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«Il est temps que le Roi ne soit plus un opérateur économique»

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  • «Il est temps que le Roi ne soit plus un opérateur économique»

    Les Échos quotidien : Vous étiez aux premiers rangs de la marche du 20 février, quel message doit-on en déduire ?
    Noureddine Ayouch : J’ai d’abord hésité à participer à la marche parce que j’avais peur qu’il y ait une instrumentalisation de cet appel par certains mouvements idéologiques ou partis politiques. J’ai changé d’avis lorsque j’ai vu le film d’appel à participation lancé par ces jeunes, qui a été très bien conçu par ailleurs, et j’ai trouvé que toutes les revendications étaient fondées. Comme elles correspondaient aux miennes, j’ai manifesté comme eux, avec eux. C’est la première fois que des jeunes marocains prennent la parole d’une manière aussi forte et aussi claire et sans discours démagogique. Voilà pourquoi je suis descendu dimanche 20 février.
    Si vous deviez brandir une pancarte ce jour-là, qu’auriez-vous inscrit dessus ?
    J’y aurais mentionné que le Maroc a besoin d’une véritable gouvernance. Ce mot a malheureusement été galvaudé. À mon sens, la gouvernance c’est que chacun fasse son travail et rien d’autre, que ce soit sur le plan politique ou économique. Sur le plan politique, quand j’ai dit il y a exactement dix ans que le Roi devait régner sans gouverner, c’est clair. C’est ce que j’appelle une véritable démocratisation des institutions au Maroc. Je le dis et l’écris depuis dix ans car je pense que c’est pour le bien du pays et du Roi lui-même. C’est ça la véritable démocratie et la bonne gouvernance. De plus, un seul homme ne peut pas tout faire : mener les projets, réaliser les chantiers... gérer le pays... Souvent des décisions restent en suspens parce que le Roi n’a pas donné son accord, son avis ou son feu vert.
    Quelle est votre appréciation de l’impact de cette marche ?
    D’abord, il y a eu peu de mobilisation en raison de la stupide diversion faite par les médias officiels avec l’annonce de l’annulation de la manifestation la veille. Mais malgré cette diversion, des dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes ont manifesté le 20 février.
    Peut-on dire que la marche a réussi à atteindre ses objectifs ?
    Ce qu’elle a surtout réussi c’est la sensibilisation, puisque les manifestants ont posé pour la première fois les problèmes de manière claire et nette, sans la démagogie des partis politiques à laquelle nous étions habitués auparavant. Ils ont demandé une véritable gouvernance, des clarifications au niveau de l’économie, plus de liberté, des emplois pour les jeunes et la séparation des pouvoirs. Des choses simples mais exprimées clairement, sans ambiguité. Bien qu’ils n’aient pas été très nombreux, ces jeunes devront être écoutés par les dirigeants du pays, car ils ont dit tout haut ce que les autres disent tout bas, dans les salons ou hypocritement chez eux. La marche a, dans ce sens, atteint l’objectif de sensibiliser le peuple marocain, et a réussi la mobilisation des jeunes que l’on croyait dépolitisés. Cette marche aura des répercussions positives, je l’espère, peut-être dans les semaines qui viennent.
    Mais il y a eu le discours du Roi à l’occasion de l’investiture du CES, la CGEM vient d’annoncer le pacte pour l’emploi, vous n’y voyez pas des réactions ?
    En effet, il y a eu la réaction de certains officiels, celle de la CGEM que je trouve intelligente, et pas encore celle des partis politiques. On ne peut pas ne pas réagir. Pour le CES que le Roi a lancé, ce n’est pas une réponse aux revendications des jeunes, c’est un hasard du calendrier. L’initiative de la CGEM est à mon sens un début de réaction saine. Le patronat marocain devrait réagir avec une manière nouvelle d’appréhender les affaires. Plus jamais de clientélisme ou de passe-droit, plus jamais de faveurs, ni de concurrence déloyale. Il faut impérativement que les chefs d’entreprises respectent la déontologie et la bonne gouvernance. Ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. Et il faudrait que le patronat marocain soit ouvert à cette jeunesse et à ses aspirations, qu’il crée des emplois au lieu de penser uniquement à la spéculation et au gain éhonté.
