Université et les étudiants algériens floués par le système LMD…
Par le Pr Ahmed ROUADJIA
Tout ce que j’ai prédit depuis 2008, vient de se confirmer : le système LMD tel qu’il a été conçu et appliqué par le MESRS et ses experts s’est révélé au grand jour comme un grand fiasco.
Les protestations et les manifestations estudiantines en cours, suivies de grèves depuis quelques semaines, donnent raison à tous les enseignants nationaux qui, à mon instar, n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers que comporte cette réforme bâclée, précipitée et hâtive, mais que ses défenseurs, en premier lieu le MESRS, n’ont de cesse de présenter comme une grande « innovation » destinée à produire de la « Performance » et de l’ « Excellence ».
Mots plus grandiloquents que grandioses, mais qui ont le mérite cependant d’occulter aux yeux des profanes, et aux yeux des naïfs aussi, le caractère importé de ce « modèle » dont l’imitation et l’application mécanique en contexte algérien a eu pour effet désastreux de susciter des désordres inextricables dans les esprits aussi bien des émetteurs ( les enseignants) que dans celui des récepteurs ( les étudiants).
Les approches de transmission des connaissances, comme le contenu même de ce modèle LMD tant célébré et chanté sur tous les tons et sur tous les airs par le MESRS et ses experts plus intéressés que consciencieux et compétents, demeurent en fait confus, vagues et indécis.
Les instigateurs de ce prétendu projet de réforme de l’Enseignement supérieur ne se rendent pas compte ou font semblant de ne pas savoir à quel point ils ont porté de graves préjudices à ce secteur vital de la nation en transportant et en transposant un « modèle » exogène inadapté au contexte national.
Les raisons légitimes de la colère estudiantine
Les causes de cette levée de bouclier étaient prévisibles.
Le système LMD dont la tutelle reconnaît qu’il « représente une architecture d’enseignement supérieur inspirée de celle en vigueur dans les pays industrialisés », (cf. site du MESRS) constitue le motif essentiel de ces protestations généralisées et qui se justifient justement par le fait que ce système « copié » se trouve appliqué chez nous de manière chaotique. Sa prétendue « architecture » se réduit à ses initiales empruntées et que la tutelle a reproduites telles quelles sur son site. Elle prétend que ce système LMD « repose sur une architecture à trois (03) cycles de formation, sanctionné chacun par un diplôme agrée et reconnus mondialement ». Dire que ce diplôme est « reconnu mondialement » relève en fait d’une entorse faite à la vérité, et qui ne résiste guère à l’épreuve des faits. Les faits disent que l’espace européen n’accorde pas d’équivalence à nos diplômes, qu’ils soient produits par le système classique ou par celui copié du LMD. La raison en est simple : c’est que le contenu et les méthodes d’enseignement qui président à la formation des trois cycles dans notre pays sont bien en deçà de ceux dispensés en Europe. Cela est prouvé par maintes données et comparaisons internationales.
Nos étudiants eux-mêmes comme nos enseignants, y compris les plus suivistes d’entre eux, ne sont pas dupes et savent que ces diplômes délivrés ou qui vont l’être ne valent pas une once de valeur.
Les protestations et les grèves en cours traduisent une prise de conscience claire et distincte chez les étudiants quant à l’avenir que leurs réservent ces diplômes démonétisés par anticipation.
Au plan national, leur valeur sera d’autant plus faible que leurs futurs porteurs auront peu de chance d’avoir des postes ou des emplois qui répondent vraiment à leurs rêves, désirs ou attentes ;
au plan international, leur cote ou leur parité sera exactement ou presque proportionnelle à la valeur de notre Dinar - cette monnaie de singe- qui, rapportée à l’euro donne la mesure vertigineuse de l’écart : 140 DA pour obtenir un euro !
Les étudiants ont compris au bout de quelques années de mise en application de ce système introduit chez nous comme par effraction qu’ils ont été bel et bien grugés, et se sentent d’ailleurs comme les véritables dindons de la farce…
Comme les enseignants qui n’ont pas été consultés lors du « copiage » ou du « plagiat » honteux de cette prétendue belle « architecture », ils ont été joués par le MESRS qui, par une sorte de mépris hautain, n’a pas daigné les associer à ses réflexions « réformatrices ».
Le résultat est là : irréversiblement catastrophique !
