Que va faire le Roi ?
URGENCE. Les révoltes des peuples arabes interpellent le Maroc à plus d’un titre. Des réformes institutionnelles et une véritable stratégie pour diminuer la pauvreté et résorber le chômage s’imposent.
On peut évidemment pratiquer la politique de l’autruche et refuser de se rendre à l’évidence. Une position de confort et de paresse qui s’obstine à continuer à ranger le Maroc dans “l’exception” alors que tant de bouleversements agitent la région, en Tunisie, en Egypte et probablement ailleurs. Mais si tel était vraiment le cas, ne serait-ce pas de l’autisme? Faut-il rappeler au passage qu’une telle myopie, doublée de surdité, était de mise dans le Royaume avant les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca? Avant cette tragédie, il était de bon ton d’arguer que le terrorisme jihadiste sévissait ailleurs, mais qu’il ne pouvait frapper un “havre de paix” comme le nôtre.
Le problème posé aujourd’hui peut être résumé comme suit: quel changement apporter dans la gouvernance politique, au sens le plus large qui soit, pour prendre en charge l’onde de choc qui a mis à bas le régime Ben Ali et, dans une certaine mesure, celui de Moubarak. Comparaison n’est pas raison, bien sûr.
Situation exceptionnelle
Mais n’est-ce pas une lame de fond venant de la société qui s’exprime aujourd’hui pour réclamer plus de démocratie, de liberté, de bien-être, de justice, de moralité et de dignité? Personne n’a de solutions clés en mains et les partis politiques nationaux se trouvent confrontés –comme les chancelleries étrangères et les think tanks les plus célèbres– à une situation qu’ils n’ont pas vue venir ni même anticiper sur la base de tant de batteries de paramètres de risques-pays.
Alors, que faire? On peut tenter, à titre conjectural en tout cas, d’y apporter un certain nombre d’éléments de réponse. Et, en premier lieu, en s’interrogeant sur le gouvernement en place. Peut-il ou doit-il rester tel quel durant pratiquement vingt longs mois encore, soit jusqu’à octobre 2012, à la fin de la présente législature? Sur le papier, si l’on ose dire, ou, plus précisément, à s’en tenir aux conditions politiques qui ont conduit à sa nomination en octobre 2007, la réponse affirmative s’impose. Dans la pratique institutionnelle désormais en vigueur, on a affaire à un gouvernement de législature. C’est vrai depuis le cabinet d’alternance Youssoufi (1998-2002), puis celui conduit par Driss Jettou (2002-2007).
Avec le gouvernement Abbas El Fassi aujourd’hui, le principe démocratique voulu par S.M Mohammed VI a été appliqué: la primature est désormais confiée au chef du parti arrivé en tête aux élections législatives. C’est dire que, sauf situation exceptionnelle, par définition non programmable, le leader du Parti de l’Istiqlal restera en fonction encore jusqu’à octobre 2012.
Cabinet fragilisé
Vingt mois à tirer encore? C’est long, très long, dans la présente conjoncture! Ce ne serait pas faire un mauvais procès à ce cabinet que de dire qu’il paraît bien fourbu, ni le cap qu’il poursuit ni les réalisations dont il peut se prévaloir ne présentant un caractère marqué de visibilité et de lisibilité.
Déficit de sa communication? Sans doute. Les comptes rendus hebdomadaires de son porte-parole, à l’issue des conseils de gouvernement, font la matière d’une dépêche de la MAP et donnent lieu, à l’occasion, à une réaction sur tel ou tel point d’actualité. Guère plus. Le Premier ministre lui-même observe une retenue tournant à la défiance à l’égard de la presse nationale et étrangère. Il préfère s’en tenir à la lecture d’allocutions cadrées quand sa prise de parole est requise (présidence de conseils d’administration, séminaires ou conférences…).
Des résultats contrastés
Quant à certains membres de son gouvernement, ils multiplient volontiers les déclarations et les interviewes sans vraiment convaincre ni même intéresser. Il fut un temps où la légitimité et l’efficacité étaient liées à la médiatisation. Tel n’est plus le cas, semble-t-il, dans la mesure où c’est un certain discours officiel, peut-être roboratif voire optimiste, qui marque son échec.
Reste la qualité de l’équipe gouvernementale. Chacun sait évidemment qui est qui et qui fait quoi. L’évaluation des résultats individuels demeure très contrastée: si certains ministres s’acquittent au mieux de leurs fonctions, d’autres sont aux abonnés absents. Malgré les remaniements intervenus en juillet 2009 –avec l’entrée de M’haned Laenser et de Mohamed Ouzzine du MP– et au début de janvier 2010 –avec Yassir Zenagui et Moncef Belkhyat (RNI), Bensalem Himmich (USFP) et Mohamed Naciri– le nouveau souffle attendu n’a pas imprimé globalement l’action gouvernementale. Et il paraît difficile qu’un autre ajustement puisse intervenir en cette année 2011 à la veille du scrutin législatif de 2012. Mais alors, pour reprendre l’observation de départ, ce cabinet peut-il vraiment continuer en l’état jusqu’à cette échéance éloignée d’octobre 2012?