    Vous voulez parler de cette richesse insolente qu’ils affichent ?
    C’est une richesse insolente et insultante. Il n’est pas normal que dans un pays comme le Maroc on ait autant de symboles de richesse et de luxe. C’est un scandale ! Pire, ce sont les mêmes qui concentrent ces richesses, profitant pour certains de leur proximité avec le Palais.
    Vous faites allusion à l’hégémonie de l’entourage royal sur les affaires. Cela aussi était une revendication du 20 février, mais ne trouvez-vous pas que c’est utopique ?
    Je parle d’un entourage royal qui profite indûment d’un certain nombre d’avantages économiques. Ce sont des choses qui existaient du temps de Hassan II et qui ont continué jusqu’à maintenant. À mon avis, toute personne qui travaille directement avec le Roi doit s’abstenir de faire des affaires, car il y a un problème de conflit d’intérêts. Quoi qu’il arrive, on ne peut pas être neutre. On ne peut pas être totalement à l’abri d’un soupçon ou d’une critique quand on est dans une telle situation. Les gens vous perçoivent comme un profiteur même si ce n’est pas vrai.
    Concrètement, quelle est la nature du retrait de Mounir Majidi de la gestion d’espace média ?
    Ce que je sais c’est qu’il s’est retiré de cette affaire de son propre chef. Pour moi, c’est un premier pas positif que je salue. C’est une question de gouvernance. Maintenant l’idéal serait qu’il se retire également de toute autre activité à caractère commercial, parce que tout simplement il est le secrétaire particulier du Roi. Ce serait une preuve de courage politique.
    Mais si le Roi le fait lui-même, pourquoi pas son entourage ?
    La famille royale a un certain nombre de sociétés qu’elle a héritées de Hassan II. Mais il est temps aujourd’hui que la personne du Roi ne soit plus un opérateur économique et entrer ainsi en concurrence avec d’autres entrepreneurs marocains. Le Roi est au-dessus de tout cela.
    Et que fera-il alors de son argent ?
    La réponse a déjà été donnée lors de la fusion-absorption SNI/ONA décidée l’année dernière, en assignant à la SNI la mission de créer un fonds d’investissement qui agira en pourvoyeur de fonds pour les entreprises qui veulent investir dans les nouvelles technologies ou dans des secteurs de pointe, et ce par le biais de prises de participation minoritaires. C’est aussi une manière de favoriser l’économie et de créer des emplois. Cependant, il ne faut pas nier l’important rôle joué par l’ONA dans le développement de l’économie marocaine, notamment en créant un secteur de distribution moderne avec Marjane et Acima et une grande banque comme Attijariwafa bank, qui avec la BP et la BMCE créent une force face aux banques étrangères.

  • #2
    Si cela s’applique à la banque, ce n’est pas le cas pour d’autres secteurs dans lesquels les filiales de l’ONA ont une position dominante...
    Mais la SNI a annoncé la cession de Lesieur, Cosumar et Centrale Laitière pour les prochaines semaines. Je suis sûr que d’autres sociétés suivront. Il faut à mon avis tout vendre et rester uniquement dans le fonds d’investissement, qui peut accompagner les investisseurs et les encourager.
    Justement, nous avons appris que Acima et Marjane étaient en vente à cause d’une certaine gêne par rapport à la commercialisation des boissons alcoolisées et leur impact sur l’image du Roi...
    Il ne faut pas penser uniquement aux sociétés qui commercialisent l’alcool comme cela était le cas pour les Brasseries du Maroc. Quand on a une démarche de gouvernance, il faut qu’elle soit globale.
    Pourquoi maintenant ? Est-ce que ce serait une réponse aux revendications du 20 février ?
    Ce débat ne date pas du 20 février. Cela a été annoncé l’année dernière avec la fusion ONA-SNI.
