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Et si tout ce bruit était pour rien ?

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  • Et si tout ce bruit était pour rien ?

    Et si tout ce bruit était pour rien ?

    La révolution n’est pas un acte unique, c’est un processus. Cela veut dire que si l’on sait comment elle commence, on ignore en revanche par quelles étapes elle passera avant qu’elle ne s’achève. Ses développements ne sont pas écrits d’avance. C’est qu’il n’y pas de déterminisme en histoire, mais des forces sociales qui s’entrechoquent, qui s’allient ou s’opposent sur des questions successives, se posant les unes après les autres tels des obstacles qui n’apparaissent dans leur netteté qu’une fois qu’on s’est suffisamment approchés d’eux.

    Ses acteurs, qui ne sont pas des individus mais des masses impersonnelles, avancent à tâtons car la visibilité est toujours fort réduite. Ce faisant, chacune n’a en vue qu’une seule chose : assurer sa prédominance, imposer son ordre, en prenant à chaque fois le plus grand soin à présenter ses propres intérêts comme ceux de tous.
    Jusqu’à présent, les rues tunisienne et égyptienne ont renversé leurs présidents respectifs, mais elles ne sont parvenues à aucun autre résultat.

    Le gouvernement El Ghanouchi est toujours aux affaires en Tunisie ; de son côté l’armée égyptienne s’en tient rigoureusement au programme de réformes institutionnelles déjà arrêtées au temps du président déchu : révision constitutionnelle limitée à certaines dispositions, puis organisation d’élections, présidentielles d’abord, législatives ensuite. Dans les deux pays, il reste des prisonniers politiques en prison.
    Dans les deux pays, les peuples continuent de faire pression pour que la transition à la démocratie se déroule d’une manière différente de celle qui est mise en œuvre par les pouvoirs provisoires en place.

    Ils n’hésitent pas à redescendre dans la rue pour faire des remontrances aux gouvernants, pour leur dire explicitement ce qu’il faut qu’ils fassent pour continuer de bénéficier de leur soutien. Néanmoins, le processus en cours n’en est pas au même point dans les deux pays. En Tunisie, où le mouvement est né, la transition à marche forcée est plus avancée qu’en Egypte, où la démonstration de force populaire sur la Place Tahrir vendredi dernier donne à penser que le rapport de force ne s’est pas encore définitivement établi en faveur de l’un ou l’autre des deux camps en présence.

    En Tunisie, à moins d’un sursaut de la rue, le parti de l’ordre est en train de l’emporter. En témoignent les pouvoirs présidentiels votés par l’assemblée croupion, non encore dissoute au mépris de la vraisemblance, au chef d’Etat par intérim.
    Une révolution n’accepterait jamais un procédé pareil. Si donc le processus devait se poursuivre selon la même logique en vertu de laquelle une assemblée résiduelle concède, autant dire les pleins pouvoirs à un chef d’Etat intérimaire, en violation de l’ancienne Constitution, cela signifie que la contre-révolution est en train de triompher en Tunisie.


    Vendredi dernier sur la place Tahrir, les jeunes à l’origine de la chute de Moubarak, qui sont les véritables dirigeants du mouvement, n’ont scandé aucun mot d’ordre enjoignant explicitement aux forces armées de se conformer à la feuille de route qui leur a été signifiée. Tout au contraire, ils ont tenu à renouveler l’alliance avec elles, comme s’ils étaient d’accord avec la transition telle qu’elle se déroule.
    Il semble donc bien qu’en Tunisie comme en Egypte on s’achemine vers l’élaboration d’une simple réforme constitutionnelle, qui sera adoptée par référendum, à la suite de quoi des élections présidentielles et législatives prendront place, avant que la phase des troubles ne soit fermée

    . Entre-temps, une reconfiguration plus ou moins complète du champ politique sera sans doute intervenue. Il ne restera plus alors aux pouvoirs issus de ces convulsions stériles qu’à proclamer la fin de la révolution. Et alors tout se sera passé comme s’il ne s’agissait que d’une relève présidentielle dans deux systèmes où l’alternance au pouvoir ne pouvait se faire sans que tout l’édifice ne menace ruine.

    Ainsi sera apparue de façon claire la principale caractéristique des régimes présidentiels arabes : leur incompatibilité intrinsèque avec l’idée même d’alternance, même si elle doit avoir lieu en leur sein. Ne parlons pas alors d’alternative véritable.

    Par Mohamed Habili
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