Théoriquement comptables et responsables devant la nation de cette gestion désinvolte de la chose scientifique, le ministre actuel et « les experts » qui l’ont « conseillé » ou « trompé » devraient, s’ils étaient fidèles à l’éthique et à la déontologie dont ils se prévalent, donner leurs démissions et faire amende honorable. Mais il est fort improbable, en effet, qu’aucun d’eux ne reconnaisse ses fautes ou ses responsabilités dans cette dérive dangereuse de l’enseignement et de la recherche qui est en passe de mener notre pays vers l’abîme.
Le LMD, pomme de discorde et de friction
Censé être le sésame ouvrant les portes de l’avenir, le LMD se révèle au bout du compte comme une véritable impasse, une voie de garage pour ceux qui s’y sont engagés. Le classique n’est pas en reste. Les deux systèmes en cohabitation, dont le second touche en principe à sa phase finale d’extinction, ont suscité des frictions, des jalousies, voire même des animosités entre les étudiants des deux systèmes parallèles.
Dans certains établissements, les étudiants du LMD se sentent lésés par ceux du classique, et ceux du classique leur reprochent d’être mieux servis et mieux gâtés qu’eux. Ceux du Master 1 en particulier se montrent hostiles à ce que les étudiants du classique empiètent sur leur périmètres « sacrés » et de revendiquer le droit d’entrée dans leur système « réservé » en optant pour le master.
Autrement dit, certains des étudiants du LMD prétendent que le système classique menace leurs intérêts et les prive de certains de leurs « droits », et c’est pourquoi ils voient d’un mauvais œil le retour au magister qui menacerait selon eux le LMD sur lequel les étudiants du classique lorgnent. Ces divergences se sont manifestées surtout à l’université de Msila mais que les étudiants qui viennent de se constituer en un collectif dénommé « Etudiants Libres » tente de résorber en tendant la main à leurs camardes du LMD dont quelques uns se montrent rétifs au débat et tiennent à préserver ce qu’ils considèrent comme « un acquis » de taille… Pourtant ces étudiants du LMD, quoique qu’ils puissent rêver pouvoir tirer leur épingle du jeu, ils ne sont pas sortie pour autant de l’auberge, puisqu’ils se trouvent confrontés à une foule d’incertitudes quant à la valeur de leurs futurs diplômes, valeur qui ne semble pas leur garantir la carrière désirée et désirable.
A suivre ...
Par le Pr Ahmed ROUADJIA
Tout ce que j’ai prédit depuis 2008, vient de se confirmer : le système LMD tel qu’il a été conçu et appliqué par le MESRS et ses experts s’est révélé au grand jour comme un grand fiasco.
Les protestations et les manifestations estudiantines en cours, suivies de grèves depuis quelques semaines, donnent raison à tous les enseignants nationaux qui, à mon instar, n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers que comporte cette réforme bâclée, précipitée et hâtive, mais que ses défenseurs, en premier lieu le MESRS, n’ont de cesse de présenter comme une grande « innovation » destinée à produire de la « Performance » et de l’ « Excellence ».
Mots plus grandiloquents que grandioses, mais qui ont le mérite cependant d’occulter aux yeux des profanes, et aux yeux des naïfs aussi, le caractère importé de ce « modèle » dont l’imitation et l’application mécanique en contexte algérien a eu pour effet désastreux de susciter des désordres inextricables dans les esprits aussi bien des émetteurs ( les enseignants) que dans celui des récepteurs ( les étudiants).
Les approches de transmission des connaissances, comme le contenu même de ce modèle LMD tant célébré et chanté sur tous les tons et sur tous les airs par le MESRS et ses experts plus intéressés que consciencieux et compétents, demeurent en fait confus, vagues et indécis.
Les instigateurs de ce prétendu projet de réforme de l’Enseignement supérieur ne se rendent pas compte ou font semblant de ne pas savoir à quel point ils ont porté de graves préjudices à ce secteur vital de la nation en transportant et en transposant un « modèle » exogène inadapté au contexte national.
Les raisons légitimes de la colère estudiantine
Les causes de cette levée de bouclier étaient prévisibles.
