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Le pouvoir chinois tente de récupérer Bouddha

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  • Le pouvoir chinois tente de récupérer Bouddha

    Face a ses craintes que la chine se verse encore plus dans le christianisme ou les autres religions… un congrès bouddhique.

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    Quasi officiel, un congrès bouddhique révèle l'inquiétude de Pékin face à la percée des Eglises chrétiennes «étrangères».
    DANS L'ESPOIR de satisfaire Bouddha et ses disciples, la République populaire sait arrondir les angles. La police de Hangzhou s'est initiée au karma et au nirvana afin d'accueillir dignement des centaines de moines et de nonnes venus en congrès des cinq continents. Quant au Palais du peuple, il s'orne pour quelques jours d'un paisible lotus couleur safran, plutôt que du blason rouge sang qui désigne d'ordinaire les imposantes demeures de l'Etat-Parti.

    Le Forum bouddhique mondial, premier du genre, aurait pu choisir une destination plus tolérante. La Chine prohibe jusqu'à l'image du dalaï-lama, emprisonne les éditeurs clandestins de la Bible et jette dans les camps de l'oubli les adeptes de Falun Gong, la «secte diabolique». C'est l'invitation pressante de Pékin et aussi la foi déclarée de 100 millions de Chinois bouddhistes qui ont bousculé les réticences. Pour quatre jours, un bon millier de religieux, théologiens et experts venus de trente pays se sont donné rendez-vous à Hangzhou, verdoyante métropole du centre, puis au mont Putuo, l'un des sites sacrés du bouddhisme chinois. La police isole le Palais du peuple. Dans un temple tout proche, un moine local dit tout ignorer de l'événement.

    Le forum international de Hangzhou est pourtant sans précédent. «La religion ? Bien sûr, que nous en avons besoin ! répond au Figaro Ye Xiaowen, figure du parti, numéro un de l'administration chinoise des Affaires religieuses et rouage essentiel des rapports compliqués que le régime entretient avec les croyances. L'objectif est de mobiliser toutes les forces positives, qu'il s'agisse des bouddhistes, des chrétiens, des musulmans ou des athées comme moi.» A l'approche de Pâques et d'une première visite du président Hu à la Maison-Blanche, le régime en serait presque à donner des leçons d'oecuménisme. Il faut cependant reconnaître qu'après vingt-cinq ans de croissance effrénée et de chacun-pour-soi, le vide spirituel légué par le maoïsme commence à se combler. Mieux éduquées, la Chine et sa nouvelle classe moyenne sont à la recherche de valeurs plus élevées que celles qu'a prescrites le marxisme officiel. C'est dans les grandes villes, comme à Hangzhou, que l'appel est le plus fort. L'essor économique a bénéficié aux 500 millions de citadins que compte désormais le pays. Mais ce sont aussi des déracinés, en quête de repères et de communautés à intégrer.

    Un islam bridé et sans chef de file

    Le parti unique l'a compris. Hu Jintao a fait son étendard de «l'harmonie», bien différente de la lutte de classes. Bouddha peut s'imaginer en terrain conquis s'il entend le dirigeant chinois décliner les «cinq équilibres», la doctrine de «l'émergence paisible» ou encore le récent catalogue officiel «des huit vices et des huit vertus». La devise du forum confirme une convergence : «L'harmonie du monde commence dans la paix de l'esprit.» Une autre question est de savoir qui récupère qui. La foi progresse en Chine, et personne ne peut négliger un réservoir de 1 300 millions d'âmes à sauver ou à réincarner. Entre les cultes, la compétition est lancée, avec, pour la dictature, la volonté de canaliser le courant plutôt que de s'y opposer à tout prix. «Le régime accorde une reconnaissance à la religion, mais il la souhaite solidement encadrée et espère obtenir la légitimité en retour», résume un diplomate.
    Dans cette partie, le Bouddhisme occupe une place à part. «Présent en Chine depuis deux mille ans, il est enraciné dans l'histoire et dans la culture chinoises», explique Ye Xiaowen. Vue de Pékin, c'est aussi une religion paisible, soucieuse d'équilibre, bref la promesse «d'une transition tranquille pour une société où les tensions sont inévitables». Mieux vaut brûler de l'encens que de mettre le feu au siège local du Parti. Le bouddhisme, ce serait presque l'opium du peuple. A l'opposé de cette vision souriante se dessine un scénario moins consensuel. L'islam, rigoureusement bridé et sans chef de file, reste une préoccupation périphérique. Ce qui inquiète le régime, c'est la percée d'Eglises étrangères qui échappent à son contrôle. Et l'éventuelle émergence d'institutions religieuses concurrentes du parti de Mao, lui-même crispé sur un pouvoir temporel sans partage.



    La fulgurante avancée des Eglises évangélistes entre dans la première catégorie : les Chinois se bercent du «rêve américain», y compris dans le domaine spirituel. Le pays compterait désormais de 50 à 80 millions de baptisés selon les estimations officieuses, mais les catholiques officiels et clandestins n'en représenteraient plus que le tiers, au mieux. Dans la seconde rubrique, celle des bêtes noires, s'impose le dalaï-lama, «sécessionniste borné» si l'on suit le portrait dressé à Pékin. Et, bien sûr, le Vatican, plus que suspect depuis le pontificat de Jean-Paul II et l'effondrement de l'empire soviétique. «Le PC peut-il accepter que les Chinois pratiquent en masse une religion qui ne serait pas chinoise ? s'interroge le théologien Ren Yanli, sous la double casquette de l'Académie des sciences à Pékin et de l'Université du Sacré-Coeur à Milan. Pour le régime, il n'y pas d'accord possible avec Benoît XVI s'il s'agit de permettre à l'Eglise catholique de prospérer aussi vite que les évangélistes.»



    Une autre question est de savoir si le bouddhisme chinois est un bon contre-feu. A Hangzhou, quelques fausses notes permettent d'en douter. Le régime a montré qu'il garde la main lourde en propulsant sur cette scène internationale le jeune Gyaincain Norbu, 16 ans, imposé en 1995 comme le 11epanchen-lama, contre le choix du chef tibétain en exil. Les dignitaires étrangers l'ont délibérément boudé. Les huit «vénérables» qui parrainent le forum, assistés par de jeunes moines, voire poussés en chaise roulante, projettent de leur côté une image pathétique dans la nation la plus dynamique de la planète. Avant d'être promu culte semi-officiel, le bouddhisme reste aux yeux de nombreux Chinois la religion des femmes et du troisième âge. Rencontrée à Hangzhou, Wu Gue résume : «Ma mère se prosterne au temple pendant que mon fils lit l'Evangile.»

    - Le soir en ligne.
    Dernière modification par Thirga.ounevdhou, 15 avril 2006, 16h01.
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