    Pourquoi est-ce que c’est vous qui parlez de tout cela, vous êtes le porte-parole du Roi et de son entourage ?
    Je ne suis le porte-parole de personne. Si j’en parle aujourd’hui c’est parce que je suis un homme de convictions et je le fais de manière totalement indépendante.
    Quelle est votre perception du paysage politique national ?
    Il est déplorable. J’ai cherché à travers Daba 2007 à rassembler les partis et à les mettre en avant. J’y crois encore, car sans véritables partis politiques forts il ne peut pas y avoir de démocratie dans ce pays. Si on exclut les partis politiques de la scène décisionnelle, si les partis politiques sont marginalisés, on ira vers un système dictatorial. Et je pèse bien mes mots. Il est impératif d’avoir des partis politiques forts pour encadrer la population. Le Maroc a la chance d’avoir opté pour le multipartisme depuis longtemps, mais les grands partis politiques d’hier se sont réduits comme des peaux de chagrin aujourd’hui. Et c’est bien dommage. Ceci parce que leurs dirigeants s’accrochent au pouvoir. Ils ne voient que leur propre intérêt, pas celui des citoyens. Ils ne sont pas courageux sur le champ politique. Ils n’ont jamais osé réclamer des changements profonds dans la Constitution. Ils en parlent entre eux, mais n’osent pas porter le débat sur la scène publique. La Constitution est un texte qui appartient à tous les citoyens. Il est temps aujourd’hui de préparer une Constitution qui accorde tout le poids nécessaire à l’Exécutif et qui instaure une monarchie parlementaire. Le Roi garderait, comme tout chef d’État démocratique, le dossier de l’intégrité territoriale, les affaires étrangères et les affaires religieuses. Mais à part cela, tout doit être du ressort du gouvernement. Je ne demande pas une monarchie à l’anglaise ni à l’espagnole. C’est une monarchie parlementaire avec des spécificités propres à notre pays. Il ne faut pas oublier que nous avons encore un taux d’analphabétisme important, une marginalisation du milieu rural et des problèmes ethniques et religieux encore en suspens. Le Roi peut aussi impulser des projets, proposer des idées, mais ce n’est pas à lui de les réaliser, ni de gérer les affaires du pays. Sinon le gouvernement ne se sentira pas responsable. Des réformes sont boquées. Il faut les reprendre. Notamment les recommandations de l’IER qui doivent être appliquées. C’est le cas aussi de l’Instance de lutte contre la corruption et du Conseil de la concurrence dont les pouvoirs sont très limités, voire inexistants. Ces réformes doivent être réalisées et d’autres lancées.
    Le Roi fait tout parce que les autres ne font rien ou les autres ne font rien parce que le Roi fait tout ?
    Certains faux démocrates ont tendance à penser ainsi. C’est une faute grave de prétendre que le Roi fait tout car les autres ne font rien ou sont incompétents. Pour moi, c’est totalement faux. Le Maroc regorge de compétences politiques, économiques et culturelles. C’est un problème de délimitation des pouvoirs. Dans le cadre d’une monarchie parlementaire, chacun devra effectuer son travail dans le cadre de ses attributions constitutionnelles
    Dans un paysage partisan balkanisé, a-t-on besoin du PAM ?
    Quand le Mouvement de tous les démocrates a été lancé, j’ai applaudi. Cela ressemblait à Daba 2007. Le jour où il a été constitué en parti politique je l’ai vivement critiqué (voir mon interview au «Journal» il y a trois ans). Depuis, j’ai vu que le PAM est devenu un parti important. Tant qu’à faire, j’ai dit aux partis, au lieu de l’attaquer tout le temps, vous n’avez qu’à vous mesurer à lui et créer des blocs pour faire contrepoids. Je pensais jusqu’à ces dernières semaines que cela pouvait être une chance pour les autres partis politiques. Cependant, le PAM ne pourra jamais se départir de l’image de «parti royal» du fait de la proximité de Fouad Ali El Himma avec le Souverain. C’est faux bien sûr. Le Roi n’a jamais donné de directives dans ce sens. C’est Fouad Ali El Himma qui a pris l’initiative de créer ce parti. C’est lui qui l’a fait. Aujourd’hui, au vu des évènements récents, Il est temps qu'il se retire du PAM.
