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Pakistan: Au pays des nouveaux talibans

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  • Pakistan: Au pays des nouveaux talibans

    Deux des sept zones tribales pakistanaises, le long de la frontière avec l’Afghanistan, sont aux mains des talibans. Epaulés par des centaines de combattants d’Al Qaïda, aguerris et solidement armés, ils défient le gouvernement pakistanais. Dans leurs sanctuaires, ils ont établi des écoles et des camps pour former les futurs candidats au suicide en Afghanistan.

    Dernier check point sur la route de Miram Shah. Des soldats pakistanais regardent vaguement passer les véhicules qui se rendent au cœur du nord-Waziristan, l’un des endroits les plus dangereux du pays. Depuis quelques mois, les talibans ont pris le contrôle de la zone, imposant leurs règles de vie : tribunaux de la charia (loi islamique), police des mœurs, enseignement dans les madrasas, etc. Même les jirga, traditionnels comités de sages qui rendent justice, ont été remplacés par un éventail de codes islamiques.

    Avec la nuit qui tombe, la route devient dangereuse. Les montagnes brunes des zones tribales s’assombrissent, révélant bientôt l’emprise des fondamentalistes. « Plusieurs centaines de rebelles pakistanais, associés aux deux ou trois mille étrangers, principalement des ouzbèks et des tchétchènes, se tiennent prêts à passer la frontière pour aller combattre en Afghanistan », affirme Safdar Hayat, journaliste spécialiste des zones tribales. Habitué à ces régions difficiles, il réside désormais à Peshawar, la grande ville de l’ouest du Pakistan, et ne se rend plus dans ces régions troublées qu’après s’être assuré de sa sécurité. « Impossible d’aller sur place sans garantie », ajoute-t-il. « La situation est très tendue dans tout le Waziristan. Les talibans sont suffisamment puissants et organisés pour imposer des ultimatum aux membres du gouvernement et aux gens comme nous, les journalistes », raconte-t-il.

    « Les talibans administrent la région et les forces de sécurité ferment les yeux »

    Vêtu d’un long shawar kamiz, le vêtement traditionnel pakistanais, Safdar lance un regard dans le vide. Ses yeux bleus profonds expriment toute la détresse dans laquelle sont plongés depuis plusieurs mois les habitants des sept zones tribales. Couvrant une partie de la frontière avec l’Afghanistan, ces régions semi-autonomes « ont toujours été très traditionalistes », confie Lateef Afridi, chef de tribu et avocat à la cour de Peshawar. Dans son bureau plein de livres, le vieil homme pousse un cri d’alarme : « Tout le Waziristan est aux mains des talibans. Dans le sud, l’armée a établi un statu quo avec les fondamentalistes : pas de violence, pas d’action militaire. En somme, les talibans administrent la région comme ils l’entendent et les forces de sécurité ferment les yeux. Dans le nord, la situation est beaucoup plus tendue. La visite de Georges Bush, début mars, a obligé notre président à lancer une série d’opérations contre les militants. Pas un jour sans combat et la pression des talibans s’exporte même au-delà ».

    Depuis la création du Pakistan en 1947, et jusqu'en 2002, l'armée n'avait jamais conduit d'opérations militaires dans ces zones. Depuis, son intrusion massive est très mal vécue par les habitants, qui reprochent aux militaires de ne pas respecter leurs coutumes. Tank et Dera Ismaël Khan, deux villes limitrophes des zones tribales ont vu leurs marchés brûler et un attentat courant mars contre les forces de police, le premier du genre, a fait plusieurs morts. De son côté, Afrasiab Khattack, responsable du bureau de la commission pakistanaise des droits de l’homme à Peshawar, souligne : « Le gouvernement a joué un jeu dangereux pendant des années. Résultat : c’est toute la frontière qui s’embrase. Même les 80 000 soldats massés dans le Waziristan ne peuvent empêcher une radicalisation des militants ni même leur passage en Afghanistan ».

    Des écoles coraniques forment des aspirants kamikazes

    Depuis octobre 2005, la guérilla talibane en Afghanistan, forte de ses sanctuaires pakistanais, a engagé un véritable bras de fer avec les forces de la Coalition emmenées par les Américains. Plus de quarante attentats dans différentes villes, des attaques de plus en plus ciblées sur les troupes régulières, entraînant parfois plusieurs jours de combats, des engins explosifs cachés sous les routes, les pratiques se radicalisent et commencent à ressembler, selon certains observateurs dans la région, à celles mises en place en Irak. Côté Waziristan, pour alimenter ce djihad (guerre sainte), les madrasas recrutent. Ce que raconte Fakhar Mohammad, habitant de Mir Ali, une ville près de Miram Shah, qui connaît régulièrement ces derniers temps des affrontements entre les forces pakistanaises et les rebelles. « Il y a des dizaines d’écoles coraniques où l’enseignement n’est qu’une façade. Elles servent en fait à sélectionner les futurs candidats au djihad, qui sont ensuite envoyés dans des camps d’entraînement. Ce sont des centaines de kamikazes qui sont prêts à se faire sauter en Afghanistan et dorénavant, ici même. Et si le gouvernement d’Islamabad continue de lancer ses offensives qui font des dégâts dans la population, il récoltera lui aussi des bombes », avance Fakhar, désormais réfugié à Bannu, petite ville située à la limite du nord-Waziristan.

    Les bavures américaines renforcent les talibans

    En janvier dernier, les forces américaines ont bombardé une maison de la zone tribale de Bajaur, plus au nord, pensant y éliminer le numéro deux d’Al Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Bilan : au moins treize villageois tués et de très nombreuses manifestations sur la frontière contre les Etats-Unis et contre le gouvernement pakistanais. « C’est avec de telles bavures que les militants obtiennent plus de soutien dans la population », s’insurge un médecin de Bannu, avant d’ajouter, furieux : « Les gens sont de plus en plus révoltés ».

    Après une période d’incertitude, au lendemain de l’arrivée des troupes de la Coalition en Afghanistan, les fondamentalistes se sont refaits une santé. Ils ont établi des bases de part et d’autre de la frontière et lancent des raids de plus en plus meurtriers. Au Pakistan, les militants opèrent désormais sous le commandement de deux mollahs radicaux, Sadiq Noor et Abdul Khaliq.

    A Peshawar, comme dans les bazars des zones tribales, des DVD de propagande sont vendus sous le manteau. L’un d’eux montre un groupe de talibans à Miram Shah, face à plusieurs corps mutilés et pendus. La foule exaltée regarde amusée ces cadavres. Soudain, un combattant soulève une tête encore sanguinolente. On tire en l’air et on indique aux plus jeunes qu’il faut aller se battre en Afghanistan. Tourné en décembre dernier, ce DVD est destiné au recrutement des réseaux Al Qaïda. Il indique également qu’un Etat islamique vient d’être proclamé dans tout le Waziristan.

    Par RFI
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