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L'Allemagne, un modèle à relativiser

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  • L'Allemagne, un modèle à relativiser

    Laurent Pinsolle - Blogueur associé Dans Marianne Vendredi 18 Février 2011

    Le « modèle allemand » est souvent vanté comme exemple aux autres pays de l'Union Européenne. Est-il pour autant à suivre ? Laurent Pinsolle montre ici qu'il faut voir au delà des remarquables excédents commerciaux à l'exportation d'un pays à la croissance fragile.

    L’Allemagne est au cœur du débat économique. Certains vantent ses performances en soulignant ses excédents commerciaux mais oublient sa faible croissance. D’autres dénoncent sa politique non coopérative en oubliant qu’elle est un État souverain. Qu’en est-il ?

    Le modèle Allemand

    L’Allemagne est depuis longtemps un pays tourné vers l’exportation de produits industriels. Au début des années 1980, environ 45% de son PIB était encore réalisé par l’industrie, contre 30% en France ou en Grande-Bretagne. En trente ans, cette part a baissé de 15 points dans les trois pays. Ceux qui regardent le verre à moitié plein voient un même niveau de désindustrialisation. Le pays s’appuie sur une spécialisation dans les machines outils et un fort tissu d’entreprises moyennes.

    Pour être honnête, l’Allemagne réalise des performances assez exceptionnelles. The Economist y a consacré un dossier récemment qui montre que si les exportations Allemandes en Chine ont atteint 51 milliards de dollars en 2009, ce chiffre atteint à peine 11 milliards pour la France, 9 pour l’Italie et 8 pour la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, le pays accumule 150 milliards d’euros d’excédents commerciaux en une année, plus de 5% de son PIB.

    Le rôle de l’euro et de l’Union Européenne

    L’arrivée de l’euro et l’intégration des pays d’Europe de l’Est a considérablement modifié la donne. En effet, aux parités d’entrée dans l’euro, l’Allemagne s’est retrouvée avec des coûts salariaux supérieurs de 25% à la moyenne. En outre, la réunification a considérablement réduit l’excédent commercial, comme le montre Eric Verhaeghe dans un récent papier. Mais l’intégration des pays de l’Est lui a permis de disposer d’une base de production à bas coût à proximité.

    Du coup, les industriels allemands ont pu délocaliser une partie de la production de leurs composants dans des pays où le coût du travail du travail est beaucoup plus faible (le SMIC Roumain représente 10% du SMIC Français) pour être plus compétitif. Il faut noter qu’un euro cher devient un avantage puisqu’il baisse le coût d’achat de ces composants. Enfin, la maîtrise des coûts de production a permis au pays de restaurer sa compétitivité et de dégager ses excédents essentiellement dans la zone euro.

    Le côté obscur du modèle Allemand

    Mais ce modèle n’est pas dépourvu de faiblesses. Comme Le Monde le souligne, il s’appuie sur un appauvrissement de la population depuis une dizaine d’années. La fondation Terra Nova explique que « la logique politique implicite est insoutenable : appauvrir les salariés allemands pour qu'ils soient compétitifs sur le marché mondial. Cet appauvrissement est réel : le revenu par habitant allemand était supérieur de 15 % à la France en 2000 ; il est aujourd'hui inférieur de 10 % ».

    De même, si les excédents commerciaux Allemands sont impressionnants, c’est moins le cas de la croissance. Dans les années 2000, le PIB y a progressé en moyenne de 0.8% par an contre 1.4% pour la zone euro et 1.5% pour la France. Seule l’Italie a fait moins bien (0.5%). De même, le fort rebond de 2010 (+3.6%) est compensé par la chute de 2009 (-4.6%). Sur deux ans, la performance de l’Allemagne n’est pas meilleure que celle de la France…

    Jacques Sapir vient de publier un papier remarquable synthétisant pourquoi la France ne doit pas copier l’Allemagne. Il montre bien que si tous les pays Européens suivaient le « modèle » Allemand, alors le continent s’enfoncerait dans la dépression. Bref, si l’on suit la logique de l’Allemagne, nous allons rentrer dans une baisse des salaires dont on se demande si elle aura une fin quand on sait que le SMIC vient de passer à 30 euros par mois au Bangladesh.