    Mais il s’était déjà retiré une fois avant de revenir...
    El Himma a créé le PAM parce qu’il pense profondément qu’il y a un intérêt pour le pays, pour défendre les acquis de l’IER et du rapport du cinquantenaire. Cela part d’une bonne intention. Ce ne sont pas les titres qui l’intéressent. Il n’est d’ailleurs pas le secrétaire général du parti. Maintenant, pour l’intérêt du pays, du Roi et d’El Himma lui-même, il devrait se retirer de la scène politique. Mais le PAM doit rester au même titre que les autres partis. Le futur nous dira si ce parti peut exister et se développer sans El Himma.
    Sans transition, revenons à votre spécialité, la communication, pensez-vous qu’on a une communication «Maroc» ?
    Pas du tout. La communication Maroc est lamentable. On l’a vu dans la gestion de l’affaire de Laâyoune, elle a été en dessous de tout, sur tous les plans. Voilà une affaire qu’on pouvait gérer intelligemment. Mais nous avons été débordés, attaqués par le Polisario et ceux qui le soutiennent en Espagne via Internet. Il n’y a pas de politique cohérente et structurée de la communication de notre pays. Il n’y a jamais eu de politique de communication «Maroc».
    Est-ce qu’il y aura d’autres marches ?
    J’espère que non. Ce serait une erreur. En tout cas, moi je ne répondrai pas à l’appel s’il a lieu dans les prochains jours. Il ne faut pas que ça devienne un jeu. Il faut laisser le temps au Roi et au gouvernement pour apporter les réponses aux revendications des jeunes. J’invite les jeunes à être responsables, vigilants et utiliser d’autres moyens. Ces jeunes qui étaient à l’origine de la marche ont fait preuve d’une grande maturité. Je les invite à intégrer les partis politiques pour les rajeunir, les renforcer et les moderniser. S’ils n’y arrivent pas, parce que ce n’est pas facile, qu’ils créent des associations très fortes pour pouvoir faire pression sur le gouvernement, voire faire des propositions au Roi directement. Il faut éviter des manifestations répétitives qui risquent de déborder. Le Maroc est un pays qui a initié beaucoup de choses : l’IER, le code de la famille... Il faut sauvegarder ces acquis. Mais entre-temps, les réformes ont été bloquées et la machine est aujourd’hui en panne. Et j’espère qu’on ne prendra pas beaucoup de temps pour réfléchir. J’espère qu’on ne va pas répondre à ces jeunes dans deux ou trois ans. Il sera trop tard.
    Y aura-t-il un Daba 2012 ?
    Il n’y en aura pas. On me l’a déjà demandé et j’ai refusé.
    La marche ne vous a pas fait changer d’avis ?
    On ne peut pas travailler avec des partis qui refusent de changer ou qui ne sont pas encore prêts. Les partis politiques doivent d’abord changer. Je l’aurais fait si j’avais senti un changement réel chez les partis politiques depuis 2007. Malheureusement ce n’est pas le cas.
    On sent cette aigreur que vous avez en évoquant la scène politique nationale. Si l’offre actuelle ne vous convient pas, pourquoi ne pas lancer votre parti politique ?
    Aucune envie de lancer un parti, il n’y en a que trop. Ils ont intérêt à former deux ou trois blocs et arrêter la balkanisation du champ politique. Aujourd’hui j’accompagne des jeunes qui ont fait appel à moi pour les conseiller dans la création de leur association. Cette force vive que sont les jeunes peut régénérer la politique au Maroc. C’est une nouvelle façon de faire de la politique.
    Si les vieux partis n’arrivent pas à s’améliorer, les jeunes veulent faire la politique autrement, avec quoi on va faire cette monarchie parlementaire?
    Les partis politiques sont obligés de changer.
    H.F & S.C

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