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Pourquoi la crise libyenne inquiète l'Italie

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  • Pourquoi la crise libyenne inquiète l'Italie

    Par LEXPRESS.fr, publié le 24/02/2011 à 17:52

    Des liens resserrés depuis 2008

    Les liens entre la Libye et l'Italie se sont renforcés après la signature, en août 2008, d'un accord qui a soldé les comptes de plus de trente ans de colonisation italienne (1911-1942). Silvio Berlusconi avait alors présenté les excuses de l'Italie et s'était engagé à verser 5 milliards de dollars de dédommagements sous forme d'investissements sur les 25 prochaines années.

    Depuis, le colonel Kadhafi a été accueilli plusieurs fois (juin et novembre 2009, août 2010), à bras ouverts par le Cavaliere qui s'est lui-même rendu en Libye à de nombreuses reprises (août 2008, mars et août 2009, juin 2010). Le Corriere della Sera en a tiré un diaporama sur les relations entre Kadhafi et l'Italie...

    Et l'Italie est devenue le premier partenaire commercial de la Libye. En outre, les deux pays collaborent étroitement dans la lutte contre l'immigration illégale. Le "traité d'amitié" comprend en effet une clause sur les reconduites de migrants en Libye, qui a permis une réduction drastique des débarquements de clandestins en Italie.


    Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi, à gauche en août 2010 en Italie, pour marquer le deuxième anniversaire du traité d'amitié entre les deux pays. A droite, deux ans plus tôt, en Libye.

    "Les liens sont également très forts sur le plan politique, d'où l'extrême prudence de l'actuelle coalition" de droite en Italie, résume Ettore Greco. Samedi, alors que tombaient les premières victimes en Libye, Silvio Berlusconi avait affirmé qu'il "ne voulait pas déranger" Mouammar Kadhafi. Discrétion qui a interloqué la presse italienne. Un exemple avec La Stampa qui s'interrogeait: "Italie, es-tu là?"

    La crainte d'une immigration massive

    Peu après l'arrivée de 5000 Tunisiens sur l'île de Lampedusa, Rome craint désormais une vague d'au moins 200 000 à 300 000 migrants clandestins en cas de chute du colonel Kadhafi. Un "exode biblique", "dix fois plus que le phénomène des Albanais dans les années 1990", a prédit le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni.

    Le ministre de la Défense Ignazio La Russa a annoncé la mise sur pied d'une cellule de crise permanente sur la Libye. Et l'Italie a ordonné un rehaussement de l'état d'alerte de ses bases militaires aériennes. Deux frégates ont été déployées dans le canal de Sicile qui sépare le pays des côtes libyennes, par précaution.

    Rome alerte l'Union européenne

    Le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, a exhorté ses partenaires européens à aider son pays à faire face à un risque de crise humanitaire "catastrophique" du fait de la dégradation de la situation en Libye, et de cette crainte d'exodes massifs. "On ne peut pas nous laisser seuls". Même ton au ministère de la Défense. "Il est nécessaire que l'Europe intervienne (...) cela concerne toute l'Europe", a insisté Ignazio La Russa.

    Même le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini a haussé le ton, après n'avoir cessé de plaider en faveur d'une extrême retenue face à la Libye du fait du risque d'un afflux d'immigrés clandestins sur les côtes de son pays. Il y a "une limite" au-delà de laquelle on ne peut "rester silencieux", a-t-il dit mercredi.

    Des intérêts économiques imbriqués

    Depuis la signature du traité d'amitié en 2008, les entreprises italiennes ont obtenu de nombreux contrats en Libye tandis que Tripoli s'est renforcé dans le capital d'entreprises italiennes grâce à ses "pétrodollars". Selon le quotidien Il Sole 24 Ore, la valeur des participations détenues par la Libye en Italie s'élève à 3,6 milliards d'euros.

    Les investisseurs libyens auraient ainsi des parts dans le géant pétrolier ENI (1%), la principale banque italienne UniCredit (7,5%), le groupe de défense Finmeccanica (2%), le constructeur automobile Fiat (2%), la compagnie de télécommunications Retelit (15%), le groupe textile Olcese (22%) ou encore le club de la Juventus de Turin (7,5%).

    Une conséquence parmi d'autres de la crise actuelle: ENI a annoncé que la fourniture de gaz libyen via le gazoduc Greenstream, qui relie la Libye à l'Italie, était suspendue en raison des violences. Toutefois le géant pétrolier et gazier italien ainsi que le gouvernement ont assuré que cette interruption ne mettait pas en danger l'approvisionnement du pays.

    Les amis Berlusconi-Kadhafi

    Situation inconfortable pour Silvio Berlusconi, dont l'attitude reste prudente... Lundi à Bruxelles, son ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, a plaidé pour la retenue, expliquant que l'Europe ne devait pas "exporter la démocratie". Et ce n'est qu'en soirée que le Cavaliere a condamné "l'utilisation inacceptable de la violence contre la population".

    "Mieux vaut tard que jamais... Son silence paraissait un pari hasardeux, sans doute pas suffisant pour protéger nos intérêts et certainement contraire aux valeurs de notre démocratie", écrit l'éditorialiste du Corriere della Sera Gian Antonio Stella. Plus sévère, Il Sole 24 Ore reproche à Rome "d'avoir donné à Kadhafi la visibilité d'une rock star". "Nous lui avons tout pardonné", regrette le quotidien économique.



    Comme lui, d'autres commentateurs ne se privaient pas de rappeler l'accueil royal réservé à Kadhafi à Rome lors de sa visite en août 2010, les "salamalecs" du Cavaliere qui avait baisé la main du leader libyen, les échanges de cadeau ou encore les scandales suscités par les frasques de ce dernier... Comme lorsqu'il avait invité des centaines de jeunes femmes, sélectionnées par une agence d'hôtesses et rémunérées, à se convertir à l'Islam.

    "L'Italie est devenue le Disneyland de Kadhafi", avait critiqué Gianfranco Fini, alors allié du Cavaliere (avec lequel il a rompu depuis). Cavaliere qui était allé jusqu'à lui faire un baise-main en mars 2010, rappelle La Croix.

    Mardi soir, Berlusconi a fait savoir qu'il s'était entretenu dans la journée au téléphone avec le leader libyen pour réaffirmer la nécessité d'une solution pacifique afin que la situation ne dégénère en guerre civile.
    "Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas." Geronimo
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