    Au final, l’Allemagne a cherché à protéger son industrie dans le cadre de l’euro et de l’intégration de l’Europe de l’Est. Mais son « modèle » n’en est pas vraiment un car il n’est pas tenable si tout le monde le suit et il promeut une véritable régression sociale qui ne saurait être l’horizon de nos sociétés.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet

  • #2
    Pourtant c´est un modéle qui marche, jusqu´a preuve du contraire, et que les francais n´arrivent ni a recopier ni a conccurencer. On a qu´a voire les indicateurs economiques de l´allemagne juste apres la crise (taux de croissance, deficits, volumes d´exportations, taux de chomage, indices de confiance...etc) en comparaison avec tous ses pairs en Europe.

    L´hypothese qui attribue le succes de ce model a un soit-disant appauvrissement de la population, est depourvus de sens a mon avis: Les salaires et les prestations sociales en allemagne reste de loin les meilleurs par rapport a la France.

    Commentaire


    • #3
      Pourtant c´est un modéle qui marche, jusqu´a preuve du contraire, et que les francais n´arrivent ni a recopier ni a conccurencer. On a qu´a voire les indicateurs economiques de l´allemagne juste apres la crise (taux de croissance, deficits, volumes d´exportations, taux de chomage, indices de confiance...etc) en comparaison avec tous ses pairs en Europe.
      je suis globalement d'accord avec ca.
      Les salaires et les prestations sociales en allemagne reste de loin les meilleurs par rapport a la France.
      ca par contre ce n'est pas vrai.

      Commentaire


      • #4
        Pourquoi la France ne doit pas copier l'Allemagne

        Jacques Sapir - Économiste | Mardi 15 Février 2011 à 15:01
        Source Mariane : Nous poursuivons la publication de l'article de Jacques Sapir sur les stratégies économiques possibles de la France. Où l'on apprend que les ho et les ah de nos experts sur l'excellence allemande ne sont pas fondés sur un examen détaillé de l'économie du pays.

        Jacques Sapir poursuit son raisonnement en analysant le pourquoi de la compétitivité allemande : non pas, comme le disent beaucoup de commentateurs, une meilleure productivité de ses salariés (celle des salariés français est par exemple supérieure) mais un coût du travail plus grâce au transfert des charges sur les ménages.
        En fait, l'excédent commercial de l'Allemagne s'effectue au détriment des pays européens (75% des exportations dans les pays européens) et non en Chine où dans le reste du monde, où le pays perd des parts de marché ou stagne. Conséquence pour la France,
        A l'inverse, la France, dont près de la moitié des exportations se situe hors zone euro, perd entre
        1,5% et 2,1% de croissance à cause de la surévaluation de l'euro.


        La contrainte de l’Euro sur le commerce « hors Zone ».

        Ces contraintes se divisent en contraintes s’exerçant sur le commerce extérieur à la zone euro et en contraintes à l’intérieur de la zone euro. L’effet de ces contraintes tend à s’accumuler sur l’économie de notre pays en raison de sa structure d’échange qui n’est que partiellement tournée vers la zone euro.Il faut rappeler la continuité des arrêts de la cour constitutionnelle allemande sur ce point.

        L’euro joue un rôle important dans le commerce « hors-Zone » que ce soit par le taux de change avec le dollar ou par l’effet d’attractivité ou de répulsivité de la zone pour les services financiers.

        Il faut tout d’abord savoir que la France fait partie des pays de la zone Euro dont le commerce avec l’extérieur de la zone est le plus important, se situant à cet égard juste au-dessus de la Grèce (le Luxembourg étant un cas particulier en raison du poids de ses services financiers).

