutes tendances confondues, a induit une crise de la médiation politique. L’expression des mécontentements populaires s’est ainsi, tout naturellement, retrouvée dans la rue sous forme d’émeutes incontrôlables. Les revendications populaires, qui auraient pu s’inscrire dans une confrontation politique régulée par les mécanismes inhérents à un jeu démocratique, se traduisent sur le terrain par autant de situations insurrectionnelles :
- au Maroc, les émeutes de Sidi Ifni (2008) ;
- en Tunisie, les émeutes du bassin minier de Gafsa (2008) ;
- en Algérie, les émeutes se suivent à un rythme soutenu : Kabylie (2001), Oran (2008), Chlef (2008), Ghardaia (2008/2009), etc. ;
- en Mauritanie, les émeutes de la faim (2007) ;
- en Libye, a Benghazi, des émeutes anti-italiennes se finissent dans un bain de sang (2006) ?
Texte de l’intervention de Farid Aïssani, Enseignant/ Ex-secrétaire national à l’Emigration du FFS- (Algérie), au Colloque organisé par Madame la sénatrice Alima Boumediene-Thiery (Les Verts) sur le thème de: « L’Union du Maghreb, un préalable à l’Union pour la Méditerranée ? », Palais du Luxembourg, le samedi 21 février 2009.
Dans l’intitulé de mon intervention, « Le Maghreb des peuples : une chance pour l’Union méditerranéenne », le choix de l’expression « Maghreb des peuples » n’est pas innocent. Celle-ci a été si galvaudée au lendemain des indépendances nationales qu’il n’y a plus grand monde pour y croire. Elle demeure pourtant d’actualité. La construction d’un Maghreb des peuples est devenue une nécessité politique et géostratégique. Partant de là, tout projet d’Union méditerranéenne doit prendre en compte cette nécessité d’intégration régionale du Maghreb.
I/ Le Maghreb des pouvoirs autoritaires
Avec les indépendances nationales, les peuples du Maghreb n’ont, paradoxalement, pas obtenus le droit de choisir leur propre destinée. Les pouvoirs autoritaires qui se sont installés aux commandes ont confisqué la souveraineté populaire dans les cinq pays du Maghreb. Environ cinquante ans après, ces pays peinent à sortir de l’ornière autoritaire.
La Libye
Mouammar Kadhafi est toujours aux commandes, 40 ans après le coup d’Etat militaire qui l’a intronisé.
La Mauritanie
Un vent d’espoir a soufflé sur ce pays après l’élection présidentielle de mars 2007. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a été porté à la présidence suite à une transition démocratique ponctuée par un scrutin à deux tours exemplaire. Etait-ce la fin du cycle des coups d’État militaires ? Malheureusement non. Le 6 août dernier, à la faveur d’un nouveau coup d’État militaire, il a été renversé.
L’Algérie, le Maroc et la Tunisie
Ces trois pays sont, aujourd’hui encore, hermétiques à toute idée démocratique. Les pouvoirs en place ont conscience qu’une simple démocratie de façade suffit amplement à donner le change sur le plan international. Les démocraties occidentales ont, certes, imposé dans les relations internationales des standards de « démocratie » et de « bonne gouvernance », mais, dans la pratique, elles se satisfont de simples faux-semblants. Pour ces dernières, leurs intérêts immédiats priment sur tout le reste. L’essentiel étant de ne pas apparaître ouvertement en porte-à-faux avec les valeurs universelles dont elles se réclament, car le risque d’être désavouées par leur opinion publique, composée de citoyens-électeurs, les oblige à quelques retenues.
C’est dans un tel contexte, caractérisé par un climat d’hypocrisie dans les relations internationales, que les régimes autoritaires maghrébins ont instauré des jeux politiques factices. Pour donner quelque peu de crédibilité à ces pseudo-ouvertures, ils tolèrent un certain pluralisme politique, syndical, associatif et médiatique. Mais, parallèlement, tous les moyens de l’Etat sont utilisés pour miner l’échiquier politique. L’essentiel pour eux étant d’atomiser, de neutraliser et de réduire, voire de contrôler, leur opposition politique.
Ainsi, la vie politique dans un pays du Maghreb est réduite à :
- une représentation nationale croupion ;
- des organisations politiques réduites à un rôle « d’alibi démocratique » ;
- une Constitution périodiquement piétinée par les tenants du pouvoir ;
- un champ politique illisible (où règne une cacophonie organisée) ;
- un recyclage permanent de cadres de l’opposition. Les uns cédant aux sirènes des pouvoirs autoritaires, alors que les autres continuent de subir toutes sortes d’intimidations - l’assassinat politique restant une pratique usitée par les régimes autoritaires maghrébins.
Le terrain de la confrontation politique s’avère donc être un leurre. Au fil des ans, la société maghrébine a fini par intégrer cette réalité. Cette situation a entraîné la disqualification de l’ensemble des acteurs politiques, y compris les organisations autonomes de l’opposition démocratique. Plus grave encore, l’instrumentalisation à outrance du champ politique a fini par discréditer, aux yeux d’une opinion maghrébine sceptique, le concept même de « démocratie ». Ce sentiment d’indifférence vis-à-vis du politique, renvoyé par les sociétés civiles maghrébines, trouve dans une moindre mesure son origine dans l’échec des partis autonomes de l’opposition démocratique. Ces derniers ne sont pas exempts de toute responsabilité. Même si certains d’entre eux, précurseurs des luttes pour les libertés démocratiques au Maghreb, à l’instar de l’USFP (1) au Maroc et du FFS (2) en Algérie, ont fait naître dans l’opinion une véritable espérance démocratique. De toute évidence, ils se sont avérés incapables d’incarner des alternatives démocratiques aux pouvoirs en place. Le fonctionnement d’appareil ayant partout pris le pas sur la vie organique et politique des structures de base. Cela s’est traduit par une fermeture du jeu politique à l’intérieur d’organisations se réclamant, paradoxalement, des principes et des idéaux démocratiques. Un comble.
Cette situation a favorisé l’émergence de radicalismes politiques adossés à telle ou telle autre composante de la personnalité maghrébine : Berbérité, Arabité, Islamité… Cette absence de confiance envers les acteurs du champ politique institutionnel, toutes tendances confondues, a induit une crise de la médiation politique. L’expression des mécontentements populaires s’est ainsi, tout naturellement, retrouvée dans la rue sous forme d’émeutes incontrôlables. Les revendications populaires, qui auraient pu s’inscrire dans une confrontation politique régulée par les mécanismes inhérents à un jeu démocratique, se traduisent sur le terrain par autant de situations insurrectionnelles :
- au Maroc, les émeutes de Sidi Ifni (2008) ;
- en Tunisie, les émeutes du bassin minier de Gafsa (2008) ;
- en Algérie, les émeutes se suivent à un rythme soutenu : Kabylie (2001), Oran (2008), Chlef (2008), Ghardaia (2008/2009), etc. ;
- en Mauritanie, les émeutes de la faim (2007) ;
- en Libye, a Benghazi, des émeutes anti-italiennes se finissent dans un bain de sang (2006) ?
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