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Le peuple et l'information

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    Le peuple et l'information

    La levée de l'état d'urgence en Algérie a fait la une des médias internationaux, fait réagir les grands pays «démocratiques» de ce monde, les Etats-Unis en tête, et donné l'occasion à nos gouvernants de l'exhiber à l'envi comme gage de «bonne volonté» vis-à-vis des libertés publiques. Les chaînes de radio nationales, le triptyque télévisuel (Programme national, A3, Canal Algérie) en font leurs unes et en boucle, s'il-vous-plaît, au cas où quelqu'un ne l'aurait pas su. Mon voisin de bus, qui avait regardé France 24 et appris l'extraordinaire nouvelle, a eu un petit problème de compréhension. Il osa la question qui tue : «C'est quoi l'état d'urgence ?» Il ne savait pas ce que c'était, ni, apparemment, les gens autour de nous, puisque personne ou presque n'en parlait, même s'ils avaient devant les yeux les grands titres de la presse qui étalaient l'information en première page. Les discussions tournaient plutôt autour du quotidien ou, plus rarement, autour de la défaite de l'équipe nationale au Soudan.

    Dans la rue, dans les cafés, dans les commerces non plus, l'événement ne faisait pas l'actualité. Pourtant, il semblait crucial pour Obama, qui y est allé de sa satisfaction, suivi par les Européens, unanimes. Alors que le peuple algérien, lui, semble se situer à des lieues de là. Quand il s'exprime, il le fait sans s'encombrer de considérations politiques ou légales et c'est dans ses couches les moins portées sur la rhétorique, et par l'occupation de l'espace social, par l'émeute ou par la grève.

    Ses revendications sont claires, leur objet concret et directement lié à la vie qu'il mène. Une vie qui n'intéresse pas la presse internationale et locale autant qu'un rassemblement politique (pas tous quand même), aussi minuscule soit-il. Cette attitude est confortable et se conforme aux règles que dictent les objectifs sous-jacents. Car il faut que l'opinion des Algériens soit «présentée» dans le sens qu'il faut et que les vents indésirables soient ignorés (tant pis pour la transparence et pour l'objectivité de l'information).

    Ceci se vérifie autant pour les médias officiels que pour ceux qui «s'opposent», en passant par toutes les voix que le pays intéresse, les nationaux comme les étrangers. Les politiques comme les affairistes. Alors que plus une idée est partagée, plus elle donne à ceux qui la portent le poids social incontournable. Elle peut être mesurée, y compris, en l'absence de libertés publiques, par l'importance des mobilisations qu'elle peut réaliser ou par celle des réseaux qu'elle peut construire. Cela importe peu, l'information dominante se confond avec la propagande et piétine sans scrupule le credo qu'elle défend, pourtant, bec et ongles.

    Elle peut s'imposer comme étant «l'opinion publique majoritaire» contre des médias officiels poussifs, formatés et sclérosés, avec la faveur, il faut le dire, d'une sympathie inconditionnelle des maîtres de l'information mondialisée. Pour finir, on ne peut s'empêcher de se rappeler les techniques utilisées, du temps de la Guerre froide, pour ne montrer que ce qui «peut être utile» comme dissidents.

    Dans les années 1970, le mathématicien soviétique Léonid Plioutch, libéré d'un hôpital psychiatrique et exilé à l'Ouest, croyait enfin pouvoir parler. Il fut vite déçu. Il fut même interdit de parole par l'Etat français. La raison : il était resté marxiste. A contrario, le talentueux romancier du Goulag, Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, et le physicien Andreï Dimitrievitch Sakharov, qui n'avaient pas ce genre de défaut, ont été portés aux nues.
    Par Ahmed Halfaoui
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