URGENCE. Les révoltes des peuples arabes interpellent le Maroc à plus d’un titre. Des réformes institutionnelles et une véritable stratégie pour diminuer la pauvreté et résorber le chômage s’imposent.
On peut évidemment pratiquer la politique de l’autruche et refuser de se rendre à l’évidence. Une position de confort et de paresse qui s’obstine à continuer à ranger le Maroc dans “l’exception” alors que tant de bouleversements agitent la région, en Tunisie, en Egypte et probablement ailleurs. Mais si tel était vraiment le cas, ne serait-ce pas de l’autisme? Faut-il rappeler au passage qu’une telle myopie, doublée de surdité, était de mise dans le Royaume avant les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca? Avant cette tragédie, il était de bon ton d’arguer que le terrorisme jihadiste sévissait ailleurs, mais qu’il ne pouvait frapper un “havre de paix” comme le nôtre.
Le problème posé aujourd’hui peut être résumé comme suit: quel changement apporter dans la gouvernance politique, au sens le plus large qui soit, pour prendre en charge l’onde de choc qui a mis à bas le régime Ben Ali et, dans une certaine mesure, celui de Moubarak. Comparaison n’est pas raison, bien sûr.
Situation exceptionnelle
Mais n’est-ce pas une lame de fond venant de la société qui s’exprime aujourd’hui pour réclamer plus de démocratie, de liberté, de bien-être, de justice, de moralité et de dignité? Personne n’a de solutions clés en mains et les partis politiques nationaux se trouvent confrontés –comme les chancelleries étrangères et les think tanks les plus célèbres– à une situation qu’ils n’ont pas vue venir ni même anticiper sur la base de tant de batteries de paramètres de risques-pays.
Alors, que faire? On peut tenter, à titre conjectural en tout cas, d’y apporter un certain nombre d’éléments de réponse. Et, en premier lieu, en s’interrogeant sur le gouvernement en place. Peut-il ou doit-il rester tel quel durant pratiquement vingt longs mois encore, soit jusqu’à octobre 2012, à la fin de la présente législature? Sur le papier, si l’on ose dire, ou, plus précisément, à s’en tenir aux conditions politiques qui ont conduit à sa nomination en octobre 2007, la réponse affirmative s’impose. Dans la pratique institutionnelle désormais en vigueur, on a affaire à un gouvernement de législature. C’est vrai depuis le cabinet d’alternance Youssoufi (1998-2002), puis celui conduit par Driss Jettou (2002-2007).
Avec le gouvernement Abbas El Fassi aujourd’hui, le principe démocratique voulu par S.M Mohammed VI a été appliqué: la primature est désormais confiée au chef du parti arrivé en tête aux élections législatives. C’est dire que, sauf situation exceptionnelle, par définition non programmable, le leader du Parti de l’Istiqlal restera en fonction encore jusqu’à octobre 2012.
Cabinet fragilisé
Vingt mois à tirer encore? C’est long, très long, dans la présente conjoncture! Ce ne serait pas faire un mauvais procès à ce cabinet que de dire qu’il paraît bien fourbu, ni le cap qu’il poursuit ni les réalisations dont il peut se prévaloir ne présentant un caractère marqué de visibilité et de lisibilité.
Déficit de sa communication? Sans doute. Les comptes rendus hebdomadaires de son porte-parole, à l’issue des conseils de gouvernement, font la matière d’une dépêche de la MAP et donnent lieu, à l’occasion, à une réaction sur tel ou tel point d’actualité. Guère plus. Le Premier ministre lui-même observe une retenue tournant à la défiance à l’égard de la presse nationale et étrangère. Il préfère s’en tenir à la lecture d’allocutions cadrées quand sa prise de parole est requise (présidence de conseils d’administration, séminaires ou conférences…).
Des résultats contrastés
Quant à certains membres de son gouvernement, ils multiplient volontiers les déclarations et les interviewes sans vraiment convaincre ni même intéresser. Il fut un temps où la légitimité et l’efficacité étaient liées à la médiatisation. Tel n’est plus le cas, semble-t-il, dans la mesure où c’est un certain discours officiel, peut-être roboratif voire optimiste, qui marque son échec.
Reste la qualité de l’équipe gouvernementale. Chacun sait évidemment qui est qui et qui fait quoi. L’évaluation des résultats individuels demeure très contrastée: si certains ministres s’acquittent au mieux de leurs fonctions, d’autres sont aux abonnés absents. Malgré les remaniements intervenus en juillet 2009 –avec l’entrée de M’haned Laenser et de Mohamed Ouzzine du MP– et au début de janvier 2010 –avec Yassir Zenagui et Moncef Belkhyat (RNI), Bensalem Himmich (USFP) et Mohamed Naciri– le nouveau souffle attendu n’a pas imprimé globalement l’action gouvernementale. Et il paraît difficile qu’un autre ajustement puisse intervenir en cette année 2011 à la veille du scrutin législatif de 2012. Mais alors, pour reprendre l’observation de départ, ce cabinet peut-il vraiment continuer en l’état jusqu’à cette échéance éloignée d’octobre 2012?
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