        Les variations de ces parts sont très importantes entre pays de la zone euro et certains pays qui ne sont pas membres de cette zone ont même un commerce plus important avec la zone euro que des pays membres. Alors que le commerce libellé en euro représente 74% des exportations de l’Italie, 63% de celle de l’Allemagne et 60,8% de celles de l’Espagne, on tombe à 52,4% pour la France. Calculée cette fois en moyenne des importations et des exportations, la part du commerce libellé en Euro est de 60,6% pour l’Allemagne et de 48,8% pour la France.

        Ceci explique la très grande sensibilité de notre économie à une surévaluation de l’euro. Rappelons que dans son étude, F. Cachia (3) montrait que, par tranche de 10% de surévaluation par rapport à un taux de change d’équilibre, nous perdions entre 0,5% et 0,7% de croissance.

        La structure du commerce extérieur.

        Si l’on admet que ce taux correspondrait à 1,05 USD, taux qui ne fut plus retrouvé depuis le début de 2003, alors que nous atteignons actuellement 1,35 USD (au taux journalier), nous subissons à une surévaluation de 30% et nous perdons entre 1,5% et 2,1% de croissance, sur un taux estimé à 1,5% / 2%…

        Pour un pays ayant soit une structure d’échanges différente par rapport à la zone euro, soit commerçant sur des produits différents, le taux de change critique serait naturellement différent. L’un des problèmes que soulève la monnaie unique est justement d’imposer un taux de change unique à des économies qui sont largement différentes.

        Le manque de réglementation interne de la zone euro est aussi un facteur préoccupant, puisque les législations bancaires (banque de détail) sont largement différentes et que ceci a entraîné une exposition plus importante des banques de certains pays au « risque de crédit » en 2006-2008. Les banques Allemandes (tableau 2), Espagnoles et Françaises ont ainsi développé une activité « hors zone » importante (liée au manque de dynamisme de la zone euro avant 2008) (4), et ont été des facteurs importants d’introduction des « produits toxiques » dans la zone Euro, que ce soit directement ou indirectement par le biais des SPV (Special Purpose Vehicles) auxquels ces banques avaient prêté.

        Absence de réglementation cohérente.

        On aurait ainsi pu croire que la création de la zone euro s’accompagnerait du recentrage des banques sur cette zone. Il n’en a rien été. Une partie de l’épargne (importante) de la zone euro sert ainsi en fait à irriguer d’autres zones économiques du monde, dans des conditions de sécurité souvent très douteuses.

        Les documents sur les positions des banques françaises sont plus difficiles à obtenir que pour les banques allemandes, et même dans ce cas, les sources sont loin d’être complètes car elles reposent sur des déclarations volontaires. Cependant, la position de ces dernières à la veille de la crise des liquidités déclenchée par la faillite de Lehmann Brothers est un bon indicateur. Le fait que des plans importants de sauvetage des banques aient dû être mis en place tant en Allemagne qu’en France témoigne de l’exposition de ces dernières au risque international.

        Si la zone euro a permis, par son laxisme, un grand développement à l’international des banques Françaises et Allemandes, ceci s’est aussi traduit par une raréfaction du crédit pour l’économie réelle dans la zone.

        Les conditions de croissance relativement déprimées qui ont dominé dans le cadre de la zone euro peuvent aussi expliquer c détournement de l’activité des services bancaires au détriment des pays de la zone et en faveur des pays « hors-Zone ».

        On sait que les pays de la zone euro ont des inflations structurelles très différentes les uns des autres (5). Il en découle une divergence importante de la compétitivité à l’intérieur de la zone, que des dévaluations ne peuvent plus venir équilibrer.

        Calculé sur la base de l’indice des prix à la consommation, l’écart qui était par construction de 0% lors de la création de la zone, s’établit désormais à plus de 20% % (écart Allemagne - Irlande), plus de 15% (écart Allemagne - Espagne, Grèce) plus de 10% (écart Allemagne - Belgique, Italie).

