« S’ils pressentent une situation de chaos, fatal au pays, il n’est pas interdit de penser que les chefs militaires algériens agiraient identiquement aux forces armées égyptiennes »
Ancien officier supérieur de l’Armée Nationale Populaire (ANP), Mohamed Chafik Mesbah est politologue. Docteur d’État en Sciences politiques et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres, il se consacre actuellement à des activités de recherche académique.
La CNCD a tenté d’organiser le 12 février une marche à Alger. La marche a été empêchée par les autorités. Quelle appréciation portez‑vous sur cet événement ?
Le résultat de la manifestation du 12 février dernier était prévisible. Il ne faut pas focaliser, par conséquent, sur les chiffres. Inutile de se perdre en conjectures sur l’aspect quantitatif du résultat. Il est plus utile d’examiner, plutôt, les enseignements susceptibles d’être tirés de l’évènement. Le premier enseignement est relatif à la conduite des pouvoirs publics. L’attitude défensive des pouvoirs publics reflète, manifestement, la crainte d’un débordement populaire éventuel. L’impressionnant dispositif policier mis en place et les mesures drastiques appliquées pour éviter que les trains et les véhicules susceptibles de transporter les manifestants n’accèdent à la capitale sont révélateurs d’un état de crispation. La crainte des pouvoirs publics est illustrée, aussi, par leur prudence excessive comme en témoigne la décision de ne pas doter d’armes à feu les policiers mobilisés pour la circonstance. Le deuxième enseignement est relatif à ce large fossé qui sépare l’élite politique et intellectuelle du pays de l’écrasante majorité de la population, constituée de jeunes de moins de vingt ans, généralement cantonnés à la périphérie lointaine de la prospérité. Cela ne constitue pas un jugement de valeur sur la bonne foi ou sur l’efficacité des organisateurs .Certes, les organisateurs ne semblent pas avoir envisagé des solutions alternatives pour contourner les entraves posées par les forces de l’ordre. Dans le cas d’espèce, il est permis, cependant, de se demander si l’objectif ne portait pas, finalement, sur le message à délivrer à l’opinion publique internationale en vue de la prendre à témoin quant à l’obstruction que rencontre toute manifestation pacifique dans le pays. Sur ce registre, l’objectif est atteint comme en témoignent, outre la couverture médiatique internationale, les déclarations officielles des gouvernements américain, français et allemand. Le message délivré est double. Il s’agit, en direction des organisateurs des manifestations, d’un encouragement à persévérer. En direction des autorités officielles, il s’agit de délivrer un avertissement, sinon une incitation à entamer le processus de réformes politiques souhaité par la population. A un moment des plus inattendus, jaillira l’étincelle qui fera bouger la multitude de jeunes Algériens, notamment ceux qui peuplent les quartiers insalubres de la capitale. Aucun dispositif sécuritaire, quelle que soit son importance, ne pourra, alors, contenir l’exaspération populaire.
Selon le pouvoir, la population nourrit des réticences à participer à des manifestations qui peuvent dégénérer vers la violence…
Quel mépris pour le peuple algérien et sa jeunesse ! Que dire devant ce manque effarant de clairvoyance des pouvoirs publics qui, comme une litanie, opposent cette vérité tronquée à la face du monde? Voilà, à ce propos, les propos, directement, recueillis auprès d’un jeune habitant de Bab El Oued qui avait participé aux manifestations du mois de janvier dernier : « Nous sommes comme des volcans. De temps en temps, nous crachons le feu pour respirer ». Ils sont des centaines de milliers de jeunes pour penser à l’identique.
TSA
Ancien officier supérieur de l’Armée Nationale Populaire (ANP), Mohamed Chafik Mesbah est politologue. Docteur d’État en Sciences politiques et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres, il se consacre actuellement à des activités de recherche académique.
La CNCD a tenté d’organiser le 12 février une marche à Alger. La marche a été empêchée par les autorités. Quelle appréciation portez‑vous sur cet événement ?
Le résultat de la manifestation du 12 février dernier était prévisible. Il ne faut pas focaliser, par conséquent, sur les chiffres. Inutile de se perdre en conjectures sur l’aspect quantitatif du résultat. Il est plus utile d’examiner, plutôt, les enseignements susceptibles d’être tirés de l’évènement. Le premier enseignement est relatif à la conduite des pouvoirs publics. L’attitude défensive des pouvoirs publics reflète, manifestement, la crainte d’un débordement populaire éventuel. L’impressionnant dispositif policier mis en place et les mesures drastiques appliquées pour éviter que les trains et les véhicules susceptibles de transporter les manifestants n’accèdent à la capitale sont révélateurs d’un état de crispation. La crainte des pouvoirs publics est illustrée, aussi, par leur prudence excessive comme en témoigne la décision de ne pas doter d’armes à feu les policiers mobilisés pour la circonstance. Le deuxième enseignement est relatif à ce large fossé qui sépare l’élite politique et intellectuelle du pays de l’écrasante majorité de la population, constituée de jeunes de moins de vingt ans, généralement cantonnés à la périphérie lointaine de la prospérité. Cela ne constitue pas un jugement de valeur sur la bonne foi ou sur l’efficacité des organisateurs .Certes, les organisateurs ne semblent pas avoir envisagé des solutions alternatives pour contourner les entraves posées par les forces de l’ordre. Dans le cas d’espèce, il est permis, cependant, de se demander si l’objectif ne portait pas, finalement, sur le message à délivrer à l’opinion publique internationale en vue de la prendre à témoin quant à l’obstruction que rencontre toute manifestation pacifique dans le pays. Sur ce registre, l’objectif est atteint comme en témoignent, outre la couverture médiatique internationale, les déclarations officielles des gouvernements américain, français et allemand. Le message délivré est double. Il s’agit, en direction des organisateurs des manifestations, d’un encouragement à persévérer. En direction des autorités officielles, il s’agit de délivrer un avertissement, sinon une incitation à entamer le processus de réformes politiques souhaité par la population. A un moment des plus inattendus, jaillira l’étincelle qui fera bouger la multitude de jeunes Algériens, notamment ceux qui peuplent les quartiers insalubres de la capitale. Aucun dispositif sécuritaire, quelle que soit son importance, ne pourra, alors, contenir l’exaspération populaire.
Selon le pouvoir, la population nourrit des réticences à participer à des manifestations qui peuvent dégénérer vers la violence…
Quel mépris pour le peuple algérien et sa jeunesse ! Que dire devant ce manque effarant de clairvoyance des pouvoirs publics qui, comme une litanie, opposent cette vérité tronquée à la face du monde? Voilà, à ce propos, les propos, directement, recueillis auprès d’un jeune habitant de Bab El Oued qui avait participé aux manifestations du mois de janvier dernier : « Nous sommes comme des volcans. De temps en temps, nous crachons le feu pour respirer ». Ils sont des centaines de milliers de jeunes pour penser à l’identique.
TSA
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