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Alger, la marche du 12 février 2011. Réflexions par benjamin Stora

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  • Alger, la marche du 12 février 2011. Réflexions par benjamin Stora

    La marche du 12 février 2011 à Alger, « Décryptage »par Benjamin Stora, in Le Parisien, 15 février 2011.
    Deux mille manifestants samedi dans les rues d'Alger, rapidement contenus par 30 000 policiers, la manifestation est loin d'avoir été un succès.
    Face à un énorme déploiement des forces de sécurité, il est vrai que les jeunes des quartiers d'Alger n'ont pas tenté de forcer les barrages. Mais on constate aussi en Algérie qu'une avant-garde très décidée et militante n'a pas réussi à attirer la majorité d'une population pourtant exaspérée par les inégalités qui l'accablent.

    Comment expliquer cette relative faiblesse de la mobilisation ?
    Dans l'histoire récente de l'Algérie, deux grandes séquences peuvent expliquer le comportement de la population. L'effervescence démocratique des années 1988 1991, avec la création d'une presse libre, la naissance de nouveaux partis politiques a abouti à la décennie terrible. Entre 1992 et 2001, un cortège d'atrocités a fait 100 000 morts. Cette « guerre civile » est encore très fraiche dans la mémoire de tous les Algériens. Il ne faut pas oublier non plus, que la dernière grande manifestation à Alger, en 2001 a été très durement réprimée, comme celles qui prenaient place à la même époque, en Kabylie. Les Algériens hésitent, ne veulent plus de sang.

    Les islamistes n'ont pas rejoint les dernières manifestations. Sont ils hors jeu ?
    Ils avaient gagné les élections législatives de 1991, avec le résultat que l'on a vu ! En 20 ans, la situation a beaucoup changé. La société algérienne s'est fortement islamisée, culturellement, pas politiquement. Parallèlement, cette société s'est fortement individualisée. Les Algériens ont surtout soif de libertés individuelles, et de libertés publiques.

    Pas de risque de contagion, donc, après les révoltes tunisiennes et égyptiennes ?
    Je ne crois pas, pour l'instant, à un effet domino mécanique. Les soulèvements en Tunisie et en Egypte, avaient comme but la libertéet la re appropriation de la nation. La redéfinition du lien national se pose en Algérie, mais pas avec la même forme. Il ne faut pas négliger le fait qu'en Tunisie, comme en Egypte, la révolte de la rue a trouvé des relais structurés forts, l'UGTT (NDLR : puissante organisation syndicale) en Tunisie, les Frères musulmans et les syndicats en Egypte.

    La place, et le rôle de l'armée, dans ces trois pays, ne sont pas identiques ?
    Dans les trois, elle est au centre du pouvoir. Mais elle se comporte différemment. En Tunisie, elle a refusé de tirer sur le peuple, en Egypte, elle se joue un rôle tampon. En Algérie, l'armée s'est présentée pendant 20 ans comme rempart contre l'islamisme. Elle ne peut plus être que cela et voudrait devenir un recours politique.

    L'extraordinaire richesse, grâce aux hydrocarbures, de l'Algérie, peut elle aider à surmonter la crise ?

    Il peuty avoir, sans trop de problèmes, une redistribution de richesses qui sont aujourd'hui entre les mains d'une infime partie de la population. L'une des raisons des manifestations de janvier dernier à Alger, était l'augmentation de 50% des traitements des policiers, alors que le prix du pain et du lait flambait. Les réserves de change sont si importantes que le pouvoir algérien considère qu'il a de la marge.

    Les Tunisiens ont exigé, et obtenu, le départ de Ben Ali, les Egyptiens celui de Moubarak, les Algériens veulent ils celui de Bouteflika ?
    Les Algériens sont surtout mobilisés contre un système, pas simplement contre un homme.

    Donc, en Algérie, tout va continuer comme avant ?
    Non. C'est loin d'être terminé. L'avant-garde militante peut trouver des alliés structurés. La population en a assez d'un système écrasant, mais essoufflé. Et il ne faut pas négliger qu'en Algérie, la tradition révolutionnaire est très forte.


    Blog de Benjamin Stora
    « la libération de l'Algérie sera l'œuvre de tous », Abane Ramdane 1955.
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