        Cependant, la compétitivité ne se mesure que très imparfaitement par l’indice des prix à la consommation. L’utilisation des prix à la production, et donc du déflateur du PIB, est une mesure plus robuste. On constate que les écarts sont encore plus grands en utilisant cet indicateur.

        L’écart absolu apparaît de 30 points (en base 100) et il est le plus important pour l’Espagne (30 points d’écart avec l’Allemagne). Ce pays est suivi par la Grèce (22 points d’écarts), la Grèce, le Portugal, l’Irlande et les Pays-Bas (entre 18 et 16 points d’écart), enfin la Belgique et la France (de 12 à 10 points d’écart).

        L’introduction des gains de productivité permet d’affiner encore le raisonnement. L’indice de coût salarial réel fait intervenir, outre la hausse des prix, les gains de productivité de chaque pays, mais aussi les charges qui pèsent sur le travail.

        On constate alors que l’on a une différence de 25 points entre l’Allemagne et les pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. De plus, de manière générale, l’Allemagne a un coût salarial réel inférieur de 15 points à la majorité des pays de la zone euro, et ceci alors que la productivité du travail en Allemagne est inférieure à celle de la France (de même que le temps de travail…).

        Ainsi s’explique par une combinaison de faible inflation et de transfert d’une partie des coûts
        fiscaux sur les ménages l’énorme avantage compétitif que l’Allemagne a acquis sur l’ensemble des pays de la zone euro.

        En fait, l’excédent commercial de l’Allemagne sur la zone Euro représente 60,5% de son excédent total, et globalement elle réalise 75% de son excédent sur les pays de l’Union européenne. C’est une proportion très élevée pour un pays qui se prétend un exportateur « global ». On constate en effet que, depuis deux ans, les soldes avec la Chine et l’Inde sont devenus équilibrés, voire négatifs. L’excédent réalisé sur les États-Unis est en 2009 de 18 milliards de dollars, soit une somme équivalant au solde du commerce allemand avec l’Autriche et nettement inférieure au solde du commerce avec la France.

        Données du commerce extérieur allemand.

        Le gain de commerce extérieur de l’Allemagne a tendu en réalité à se réduire avec les pays hors-Ue depuis 2002/2003. L’Allemagne a compensé ces pertes de compétitivité globale par un surcroît de compétitivité dans la zone euro. Ceci peut à la fois se lire dans le graphique 5 et dans le tableau 3.

        On y voit l’effet de la politique menée par l’Allemagne, mais qui ne fut possible que parce qu’elle était la seule à la mener. Si tous les pays de la zone Euro avaient eu une politique similaire l’excédent commercial allemand aurait été bien moins fort mais - surtout - nous aurions eu une crise majeure dans la zone Euro en raison de l’addition des politiques récessives sur la demande intérieure.

        On peut aussi noter un important solde positif des Pays-Bas. Ce pays aurait-il trouvé une solution miracle ? En fait, c’est la position particulière de ce pays comme exportateur et surtout revendeur de gaz (acheté à la Russie ou à d’autres pays et stocké sur son territoire) qui explique ce solde positif. Il n’y a donc nul miracle hollandais…

        En fait, la zone euro apparaît comme un instrument qui permet à l’Allemagne de maintenir sa politique néo-mercantiliste en dépit de la surévaluation de l’Euro, en compensant les parts de marché qu’elle perd dans le reste du monde par ce qu’elle gagne sur ses partenaires de la zone euro qui ne peuvent dévaluer.
        Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
        Mahomet

        Commentaire


        • #5
          @bonsai

          Les prestations sociales sont bien meilleures en France qu'en Allemagne.

          La réussite économique de l'Allemagne est tout à fait impressionnante mais il n y a pas de mal à pointer ce qui ne marche pas dans ce modèle. Les allemands sont les 1ers à parler de la stagnation des salaires et l'effritement de la classe moyenne suite aux "réformes" pour garder la compétitivité.

          Commentaire

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