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Maroc, l’indispensable changement de Constitution

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    Maroc, l’indispensable changement de Constitution

    En 1962, le Maroc se dotait, pour la première fois de son histoire, d’une Constitution. Pendant les décennies qui suivirent, le pays connut plusieurs changements et réformes constitutionnels, tous adoptés à l’initiative exclusive de Hassan II, père de Mohammed VI, le monarque régnant. Ce dernier, depuis qu’il est monté sur le trône, en août 1999, n’a procédé à aucune réforme constitutionnelle. Après bientôt douze années de règne, il est permis donc d’écrire que l’actuelle Constitution, qui fut adoptée en 1992 et amendée en 1996, convient au Roi Mohammed VI. Est-ce parce qu’elle lui assure un statut qui le place au-dessus des autres centres de décisions politiques et lui confère les pleins pouvoirs, faisant de lui un monarque absolu ?

    Selon la loi, le Roi est une institution, la première de toutes ; la structure même du texte de la Constitution le prouve. La royauté y est traitée au deuxième chapitre (Titre II), juste après Les dispositions générales et Les principes fondamentaux et avant le Parlement (Titre III) et le gouvernement (Titre IV). C’est que le souverain alaouite est un monarque à part ; il ne détient pas son titre de Roi et ne jouit pas du pouvoir temporel uniquement à la faveur d’évènements historiques et politiques. Son autorité se fonde également – d’abord ?- sur une légitimité religieuse qui fait de lui un monarque absolu de droit divin. En effet, les historiographes affirment que les souverains alaouites sont des descendants du Prophète

    . Grâce à cette lignée, le Roi du Maroc porte le titre d’Amir Al Mouminine, le Commandeur des croyants, le chef de la communauté des fidèles. Ainsi Mohammed VI, en tant que responsable suprême de la nation, dispose du pouvoir temporel ; en tant que Commandeur des croyants, il détient également le pouvoir spirituel. Bien plus, la loi fondamentale fait du Roi le « garant de la pérennité et la continuité de l’État » et le charge de veiller « au respect de l’islam et de la Constitution » (article 19). Aussi bien, et dès lors qu’il est le descendant du Prophète, le fondateur de l’islam – la religion de l’État – et que la Constitution le considère comme le protecteur des préceptes énoncés et décrétés sacrés par son aïeul, il n’est guère surprenant – mais ô ! combien c’est pesant – que la personne du Roi soit « inviolable et sacrée » (article 23).
    Au Maroc, la justice est rendue et les jugements prononcés au nom du monarque régnant (article 83) et, celui-ci préside le Conseil suprême de la magistrature chargé de nommer les juges (articles 84 et 85).
    À vrai dire, les pouvoirs et les prérogatives du Roi n’ont guère de limites. Aucun domaine – exécutif, législatif, judiciaire ou religieux – n’échappe à son contrôle. Chef de l’État, il peut décréter l’état d’exception et dissoudre le Parlement (articles 35 et 71). Il est le chef suprême des armées et la politique étrangère constitue son domaine réservé.
    En tant que chef de l’exécutif, « le Roi préside le Conseil des ministres » (article 25).

    Par ailleurs, il nomme non seulement le Premier ministre mais aussi, certes sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement (article 24). Partant, les portefeuilles ministériels considérés sensibles ou stratégiques, dits de « souveraineté », tels que l’Intérieur, les Affaires étrangères, les Affaires islamiques ou la Justice, sont attribués à des proches du Roi. Autant dire que l’appellation « ministres de souveraineté » n’est qu’un euphémisme pour distinguer les ministres choisis par le chef du gouvernement et ceux désignés directement par le souverain. Cette pratique de facto et non de jure soulève une interrogation légitime. Dès lors que le Roi s’octroie des droits et exerce des pouvoirs qui, initialement, ne lui sont pas reconnus par la loi, ne devrions-nous pas parler d’une Constitution explicite – celle écrite – et d’une Constitution implicite – celle qui régit effectivement le pays ?

    En principe, la Constitution garantit au Premier ministre l’initiative des lois. Cependant, il ne peut soumettre au vote du Parlement aucun projet sans qu’il n’ait été avalisé par le Conseil des ministres présidé par le Roi (article 62). En outre, si le chef du gouvernement et ses ministres sont responsables devant le Parlement, ils sont surtout – et avant tout – responsables devant le souverain (article 60).

    Depuis 1996, date de la dernière réforme constitutionnelle, le Parlement marocain se compose de deux chambres, celle des représentants – les seuls élus au suffrage universel direct – et celle des conseillers. Les parlementaires peuvent déposer des motions de censure contre la politique du gouvernement en place et leurs approbations entraînent la démission de ce dernier. Toutefois, même s’ils disposent de la confiance des députés, le Premier ministre et son équipe peuvent être démis de leurs fonctions par le souverain (article 25).

    Enfin, la Constitution limite considérablement le pouvoir et le rôle des parlementaires. En effet, l’article 51 dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la loi de finances, soit une diminution des ressources [de l’État], soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. » Partant, il n’est guère étonnant que les Marocains se désintéressent massivement des élections législatives. Celles de 2007, les dernières en date, ont enregistré un taux de participation de 37%, chiffre officiel !

    Mohammed VI, premier Roi du Maroc du XXIe siècle, dirige le pays avec une loi fondamentale surannée qui fait de lui un monarque absolu. Au IIIe millénaire, cela est inacceptable. Il est grand temps que nous adoptions une nouvelle Constitution assurant une véritable séparation des pouvoirs. Mais aussitôt une question essentielle se pose : qui se chargera de l’élaboration du nouveau texte constitutionnel ? Il est également grand temps que nous élisions la première Assemblée constituante de notre histoire pour, enfin, mettre un terme, après plus de cinquante années d’indépendance, aux constitutions octroyées.

    © Youssef Jebri, mars 2011.
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