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Si cette révolution ne réussit pas, le colonel va être cruel. Il va massacrer les témoins.

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  • Si cette révolution ne réussit pas, le colonel va être cruel. Il va massacrer les témoins.

    Par Sid Ahmed Hammouche | La Liberté | 20/02/2011 | 11H01

    Après cinq jours de contestation contre le régime du colonel Kadhafi, la répression s'intensifie en Libye. L'ONG Human Rights Watch dresse un bilan de 84 morts, pour la plupart « tués par des balles réelles tirées par les forces de sécurité ».

    Sid Ahmed Hammouche, journaliste au quotidien suisse La Liberté (partenaire de Rue89), a recueilli plusieurs témoignages sur place, dont celui, très fort, d'Abedelrahman, étudiant, avant qu'il ne soit blessé par un tir des forces spéciales.

    Abedelrahman, 19 ans, a été grièvement blessé par balles dans une manifestation dans la ville d'El-Baïda, à 1 200 km à l'est de Tripoli, où les violents affrontements ont fait depuis mercredi plus de 23 morts, selon Human Rights Watch.

    « Les Libyens demandent la fin du colonel », m'expliquait encore jeudi soir cet étudiant en architecture. Il y a trois jours, à 17 heures, Abedelrahman était au bout du fil depuis l'avenue Al Oruba, accroché à son téléphone portable. Le jeune homme se trouvait alors au milieu de la manifestation, en pleine rue.

    Vendredi soir, j'appelle le même numéro. Le père d'Abedelrahman décroche et m'annonce la triste nouvelle :

    « Mon fils a été touché vendredi par les tirs des forces spéciales de Kadhafi. Il est entre la vie et la mort. On ne peut pas le transporter à l'hôpital de peur des représailles du régime. Kadhafi veut tuer toute la jeunesse de la Libye pour rester au pouvoir. »

    Voici le témoignage d'Abedelrahman, recueilli jeudi soir, avant qu'il ne soit blessé :

    « Ici, il y a plus de cinq morts et beaucoup de blessés. Les forces de l'ordre tentent de contrôler la ville. Elles tirent parfois avec des balles en caoutchouc, mais souvent c'est à balles réelles. La police et la sécurité d'Etat tentent de reprendre la ville contrôlée par la population depuis mercredi soir. Les combats sont violents, à l'arme lourde souvent. Mais la foule ne se laisse pas faire. Elle manifeste pacifiquement depuis ce matin. »

    Puis Abedelrahman se tait un instant :

    « Vous entendez ? Les gens paniquent. Ils nous tirent dessus à balles réelles. Des personnes tombent. Il y a beaucoup de blessés.

    Mais cela ne change rien. Toute la population de la ville s'est révoltée contre Kadhafi. Il a perdu toute légitimité. Les jeunes sont dans la rue et ils veulent la chute du régime. On ne veut plus de Kadhafi, de son népotisme, de sa corruption, de sa dictature.

    Il faut que le monde nous écoute au moins une fois. Il faut que le monde soit témoin des pratiques de ce régime assassin qui tire à l'arme lourde sur la population. Le colonel et ses enfants veulent nous tuer, nous éliminer. »

    « Les gens n'ont pas peur »


    Abedelrahman quitte ensuite le centre de la rue pour s'abriter des tirs des forces de l'ordre :

    « Je me trouve au centre-ville, au cœur des affrontements. Les gens veulent défendre la ville et n'ont pas peur des canons de l'armée ni des rafales de la police.

    A mon avis, plus de 6 000 à 7 000 personnes font face à la police. Il y a des jeunes, des vieux, des travailleurs, des avocats, des médecins. Nous avons marché depuis le cimetière des Martyrs jusqu'au poste central de police. La réponse du régime a été très rapide. Il a sorti l'armée. Et dire que nous sommes pacifistes… On veut le changement. »

    Des tirs à l'arme automatique. Nouvel arrêt dans la discussion :

    « Des voitures nous foncent dessus. Il y a des civils à l'intérieur qui nous tirent dessus. Mais la terreur ne va pas nous faire peur. On va continuer à scander “Le peuple veut faire tomber le colonel”, “Ya Kadhafi, dehors dehors, la Libye libre, libre… Ya Kadhafi dictateur, c'est ton tour, c'est ton tour…” »

    « C'est nous ou lui… »

    Abedelrahman poursuit :

    « Aujourd'hui ma peur est que les forces de Kadhafi nous attaquent de nuit chez nous. Même si nous avons la main sur la ville, nous savons que l'armée a acheminé des renforts pour nous attaquer. Nous devons rester groupés et manifester toute la nuit.

    Vendredi, jour de prière, nous serons encore plus nombreux. Mon rêve est que la Libye prenne son courage à deux mains et sorte demander la tête du tyran. C'est nous ou lui désormais. »

    Pourquoi ?

    « Parce que si cette révolution ne réussit pas, le colonel va être cruel. Il va massacrer les témoins. Et vous, en Occident, ne nous oubliez pas… Ici, les gens attendent des médias occidentaux qu'ils brisent l'embargo sur la révolte libyenne. On aimerait bien voir des correspondants de la presse internationale ici.

    A El-Baïda, il n'y a pas un seul journaliste. On est seul à se battre contre la propagande de Kadhafi. Nous avons nos téléphones portables pour vous parler, pour filmer les massacres. Il faut parler de nous. Il ne faut pas croire les mensonges de Tripoli.

    Surtout dites au monde entier que la ville est cernée par les militaires. Il y a des hélicoptères qui tournent dans le ciel depuis ce matin. Il y a même des parachutistes de l'armée qui ont été largués sur la ville. »

    Les tirs sont de plus en plus violents. Abedelrahman se tait quelques minutes, puis il reprend :

    « Ça devient insupportable. Je vois des manifestants qui sont touchés. Il y a du sang partout. Kadhafi est un fou. Ça tire de partout. Je dois raccrocher. A bientôt, j'espère. »
    rue89
    "Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas." Geronimo
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