Le système LMD dont la tutelle reconnaît qu’il « représente une architecture d’enseignement supérieur inspirée de celle en vigueur dans les pays industrialisés », (cf. site du MESRS) constitue le motif essentiel de ces protestations généralisées et qui se justifient justement par le fait que ce système « copié » se trouve appliqué chez nous de manière chaotique. Sa prétendue « architecture » se réduit à ses initiales empruntées et que la tutelle a reproduites telles quelles sur son site. Elle prétend que ce système LMD « repose sur une architecture à trois (03) cycles de formation, sanctionné chacun par un diplôme agrée et reconnus mondialement ». Dire que ce diplôme est « reconnu mondialement » relève en fait d’une entorse faite à la vérité, et qui ne résiste guère à l’épreuve des faits. Les faits disent que l’espace européen n’accorde pas d’équivalence à nos diplômes, qu’ils soient produits par le système classique ou par celui copié du LMD. La raison en est simple : c’est que le contenu et les méthodes d’enseignement qui président à la formation des trois cycles dans notre pays sont bien en deçà de ceux dispensés en Europe. Cela est prouvé par maintes données et comparaisons internationales.
Nos étudiants eux-mêmes comme nos enseignants, y compris les plus suivistes d’entre eux, ne sont pas dupes et savent que ces diplômes délivrés ou qui vont l’être ne valent pas une once de valeur.
Les protestations et les grèves en cours traduisent une prise de conscience claire et distincte chez les étudiants quant à l’avenir que leurs réservent ces diplômes démonétisés par anticipation.
Au plan national, leur valeur sera d’autant plus faible que leurs futurs porteurs auront peu de chance d’avoir des postes ou des emplois qui répondent vraiment à leurs rêves, désirs ou attentes ;
au plan international, leur cote ou leur parité sera exactement ou presque proportionnelle à la valeur de notre Dinar - cette monnaie de singe- qui, rapportée à l’euro donne la mesure vertigineuse de l’écart : 140 DA pour obtenir un euro !
Les étudiants ont compris au bout de quelques années de mise en application de ce système introduit chez nous comme par effraction qu’ils ont été bel et bien grugés, et se sentent d’ailleurs comme les véritables dindons de la farce…
Comme les enseignants qui n’ont pas été consultés lors du « copiage » ou du « plagiat » honteux de cette prétendue belle « architecture », ils ont été joués par le MESRS qui, par une sorte de mépris hautain, n’a pas daigné les associer à ses réflexions « réformatrices ».
Le résultat est là : irréversiblement catastrophique !
Théoriquement comptables et responsables devant la nation de cette gestion désinvolte de la chose scientifique, le ministre actuel et « les experts » qui l’ont « conseillé » ou « trompé » devraient, s’ils étaient fidèles à l’éthique et à la déontologie dont ils se prévalent, donner leurs démissions et faire amende honorable. Mais il est fort improbable, en effet, qu’aucun d’eux ne reconnaisse ses fautes ou ses responsabilités dans cette dérive dangereuse de l’enseignement et de la recherche qui est en passe de mener notre pays vers l’abîme.
Le LMD, pomme de discorde et de friction
Censé être le sésame ouvrant les portes de l’avenir, le LMD se révèle au bout du compte comme une véritable impasse, une voie de garage pour ceux qui s’y sont engagés. Le classique n’est pas en reste. Les deux systèmes en cohabitation, dont le second touche en principe à sa phase finale d’extinction, ont suscité des frictions, des jalousies, voire même des animosités entre les étudiants des deux systèmes parallèles.
Dans certains établissements, les étudiants du LMD se sentent lésés par ceux du classique, et ceux du classique leur reprochent d’être mieux servis et mieux gâtés qu’eux. Ceux du Master 1 en particulier se montrent hostiles à ce que les étudiants du classique empiètent sur leur périmètres « sacrés » et de revendiquer le droit d’entrée dans leur système « réservé » en optant pour le master.
Autrement dit, certains des étudiants du LMD prétendent que le système classique menace leurs intérêts et les prive de certains de leurs « droits », et c’est pourquoi ils voient d’un mauvais œil le retour au magister qui menacerait selon eux le LMD sur lequel les étudiants du classique lorgnent. Ces divergences se sont manifestées surtout à l’université de Msila mais que les étudiants qui viennent de se constituer en un collectif dénommé « Etudiants Libres » tente de résorber en tendant la main à leurs camardes du LMD dont quelques uns se montrent rétifs au débat et tiennent à préserver ce qu’ils considèrent comme « un acquis » de taille… Pourtant ces étudiants du LMD, quoique qu’ils puissent rêver pouvoir tirer leur épingle du jeu, ils ne sont pas sortie pour autant de l’auberge, puisqu’ils se trouvent confrontés à une foule d’incertitudes quant à la valeur de leurs futurs diplômes, valeur qui ne semble pas leur garantir la carrière désirée et désirable.
A suivre ...
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